L’auteur considéré ici, dont le texte est placé ci-dessous, est un conservateur chrétien, également chroniqueur sportif et grand amateur de musique rock et de jazz. Mais, par-dessus tout, pour ce qui me concerne, un commentateur que je classerais entre populiste et libertarien, et soutien sans complexe de Trump, qui publie dans les colonnes du site ‘RedState.com’, l’un parmi les plus huppés et les plus “sérieux” dans la nouvelle vague de sites populistes apparus avec la période Trump.
Cela situe Jerry Wilson comme un conservateur assez classique, au jugement éclectique mais très fortement marqué par l’américanisme historique, celui d’avant la Grande Corruption post-1945, celui qu’illustrent également les isolationnistes ou les paléoconservateurs, les patriotes qui soutiennent les caciques républicains-Système avec une moue de mépris et une bonne dose de méfiance bien placée. Il ne faut pas trop attendre de ces gens, qui sont de la génération qui a fait son éducation politique au temps du triomphe du reaganisme, qu’ils jugent les Russes avec moins de méfiance qu’ils n’en mettent dans leur attitude vis-à-vis des républicains du Système. Ils ont hérité des générations précédentes des réflexes anticommunistes qui, au bout du compte, semblent devoir pour toujours les empêcher de juger sereinement les Russes.
Ainsi de cette chronique que Jerry Wilson consacre à Poutine, après la conférence de presse marathon/annuelle du président de la Fédération de Russie. Le titre est : « Le sens commun de Vladimir Poutine », et j’insiste bien pour traduire par “sens commun” plutôt que par “bon sens” qui conviendrait aussi bien, sans nul doute ; et “sens commun” étant alors pris, bien évidemment, dans l’esprit de Thomas Paine publiant en 1776 son pamphlet ‘Common Sense’ qui expliquait avec clarté les arguments de la “guerre de libération” contre l’Angleterre, de la “Grande Révolution Américaine” (même si je dirais bien plus volontiers “américaniste”, mais à ce point je leur laisse l’emphase des illusions non encore perdues), – fondant bientôt la “Grande République” ; ce qui peut à peu près se comprendre de cette façon, selon le très-conformiste ‘Wikipédia’ :
« Pour l’historien Howard Zinn, “il s'agissait de la première défense vigoureuse de l'idée d'indépendance en des termes qui pouvaient être compris par n'importe quel individu sachant lire”. Il considère également que “Paine se débarrasse de l'idée de monarchie de droit divin en un résumé historique et surtout caustique de la monarchie britannique”. »
Wilson ne fait aucun cadeau à Poutine ; je pourrais même dire qu’on
devine implicitement les habituels clichés des antipoutiniens
occidentaux, tels qu’ils sont répétés à satiété par nos “experts”
assermentés ; (Bruno Tertrais, que j’ai connu simple et naïf patriote en
visite à Paris alors que la France allait vers sa première Coupe du
Monde dans la chaleur étouffante de juillet 1999, n’est pas mal dans cette démente séquence, dans son numéro d’hystérisation de la menace poutinienne menaçant la blanche colombe ukrainienne, numéro de neocon transporté des rives du Potomac jusques aux quais de la Seine) :
• Poutine, l’ancien du KGB ;
• Poutine, le dictateur avec la presse “aux ordres” ;
• Poutine, qui liquide ses adversaires comme un mafieux ;
• Poutine le corrupteur corrompu, l’homme “le plus riche du monde” ;
• Poutine, le conquérant et l’agresseur cyniques : la Crimée et la guerre dans le Donbass...
Mais que nous importe l’écume des jours, laissons cela ; or, Wilson, qui semble pourtant y croire vraiment, semble aussi dire ce “qu’importe...”. Le reste est bien une apologie de Poutine, le Russe parfait et absolument fascinant : ce gros-bras du KGB à la morale douteuse est aussi cet homme qui a compris toute la puissance et la valeur des traditions, et qui ouvre les bras à l’église comme une des forces centrales de la cohésion d’une société : passé (bon et mauvais) pour la nécessité de la tradition, constance des nécessités du présent (de l’histoire en train de se faire pour la grandeur de la Russie retrouvée), novateur sans peur et sans reproche puisque tendant la main à une église chrétienne, contre tous les courants, les sarcasmes et les persiflages de notre époque, et contre tous nos conformismes...
