01 décembre 2021

Qui veut de l’Ukraine ?

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Mardi 23 novembre, le général le plus haut gradé de l’armée russe, Valery Gerasimov, a tenu une conférence téléphonique de « déconfliction » avec le président des chefs d’état-major interarmées américains, Mark Milley, au cours de laquelle ils ont discuté de « questions urgentes de sécurité internationale ». Les détails réels de ce dont ils ont discuté ne sont pas disponibles ; ce qui l’est, ce sont les spéculations des médias occidentaux qui, ces derniers jours, ont inclus de fausses informations sur des troupes russes massées à la frontière ukrainienne et prétendument prêtes à envahir le pays. Ce que les médias occidentaux ont soigneusement ignoré, c’est un véritable rassemblement de troupes ukrainiennes aux frontières de la région du Donbass – la région industrialisée temporairement ukrainienne qui est de facto indépendante depuis le putsch de Kiev en 2014.

À la suite de ce putsch, et du refus du Donbass (ainsi que de la Crimée) de reconnaître le nouveau gouvernement ukrainien installé par le Département d’État américain, les Ukrainiens ont tenté de reprendre le Donbass par la force. Cette tentative a échoué, et Kiev a réussi à éviter une défaite totale en signant les accords de Minsk en février 2015, mais n’a manifestement jamais eu l’intention de les respecter. Au lieu de cela, depuis lors, les forces ukrainiennes bombardent le no man’s land entre le territoire tenu par l’Ukraine (qui est principalement constitué de prairies ouvertes) et le Donbass (qui est urbanisé et densément peuplé), tuant un petit nombre de civils et de membres des milices locales et causant des dommages matériels considérables. Bien que la presse occidentale ne cesse de parler de « forces russes » dans le Donbass, elle n’en a encore présenté aucune preuve. Et bien que la presse occidentale aime décrire le Donbass en utilisant l’épithète éculée de « déchiré par la guerre », il est en réalité plus prospère et plus stable que le reste de l’Ukraine, intégré dans l’économie russe et fonctionnant largement comme une région russe.

En dépit du bruit que font les médias occidentaux, un effort militaire russe pour capturer le Donbass, sans parler du reste de l’Ukraine, est extrêmement improbable. La Russie a déjà tout ce qu’elle veut. Contrairement à la Crimée qui, lors de son référendum de 2014, a voté à 97 % en faveur de l’intégration de la région dans la Fédération de Russie avec un taux de participation de 83 %, lors d’un référendum similaire dans le Donbass (organisé contre la volonté de Moscou), seuls 27,5 % des 74,87 % de votants se sont prononcés en faveur de l’adhésion à la Fédération de Russie. Sur la base de ce résultat, Moscou a choisi d’adoucir la situation dans le Donbass, en fournissant une aide humanitaire et un soutien diplomatique, en accordant la citoyenneté russe à ceux qui le souhaitent et en intégrant progressivement la région sur le plan social et économique. Dans d’autres régions ukrainiennes, si des référendums similaires avaient été organisés, le niveau de soutien à l’adhésion à la Russie aurait, selon toute vraisemblance, été encore plus faible, et aujourd’hui, sept ans plus tard, il le serait encore plus. On peut en tirer une conclusion : à l’exception de la Crimée (qui a fait partie de l’Ukraine indépendante pendant 23 ans seulement), aucune région d’Ukraine n’était ou n’est candidate à l’intégration dans la Fédération de Russie. Les Russes qui y vivent bénéficieront d’un certain soutien de la part de la Russie et sont, bien entendu, invités à s’installer en Russie, mais c’est tout.

Après avoir exclu ce qui est extrêmement improbable, passons à ce qui est tout à fait probable, à savoir une provocation dans le Donbass mise en scène par les autorités de Kiev et par leurs conseillers du département d’État, du Pentagone et de la CIA, dans le but de détourner la responsabilité de la situation économique véritablement désastreuse qui s’y déroule, dans l’espoir de pouvoir conserver le contrôle politique de la situation. En s’introduisant en Ukraine et en la transformant en une sorte de rempart anti-russe, les États-Unis ont gagné une dépendance effrontément corrompue et indisciplinée. Incapables d’arrêter leur glissement inexorable vers un État en faillite et une désintégration politique et sociale, les États-Unis sont confrontés à la perspective d’une nouvelle déroute de type afghan, avec des laissés-pour-compte désespérés courant après les avions de transport américains décollant à la hâte de l’aéroport Borispol de Kiev, après quoi même les attardés mentaux qui dirigent l’Union européenne seront forcés d’admettre que les garanties de sécurité américaines sont une blague totale et commenceront à se préparer à venir au Kremlin à genoux pour embrasser la babouche de velours incrustée de pierres précieuses [du maître des lieux, NdT].

