25 janvier 2022

Une guerre en Ukraine serait de la tactique, mais Poutine fait de la stratégie

La préparation médiatique « occidentale » à une guerre en Ukraine a été lancée il y a 63 jours, le 22 novembre :

Les États-Unis ont partagé avec leurs alliés européens des renseignements, y compris des cartes, qui montrent une accumulation de troupes et d’artillerie russes pour préparer une poussée rapide et à grande échelle en Ukraine à partir de plusieurs endroits si le président Vladimir Poutine décidait d’envahir le pays, selon des personnes au fait de ces conversations.

Ces renseignements ont été transmis à certains membres de l’OTAN au cours de la semaine écoulée pour étayer les inquiétudes des États-Unis quant aux intentions éventuelles de Poutine et les efforts diplomatiques de plus en plus intenses déployés pour le dissuader de toute incursion, les dirigeants européens s’entretenant directement avec le président russe. Cette diplomatie s’appuie sur une évaluation américaine selon laquelle Poutine pourrait envisager une invasion au début de l’année prochaine, alors que ses troupes se massent à nouveau près de la frontière.

Rien ne s’est produit depuis, mais il n’y a pas eu de répit :

L’ampleur et la portée des opérations de propagande occidentales en ce moment concernant l’Ukraine et la Russie dépasse, à mon avis, ce qui a été fait avant la deuxième invasion de l’Irak.

Même dans la modeste Australie, les chaînes commerciales et publiques diffusent quotidiennement des histoires sur les courageux Ukrainiens se préparant à une invasion russe imminente, et la presse écrite publie des articles de réflexion sur Poutine qui tente de recréer les jours de gloire de Catherine la Grande et un nouvel empire russe, etc. Et puis il y a les histoires de braves membres de l’OTAN qui se précipitent pour aider la petite Ukraine. Je suis maintenant complètement déconcerté par l’ampleur et le déséquilibre évident de cette couverture. Les médias sont totalement embarqués dans le train en direction de la guerre.

La plupart de cette propagande n’est basée que sur de la merde. Aujourd’hui, nous entendons parler d’un rappel des familles de diplomates américains et britanniques de Kiev, de promesses d’armes et d’argent supplémentaires à Kiev, du repositionnement des forces de l’OTAN, etc. Rien de tout cela n’aura d’importance en cas de guerre. Mais tout est fait pour que cet élément reste en tête de l’actualité. Il s’agit sans aucun doute d’une campagne dirigée par la CIA/MI6.

Il ne manque qu’une chose, l’intérêt de la Russie à envahir l’Ukraine, mais l’ancien ambassadeur M.K. Bhadrakumar pense que cela se produira, pour des raisons stratégiques :

Fondamentalement, les États-Unis ont gagné du terrain grâce aux efforts soutenus au cours des trois dernières décennies, depuis que l’administration de Bill Clinton a mis en place une stratégie concertée en prévision d’une prochaine résurgence de la Russie. Maintenant que les États-Unis ont pris le dessus, ils seront peu enclins à le céder.

Du point de vue de Washington, il s’agit d’un modèle clé de la lutte géopolitique qui se déroule autour du nouvel ordre mondial, après la montée en puissance de la Chine et le déplacement de la dynamique du pouvoir de l’Ouest vers l’Est. Réduire la taille de la Russie et être en mesure de l’intimider est une condition préalable à la lutte globale des États-Unis contre la Chine. Il suffit de dire que l’Ukraine est devenue un champ de bataille où se joue un test de volonté titanesque.

L’objectif final de la Russie est une Ukraine fédérée par le biais d’une réforme constitutionnelle, la souveraineté, l’unité nationale et l’intégrité territoriale du pays étant intactes, tandis que les régions jouissent d’une autonomie. L’Europe pourrait s’en féliciter, car ce serait le meilleur moyen de stabiliser la situation et d’éliminer le risque de conflit futur.

C’est possible. Il y a plusieurs fils conducteurs sur la façon dont une telle invasion pourrait plausiblement se dérouler. Aucun ne doute que la Russie gagnerait militairement.