« Poutine est une fusion fascinante de ce qu’il y d’ancien, de constant et de nouveau chez le Russe. Produit de l’ère politique socialiste/communiste de l'Union soviétique, il comprend, contrairement aux productions standards de son époque, la valeur de la culture russe traditionnelle. La différence la plus notable entre Poutine et ses prédécesseurs est son approche de l'église... »
Dépeint évidemment comme cynique, réaliste, froid et calculateur, Poutine est surtout un dirigeant moderne, c’est-à-dire ”postmoderne” comme on est “antimoderne”, parce qu’il n’hésite pas sans la moindre vergogne à profiter de la folie d’autodestruction de l’Occident. Il convoque l’église comme l’on s’arme pour une croisade des esprits bien plus que des Lieux Saints,
« Poutine est à la fois très intelligent et très conscient de son époque. Alors que l’Occident fait tout ce qu’il peut pour chasser l’église du centre de la cité et que ce qui reste de l’église fait tout ce qu’elle peut pour s’émasculer elle-même en reniant ses propres vérités, Poutine renforce l’église, persuadé qu’en agissant de la sorte il renforcera sa position et augmentera son attraction pour les citoyens de l’Occident de plus en plus las de la faiblesse de leurs dirigeants contre le wokenisme... [...]
» ... Cela étant, il a aussi sagement écarté la croyance de ses prédécesseurs selon laquelle le fait d’être une entité économique conséquente et une puissance militaire importantes constituent à elles seules la substance de l’affirmation nationale. [...]
» ...De même, il apprécie la puissance de l'Église orthodoxe russe, car l’alignement sur ses valeurs et ses enseignements renforce sa propre puissance tout en consolidant sa croyance inébranlable en la supériorité russe sur l'Occident. [...]
» ...Il est donc tout à fait logique que Poutine se prononce contre la folie de la fluidité des genres et des insanités sur l’identité sociétale. Poutine profite allègrement de la folie de l’Occident, alors que l’Occident continue de travailler avec zèle à sa propre autodestruction. Un leadership efficace comme le sien comprend la capacité d’un pouvoir à se légitimer lorsqu’il peut dire à ses électeurs : “Vous voyez ? Je vous avais bien dit que nous étions meilleurs qu’eux”. »
En détachant ses divers extraits qui me semblent finalement constituer le fond de cette “apologie contrainte”, et finalement ce qui fait que finalement l’auteur accepte aisément cette contrainte, on en arrive à l’essentiel de Poutine dans les temps présents. Il est remarquable que cette condamnation de la folie wokeniste de l’Occident qu’il a faite durant sa conversation ait suscité tant de remarques et de citations. Je ne suis pas loin de penser que c’est le point essentiel qui a été retenu, dans les observations extérieures et au milieu du minimum syndical des sarcasmes antipoutiniennes, de cette “conférence de presse” cuvée-2021 de Poutine.
(Cette coutume maintenant bien établie rapproche curieusement ce Russe flegmatique et qu’on dit froid, des discours interminables et pleins de vibrations du ‘Lider Maximo’, cette autre exception du communisme que fut Castro.)
Il n’est pas impossible, les temps de Grande Crise désormais avérée s’y prêtant assez bien, que l’on en vienne de plus en plus à ce fait que cette posture de Poutine devienne la poutre-maîtresse de sa résistance, et bientôt un point de ralliement de bien des droites occidentales qui ont jusqu’ici usé et gâché leur temps à dénoncer la fantomatique menace russe ; et qu’au contraire Poutine développe une symbolique de la critique radicale des formes suicidaires de la dynamique d’autodestruction de notre civilisation, cela le rendant incroyablement attractif pour de plus en plus de gens précipités dans la dissidence par la folie du Système.
On sait bien que l’on suit, ici, dans ces colonnes de site, cet aspect-là du parcours du Russe, et de l’étrange attraction qu’il exerce par instant sur la frange la plus patriotique de la droite paléoconservatrice et populiste des USA. On le vit clairement, comme on l’avait pressenti, avec l’observation de Patrick Buchanan s’interrogeant en décembre 2013 : « Poutine est-il l’un des nôtres ? »... Observez combien les remarques de Buchanan sont actuelles, combien elles pourraient être reprises par Jerry Wilson, cette fois sur un ton bien plus pressant, alors que la maison, ‘The House on the Hill’...
« There is ruin and decay
In the House on the Hill:
They are all gone away,
There is nothing more to say. »
... Alors que “la Maison sur la Colline” brûle affreusement, dans les ruines et la décadence :
« ...Dans la guerre culturelle pour l'avenir de l'humanité, [Poutine] est-il l’un des nôtres ? Si une telle question peut être blasphématoire dans les cercles occidentaux, considérez le contenu du discours sur l’état de la nation du président russe.