Face à ce scénario fâcheux, les États-Unis sont très désireux de contrôler l’image de la situation et de faire croire que tout est de la faute de la Russie. Puisque le fait de sauter en l’air et de crier « Les Russes arrivent ! Les Russes arrivent ! » ne suffit plus, ils cherchent quelque chose – n’importe quoi – qui incitera les Russes à se montrer et à se battre, ne serait-ce qu’un tout petit peu, afin que CNN et MSNBC puissent diffuser des photos mises en scène d’une couverture pour bébé ensanglantée et que le Congrès américain puisse ensuite pousser des cris d’orfraie à propos de « l’agression russe » et imposer des sanctions aux fabricants russes de couvertures pour bébé. Ce « n’importe quoi » s’appelle une provocation, et il n’y a pas de meilleur endroit pour la mettre en scène que le Donbass, qui est une plaie saignante existante sur laquelle ils s’acharnent depuis sept ans maintenant. Bien sûr, ils le feront dans la crainte d’une escalade qu’ils seraient incapables de contrôler, d’où la conférence de « déconfliction » hâtive avec le général Gerasimov : « Écoutez, nous faisons pan-pan, puis vous faites pan-pan, puis nous déclarons les hostilités terminées et nous nous portons un toast avec de la vodka et du caviar ; OK ? ».

Étant donné qu’une provocation quelconque semble très probable, il convient de réfléchir à ce à quoi elle ressemblerait et à son issue.

Tout d’abord, voici quelques éléments de contexte. L’Ukraine (qui signifie « frontière » en russe) a toujours été moins un pays qu’un territoire hétérogène, sans cesse contesté, ballotté entre la Russie, la Turquie, la Pologne, l’Autriche, l’Allemagne et même, très brièvement, la Suède. Il est essentiellement limitrophe de la Russie (Crimée, régions de Krasnodar, Rostov, Voronej, Belgorod, Kursk et Bryansk). Elle a également des frontières avec la Biélorussie (abréviation de « Russie blanche »), qui ressemble beaucoup à la Russie. Elle a des frontières plus petites avec la Pologne, la Slovénie, la Hongrie, la Roumanie, la Moldavie et la Transnistrie non reconnue et défendue par la Russie. Elle a également des frontières avec les régions de Donetsk et de Lugansk, collectivement connues sous le nom de Donbass, abréviation de « bassin houiller de Donetsk », qui faisait autrefois partie de l’Ukraine mais qui est indépendante de facto depuis sept ans et intégrée économiquement à la Russie.

Parmi ces pays, l’Ukraine, la Biélorussie et la Moldavie faisaient récemment partie de l’URSS, tandis que les autres faisaient partie du Pacte de Varsovie, allié de l’URSS. Pour la plupart d’entre eux, c’était le bon temps ; pour des raisons incompréhensibles pour les impérialistes occidentaux rapaces, la Russie a accordé beaucoup d’attention et d’investissements à sa périphérie ethniquement hétérogène, non seulement en y construisant un grand nombre d’infrastructures et d’entreprises sociales et industrielles, mais aussi en les dotant de Russes relocalisés. La plupart des Russes se rendent compte aujourd’hui que c’était un mauvais choix. Cette leçon est continuellement renforcée par l’observation des piètres performances des anciennes républiques soviétiques depuis qu’elles ont obtenu leur indépendance. L’Ukraine en est un bon exemple : elle a perdu jusqu’à un tiers de sa population (les chiffres exacts sont impossibles à déterminer) et est passée progressivement du statut de région prospère et hautement développée à celui de région la plus pauvre de toute l’Europe.