La Russie a de bonnes raisons d’envahir l’Ukraine, mais elle a aussi de bonnes raisons de ne pas le faire

L’objectif de la Russie est de modifier la position agressive que les États-Unis adoptent à son égard.

Une invasion de l’Ukraine aurait l’effet inverse. Elle augmenterait le nombre de troupes dans les pays de l’OTAN d’Europe de l’Est et aurait des répercussions négatives sur la position stratégique de la Russie. Seul le complexe militaro-industriel et médiatique occidental en serait ravi.

Je pense que la campagne médiatique « occidentale » actuelle est censée servir de couverture à une campagne ukrainienne contre les provinces rebelles du Donbass.

Murad Gazdiev @MuradGazdiev – 12:47 UTC – 24 janv. 2022

Président Zelensky s’adressant au service de renseignement extérieur de l’Ukraine :

« Nous avons appris à contenir les menaces extérieures. Il est temps de commencer des actions offensives visant à sécuriser nos intérêts nationaux. Nos citoyens sont unis dans leur volonté de récupérer leur territoire. »

vidéo

La Russie doit être poussée soit à ne pas intervenir dans la campagne ukrainienne, soit à intervenir par une invasion massive. Les deux solutions répondraient aux souhaits des États-Unis, bien que la première soit préférée. C’est pourquoi les États-Unis menacent la Russie de sanctions. (Des sanctions qui feraient passer le pétrole au-dessus de 100 $/b ? Des sanctions qui feraient plus de mal aux pays européens de l’OTAN et au marché boursier américain qu’à la Russie).

Le président russe Vladimir Poutine est un judoka, pas un boxeur.

Si le Donbass était attaqué, la Russie interviendrait certainement, mais elle peut le faire et le ferait probablement sans invasion. L’artillerie et peut-être une campagne aérienne suffiraient à détruire les attaquants ukrainiens.

Le tableau réel est bien plus vaste. La Russie veut obliger les États-Unis à adopter une position non agressive en Europe. Cela nécessite une menace contre les États-Unis eux-mêmes. Washington ne reviendra à la raison que lorsqu’elle sentira qu’elle est directement menacée. Une menace qui est nouvelle et très visible.

C’est pourquoi je trouve cette nouvelle intrigante :

Vladimir Poutine a eu une conversation téléphonique avec le président de la République de Cuba Miguel Diaz-Canel Bermudez. 24 janvier 2022 18:10

Les dirigeants ont eu un échange de vues approfondi sur la coopération bilatérale dans les domaines du commerce, de l’économie et des investissements. Le président cubain a remercié la Russie pour l’aide humanitaire fournie à la république, notamment dans le cadre de la lutte contre le COVID-19. Les présidents ont discuté de la poursuite de la coordination des actions de la Russie et de Cuba sur la scène internationale, conformément aux principes du partenariat stratégique et aux traditions d’amitié et de compréhension mutuelle.

Vladimir Poutine et Miguel Diaz-Canel Bermudez ont réaffirmé leur volonté de renforcer les relations bilatérales et sont convenus d’intensifier les contacts à différents niveaux.

Il y a quatre jours, un appel similaire a eu lieu avec le président du Venezuela :

Les dirigeants ont réaffirmé leur engagement en faveur d’une coordination étroite dans les affaires internationales, conformément aux principes de partenariat stratégique qui sous-tendent les relations bilatérales.

Lorsque la Russie a remis à Washington deux projets de traités, elle a menacé de prendre des mesures « militaro-techniques » si les États-Unis rejetaient les demandes de la Russie. Je pense que c’est un code pour le déploiement de systèmes d’armes existants ou nouveaux.

Pendant la guerre froide, le stationnement de missiles russes à Cuba a contraint les États-Unis à retirer leurs missiles de Turquie et d’Italie. Rien d’autre n’avait fonctionné, mais les missiles à Cuba l’ont fait.

Alors pourquoi ne pas tirer les leçons de l’histoire et répéter une telle démarche ?

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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