» Avec l'Amérique clairement en tête, Poutine a déclaré : “Dans de nombreux pays aujourd'hui, les normes morales et éthiques sont reconsidérées.” “Elles exigent maintenant non seulement la reconnaissance appropriée de la liberté de conscience, des opinions politiques et de la vie privée, mais aussi la reconnaissance obligatoire de l’égalité de perception du bien et du mal.” [...]
» Pas de confusion morale ici, c’est de la clarté morale, que l’on soit d’accord ou pas.
» Alors qu’une grande partie des médias américains et occidentaux le rejettent comme autoritaire et réactionnaire, un nostalgique du passé, Poutine voit peut-être l’avenir avec plus de clarté que les Américains encore prisonniers du paradigme de la guerre froide. Alors que la lutte décisive de la seconde moitié du 20e siècle était verticale, entre l'Est et l'Ouest, celle du 21e siècle pourrait être horizontale, avec des conservateurs et des traditionalistes dans chaque pays contre le sécularisme militant d'une élite multiculturelle et transnationale. Et bien que l'élite américaine se trouve à l'épicentre de l’anti-conservatisme et de l’anti-traditionnalisme, le peuple américain n'a jamais été aussi aliéné ou aussi divisé culturellement, socialement et moralement. »
Depuis Buchanan et décembre 2013, les conditions de la bataille se sont précisées toujours dans le même sens malgré la profusion extraordinaire et le déferlement hystérique des simulacres et des narrative pour brouiller les pistes, tandis que les étiquettes habituelles s’effacent pour laisser voir les véritables enjeux. L’analyse de Jerry Wilson va plus en profondeur tout en se référant à des événements désormais clairement identifiés dans nos temps d’effondrement accéléré. “Pas de confusion stratégique ici, que l’on soit d’accord ou non”, c’est bien du Système contre l’antiSystème qu’il s’agit, les acteurs et les figurants évoluant dans un sens (dans un camp) ou dans l’autre (l’autre camp), sans nécessairement avoir des positions fermes (“bien souvent sapiens varie”, et nullement “fol” l’événement n’en a cure).
Au contraire, il faut reconnaître à Poutine l’exceptionnelle fermeté de sa perception des enjeux qui fait que, quel que soient les actes qu’il pose, parfois d’apparence décevante lorsqu’il s’agit de tactique, il n’a jamais abandonné sa vision stratégique de la bataille, et qu’il l’avait déjà en 2013, et bien avant encore. Le fait est que, de plus en plus de commentateurs, qui peuvent eux-mêmes se trouver emportés par des analyses faussaires et être vus comme des figurants pitoyables (cas d’Elon Musk, selon certains), le reconnaissent directement (Wilson) ou indirectement en partageant ses choix (Musk), comme un acteur essentiel de cette bataille.
Ainsi soit-il du texte de Jerry Wilson, sur ‘RedSate.com’ le 25 décembre 2021, – pour vous servir...
PhG, Semper Phi
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Le sens commun de Vladimir Poutine
Le dictionnaire définit l’obscurantisme comme “l’opposition à l'accroissement et à la diffusion des connaissances” ou “l’obscurité délibérée de l’esprit ou le refus de sa clarté”. Dans un cas comme dans l'autre, il ne s’agit pas d'un mot susceptible d’apparaître fréquemment dans la conversation courante. C'est pourtant le mot, ou du moins son équivalent russe, que le président russe Vladimir Poutine a récemment choisi pour définir la division radicale entre la Russie et l’Occident qui mène actuellement contre lui-même les diverses “guerres” du genre, de l’inclusion et des identités.
Poutine a fait ce commentaire lors de sa conférence de presse annuelle de fin d'année, qui s’est tenue jeudi dernier. Bien que certains puissent imaginer que ce genre d’événement ressemble davantage, en termes de questions agressives ou dans tous les cas difficiles, à un bain de louanges à la gloire de Joe Biden qu’à une conférence de presse contre le “Méchant homme orange” de la Maison Blanche, des éléments intéressants sont tout de même apparus. A savoir :
“J'adhère à l'approche traditionnelle selon laquelle une femme est une femme et un homme est un homme. Une mère est une mère, un père est un père. Et j’espère que notre société dispose de la protection morale interne nécessaire, dictée par les pratiques religieuses traditionnelles de la Fédération de Russie”, a déclaré Poutine.