L’Ukraine aspire à devenir membre de l’OTAN et de l’UE, mais cette perspective semble extrêmement improbable, car elle est bien plus un handicap qu’un atout : elle est démunie, en faillite, politiquement instable et ne contrôle pas son propre gouvernement ni son propre territoire – un État failli, en somme. De plus, l’UE et l’OTAN ne sont peut-être pas là dans ce monde pour bien longtemps, l’UE ayant récemment perdu le Royaume-Uni et l’OTAN venant d’échouer fabuleusement en Afghanistan, et n’étant pas vraiment capable d’accepter de nouveaux membres. Sentant leur propre faiblesse, et projetant sur la Russie leur propre instinct d’engloutissement et de dévoration de tout ce qu’ils peuvent, ils supposent automatiquement que la Russie va exploiter cette faiblesse et reconquérir l’Ukraine et peut-être aussi d’autres parties de l’Europe de l’Est. Mais il ne s’agit là que d’une projection, car le projet russe contemporain est tout autre. La Russie déplace périodiquement ses troupes sur son propre territoire, maintenant ainsi l’Occident dans un état constant d’agitation nerveuse, à la limite de la panique, mais du point de vue russe, ce n’est que l’agréable effet secondaire d’exercices d’entraînement réguliers. La presse occidentale a récemment fait preuve d’une grande hystérie à propos des chars russes massés à la frontière biélorusse, par exemple. La Russie est toujours « sur le point d’envahir », surtout le mardi, mais elle ne se lance jamais.

Ce n’est pas parce que la Russie n’en a pas les moyens ou l’opportunité, mais elle n’a aucun mobile. A-t-elle besoin de plus de terres ? Certainement pas ! A-t-elle besoin d’une population rétive et aliénée qui exigera ensuite d’être nourrie, hospitalisée si nécessaire et maintenue en sécurité et au chaud tout en résistant à l’assimilation ? Pas du tout ! A-t-elle besoin des pertes de réputation liées à une agression non provoquée ? Encore une fois, non. Bien au contraire, la Russie est très désireuse de tracer une ligne quelque part – une sorte de Grande Muraille de Russie, avec d’un côté le monde russe orthodoxe, musulman et bouddhiste, stable, économiquement libéral et socialement conservateur, et de l’autre une Europe étrangère, de plus en plus en faillite, culturellement dégénérée, sexuellement déviante et définitivement hostile. Cela donnera à la Russie la paix et la stabilité dont elle a besoin pour continuer à se développer. Le problème est qu’en raison de l’éclatement désordonné de l’URSS, de nombreux Russes se sont retrouvés du mauvais côté de frontières auparavant insignifiantes, et cette Grande Muraille doit rester poreuse, permettant aux Russes de revenir.

On peut dire que l’histoire d’amour entre la Russie et l’Europe occidentale a toujours été destinée à se terminer en larmes. Les instincts coopératifs et égalitaires de la Russie ont été développés et perfectionnés au cours de nombreux siècles dans le contexte eurasien d’une population relativement faible contrôlant un territoire vaste mais difficile, aux ressources presque infinies mais plutôt diffuses. Dans ce contexte, la coopération plutôt que la compétition sont les clés de la survie. Ces instincts ont été gaspillés par les petits fiefs d’Europe de l’Est qui ont passé une éternité à se chamailler pour leurs minuscules parcelles de terre. Leur histoire les a conditionnés à ne comprendre et à ne respecter que la soumission et la domination, les amenant à considérer les largesses russes comme une faiblesse à exploiter. Lorsque l’URSS a soudainement disparu, ils ont rapidement changé d’allégeance, oubliant leur russe, apprenant l’anglais et accueillant avec enthousiasme les escrocs et les voleurs financiers américains et ouest-européens qui venaient les cueillir. Et maintenant qu’ils ont été nettoyés et que les Américains s’en vont, ils seraient peut-être heureux que la Russie les « réoccupe » et recommence à les nourrir (si ce n’était pas pour leur fierté blessée), mais la Russie ne veut rien entendre.

Dans ce contexte général, chaque pays d’Europe de l’Est connaît un sort particulier. La plupart d’entre eux – en particulier l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Moldavie – sont tout simplement trop petits et trop insignifiants pour avoir de l’importance et on les a laissés dépérir lentement, sans grand intérêt pour l’Occident ou la Russie. La Biélorussie se distingue par le fait qu’elle a rapidement rejoint un État-union avec la Russie, mais cela ne l’a pas sauvée de quelques alliances fatidiques avec l’Occident, qui ont failli se terminer par un désastre à l’été 2020, lorsqu’une insurrection de type astroturfing encouragée par l’étranger a menacé de renverser le gouvernement élu et d’installer un larbin occidental du nom de Svetlana Tikhanovskaya, surnommée la « fée des escalopes ». Depuis lors, Minsk et Moscou ont accéléré leur processus d’intégration, ce qui a donné lieu à une situation étrange où les Biélorusses se sentent libres de faire un pied de nez aux dirigeants occidentaux tout en se cachant derrière le dos de la Russie.

Et puis il y a l’Ukraine. C’est le deuxième plus grand pays d’Europe en termes de superficie – juste après la Russie – et sa situation stratégique lui confère une certaine importance. Depuis son indépendance, qu’elle a obtenue contre la volonté de la majorité de sa population lorsque l’URSS a été dissoute par un petit groupe de conspirateurs, elle a été dirigée par une succession d’escrocs et de voleurs qui n’ont cessé de la piller et de la voler jusqu’à ce qu’elle ne soit plus que l’ombre d’elle-même, brisée et démunie. Cela en a fait une cible facile pour les ingénieurs géopolitiques occidentaux qui ont cherché à en faire une sorte d’anti-Russie, avec l’idée d’empêcher la Russie de devenir un empire, sur la base d’un raisonnement erroné du Polonais Zbigniew Brzeziński, russophobe invétéré. Les grands plans élaborés par des imbéciles ont tendance à échouer, et celui-ci ne fait pas exception. Au lieu de contenir la Russie, il lui a donné tout ce qu’elle pouvait désirer :

1. Le niveau fantastique de dysfonctionnement politique ukrainien résultant de l’interminable ingérence politique de l’Occident a fait passer l’Ukraine d’un des principaux concurrents régionaux de la Russie à un cas désespéré régional majeur et à un fournisseur de main-d’œuvre russophone qualifiée. L’Ukraine disposait autrefois d’industries stratégiquement importantes qui étaient essentielles pour la production militaire et civile de la Russie, notamment de gros diesels marins, de moteurs d’hélicoptères, de moteurs de fusées, de construction d’avions, de navires et bien d’autres choses encore. Toutes ces industries ont maintenant été délocalisées en Russie, souvent avec tous les plans et l’expertise technique, et produisent une grande valeur pour la consommation intérieure et l’exportation.

2. Le putsch de 2014 a permis à la Russie de récupérer la Crimée en défaisant deux erreurs – celle de Khrouchtchev, qui l’a donnée à l’Ukraine en 1954, et celle de Gorbatchev, qui n’a pas réussi à la récupérer en 1991. Cela a également permis à la Russie de réparer partiellement une erreur plus ancienne – celle de Lénine, qui a donné le Donbass à l’Ukraine en 1920. Si le Donbass n’est pas trop important d’un point de vue stratégique, la restitution de la Crimée a apporté de nombreux avantages. Couplée à l’enclave occidentale de Kaliningrad sur la Baltique et aux nouvelles fusées hypersoniques russes, la Crimée permet à la Russie de maintenir tout le territoire européen de l’OTAN dans sa sphère de domination militaire, offrant ainsi un traitement efficace au défaut congénital de l’Europe qui la pousse à marcher périodiquement sur Moscou. Les sanctions occidentales imposées en réponse à l’annexion de la Crimée par la Russie ont permis à celle-ci de récupérer tous les désavantages qu’elle a subi en adhérant à l’Organisation mondiale du commerce, notamment en ramenant l’agriculture et des secteurs manufacturiers clés, de trouver de nouveaux partenaires commerciaux plus amicaux dans le monde entier et de trouver des moyens de prospérer dans des conditions d’autarcie limitée. La Crimée a également fourni un test décisif très utile pour la participation politique : en excluant automatiquement toute personne qui prétendrait que la Crimée est ukrainienne, il a été possible de purger efficacement les rangs de tous les ennemis internes et agents étrangers. Il existe également de nombreux autres avantages, trop nombreux pour être mentionnés.

3. La guerre civile dans le Donbass, qui se poursuit, a donné à la Russie l’occasion de faire passer en force les accords de Minsk, dont la mise en œuvre est mandatée par la résolution 2202 (2015) du Conseil de sécurité de l’ONU, et qui exigent que l’Ukraine se fédéralise, en accordant un haut niveau d’autonomie à ses régions. Ceci, dans le contexte ukrainien, équivaut à la fin de l’État unitaire ukrainien. Au-delà de ce point, l’Ukraine devient un ensemble de fiefs disparates, déconnectés et dominés par l’étranger, chacun ayant sa propre petite oligarchie pathétique, Kiev restant une capitale purement symbolique, un musée et une attraction touristique de l’ancienne Russie kiévienne. Le gouvernement de Kiev a résisté à la mise en œuvre des accords de Minsk, sachant pertinemment que cela signifierait sa fin, mais il ne s’agit que d’un report. La guerre civile a également simplifié toute future opération de ratissage et tout futur tribunal pour crimes de guerre. Alors qu’auparavant, divers nationalistes et krypto-nazis ukrainiens auraient pu être difficiles à identifier, elle les a obligés non seulement à se lever et à être comptés, mais aussi à commettre des crimes imprescriptibles, ce qui permettra de les mettre définitivement hors d’état de nuire lorsque viendra le moment de faire le ménage.