Plus loin, il a remarqué :
“Si quelqu’un pense qu’une femme et un homme sont la même chose je lui laisse librement son opinion, pour autant il est impératif qu’existe un certain bon sens objectif”, a souligné le chef de l'État.
Il y a beaucoup de choses à méditer ici.
Poutine est une fusion fascinante de ce qu’il y d’ancien, de constant et de nouveau chez le Russe. Produit de l’ère politique socialiste/communiste de l'Union soviétique, il comprend, contrairement aux productions standards de son époque, la valeur de la culture russe traditionnelle. La différence la plus notable entre Poutine et ses prédécesseurs est son approche de l'église.
Laissons de côté ses croyances personnelles qui ne sont connues que de Dieu e de lui-même ; il reste que, dans son action politique, Poutine s'est totalement débarrassé du mépris affirmé du temps de l’URSS pour l’influence de l’église sur la société russe et des efforts pas très subtils pour la réduire, voire l’éliminer complètement. Au lieu de cela, Poutine a complètement embrassé l'église et son insistance sur les valeurs morales traditionnelles.
Poutine a vu comment le pape Jean-Paul II a mis à mal le cynique “Le pape, combien de divisions ?” de Joseph Staline. Il s’est avéré que les croyants dans le Paradis sont armés jusqu'aux dents. Les peuples d'Europe de l'Est et de l'URSS elle-même ont renversé le régime soviétique et ses marionnettes non pas par une révolte armée, mais en allumant des bougies, en récitant des prières et en opposant à leurs oppresseurs une résistance silencieuse fondée sur la foi.
Poutine est à la fois très intelligent et très conscient de son époque. Alors que l’Occident fait tout ce qu’il peut pour chasser l’église du centre de la cité et que ce qui reste de l'église fait tout ce qu’elle peut pour s’émasculer elle-même en reniant ses propres vérités, Poutine renforce l’église, persuadé qu’en agissant de la sorte il renforcera sa position et augmentera son attraction pour les citoyens de l’Occident de plus en plus las de la faiblesse de leurs dirigeants contre le wokenisme.
Poutine n'hésite pas à utiliser la force pour obtenir ce qu'il veut. Citons par exemple l'annexion territoriale de l'Ukraine par la Russie et les menaces ouvertes à l’encontre de ce pays, ainsi que ses manœuvres à la Don Corleone à l’encontre de ses opposants politiques. Cela étant, il a aussi sagement écarté la croyance de ses prédécesseurs selon laquelle le fait d’être une entité économique conséquente et une puissance militaire importantes constituent à elles seules la substance de l’affirmation nationale.
Poutine a tiré parti de la richesse énergétique de son pays pour exercer une influence économique considérable dans toute l'Europe. Il y a probablement une pancarte quelque part où il remercie les écolos, car leur irrationalité et leur influence politique ont rendu la volonté de la Russie de produire des énergies naturelles encore plus efficacee. La Russie a manœuvré et continue de manœuvrer l’Europe selon les pigeons économiques qu'ils sont. Félicitations bande d’idiots, plus de centrales nucléaires.
La force respecte la force, même lorsqu’elle est en opposition partielle ou totale. Poutine respecte Donald Trump. De même, il apprécie la puissance de l'Église orthodoxe russe, car l’alignement sur ses valeurs et ses enseignements renforce sa propre puissance tout en consolidant sa croyance inébranlable en la supériorité russe sur l'Occident.
Poutine ne respecte pas Joe Biden. Il le considère comme un politicien sénile, toujours prêt à faire des discours, mais prêt à s'écraser dès qu’on le regarde avec un peu d’insistance. Poutine sait que les menaces économiques proférées par les États-Unis à l’encontre de la Russie, si la guerre par procuration qu’ils mènent autour de l’Ukraine devenait soudainement chaude et directe, sont dénuées de sens. Toute action de ce type entraînerait l’effondrement des économies déjà lourdement chargées des alliés européens de l’Amérique par la simple fermeture des oléoducs venant de Russie.
Il est donc tout à fait logique que Poutine se prononce contre la folie de la fluidité des genres et des insanités sur l’identité sociétale. Poutine profite allègrement de la folie de l’Occident, alors que l’Occident continue de travailler avec zèle à sa propre autodestruction. Un leadership efficace comme le sien comprend la capacité d’un pouvoir à se légitimer lorsqu’il peut dire à ses électeurs : “Vous voyez ? Je vous avais bien dit que nous étions meilleurs qu’eux”.
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