Voilà donc le contexte de la situation actuelle, qui nous amène au présent, dans lequel les États-Unis semblent préparer quelque chose de très pressé. Premièrement, les États-Unis envoient le message que Kiev doit respecter les termes des accords de Minsk. Ensuite, les États-Unis affirment que la Russie rassemble des troupes à la frontière ukrainienne, se préparant à envahir le pays. L’armée ukrainienne nie ce fait. Les États-Unis répètent leur affirmation et envoient également des armes supplémentaires à l’Ukraine. Comme les militaires ukrainiens ne sont toujours pas sûrs de ce qui se passe, ils sont convoqués et on leur dit exactement ce qu’ils doivent penser. Et donc, il va y avoir une provocation. Mais la Russie n’est certainement pas intéressée par une quelconque attaque ou invasion, alors que pensez-vous qu’il va se passer ? Un plan de bataille raisonnable consisterait pour l’Ukraine à attaquer en premier, à devancer l’invasion russe et à prendre des positions défensives sur le territoire du Donbass. C’est un plan brillant, si je puis dire !

Le maximum que l’armée ukrainienne puisse faire est de lancer une attaque sur le Donbass. Attaquer la Crimée à travers l’isthme serait stupide et pathétique ; attaquer la Crimée depuis la mer serait stupide et absolument hilarant à regarder. Et donc ça doit passer par le Donbass, encore une fois. Il ne faudra pas longtemps aux Russes pour répondre en utilisant de l’artillerie de précision à longue portée non identifiée et démolir les lignes d’approvisionnement des Ukrainiens, les piégeant dans des chaudrons où ils manqueront de munitions, de nourriture et de carburant et se videront progressivement de leur sang. C’est ce qui s’est produit auparavant, en 2015, et qui a conduit Kiev à signer les accords de Minsk, car l’autre choix était de perdre toute son armée. Sauf que maintenant, il n’y aura pas une autre série d’accords de Minsk, pas de conditions de reddition, pas de cessez-le-feu et pas de couloirs sûrs pour le retrait. Il y aura juste la mort. Pour les Russes, ces gens sont des terroristes, et les terroristes doivent rencontrer Dieu avant le reste d’entre nous.

Et c’est peut-être là tout le problème. Les États-Unis veulent mettre un terme à la triste saga ukrainienne, réduire leurs pertes, faire comme l’Afghanistan et partir rapidement, car ils ont une longue liste de pays dont ils doivent se retirer avant que le carburant et l’argent ne s’épuisent, et ils doivent absolument accélérer le rythme. Okinawa est sur cette liste avec Guam, Porto Rico, Alaska, La Californie, Le Texas. L’Ukraine refuse même de commencer à respecter les accords de Minsk, qui commencent par une désescalade militaire le long de la ligne de contact. Quel semble être le problème ? Peut-être, comme les États-Unis l’ont finalement compris, c’est le fait que l’Ukraine a une armée ; si elle n’avait plus d’armée d’aucune sorte, il n’y aurait rien à désescalader et le problème n’existerait pas. Et donc, c’est peut-être le plan intelligent pour l’Ukraine : le suicide par la Russie. En prime, il y aura la Russie à blâmer car, sans aucun doute, tout sera de la faute de la Russie. Des sanctions contre les fabricants russes de couvertures pour bébés sont en cours d’élaboration en ce moment même. Les téléspectateurs américains vont regarder ça, et ils vont aimer ça. Ils penseront : « Méchants Russes ! L’Amérique est forte ! »

« Mais qu’en est-il de l’Ukraine ? », pourriez-vous être tenté de demander. Eh bien, la réponse correcte à cette question semble être « Tout le monde s’en fout ». Sérieusement, en regardant l’histoire récente de l’Ukraine, cela semble être la seule réponse qui ait un sens. Les Américains ne s’en sont certainement jamais souciés, les Russes s’en sont un jour souciés mais s’en soucient de moins en moins chaque jour, et les Ukrainiens eux-mêmes ne s’en soucient pas non plus et l’ont fait savoir en votant avec leurs pieds. L’Union européenne et l’OTAN se soucient peut-être beaucoup d’avoir un grand État défaillant au milieu de l’Europe, et ils devraient, car ce n’est probablement que le début, mais avec un très bon départ.

Dmitry Orlov

Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

Il vient d’être réédité aux éditions Cultures & Racines.

Il vient aussi de publier son dernier livre, The Arctic Fox Cometh.

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

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