17 novembre 2021

Le dangereux périplaquisme de Zemmour

Apparemment, l’ascension de Zemmour dans les sondages n’est plus aussi fulgurante qu’il y a un mois. Peut-être a-t-il atteint son palier naturel ? Peut-être n’est-ce qu’un plateau momentané avant une reprise d’envol ? En tout cas, en un mois, il a clairement charpenté son positionnement politique.

On pourra prendre à témoin l’un de ses derniers discours, à Bordeaux, dans lequel l’essayiste polémique dresse sur certains points un constat assez pertinent du pays, notamment lorsqu’il aborde les problèmes rencontrés par les entrepreneurs, les artisans, les commerçants et, finalement, ceux qui font le tissus économique de la France.

Soyons honnête : il est éloquent lorsqu’il évoque la liberté, trop restreinte, des patrons et des employeurs. Il fait même du libéralisme comme Jourdain de la prose, sans trop s’en rendre compte ou en se cachant bien de le montrer, lorsqu’il évoque ses positions économiques dans lesquelles il décrit bien l’enfer administratif et fiscal français.

Il est clairement du bon côté de cette liberté lorsqu’il réclame sans ambages qu’on lâche enfin la bride aux Français en élaguant les trop nombreuses lois, régulations et contraintes dont le peuple souffre sans arrêt.

Il est juste lorsqu’il évoque le régalien et l’importance d’un retour rapide à un régalien solide, à la nécessité de résoudre le problème d’insécurité, de faire disparaître les quartiers de non-droit, à réduire les brouhahas du communautarisme et les exactions de la racaille.

Tout ceci est fort bon, mais il y a comme un petit souci de cohérence qui explique peut-être le tassement observé dans les sondages : lors d’une séance de questions-réponses avec le public, interrogé sur sa position vis-à-vis du pass sanitaire, Zemmour avait clairement expliqué que « le pass sanitaire, ça ne me dérange pas plus que ça » et qu’il y voyait, éventuellement, un danger de dérives dans l’avenir sans préciser si, une fois élu, il envisageait de le conserver ou non.

Certes, on retrouve sa position dans différentes vidéos où il explique bien ce positionnement pour le moins minimaliste voire ambigu : le candidat putatif redoute fort de prendre une position trop tranchée contre cette mesure, au risque de détourner – dit-il – l’attention des Français de ce qu’il estime être plus prégnant, à savoir la menace qu’il estime civilisationnelle et culturelle qu’il brosse au travers des thèmes de l’immigration, de l’insécurité et du communautarisme.

Sauf que voilà, M. Zemmour, c’est bien joli cette position, mais c’est bancal.

Parce qu’à tout bien considérer, le traitement de ces questions qu’il juge essentielles nécessite un régalien solide.

Or, un régalien qui fonctionne ne peut pas s’encombrer d’aller fouiller dans les tripes des citoyens pour y découvrir ou non tel ou tel virus. Un régalien efficace, c’est un régalien qui s’assure que les citoyens sont bien égaux en droit et qui, donc, ne les sépare pas en deux classes distinctes, qui n’en fait pas, de facto, deux communautés distinctes, quasiment ennemies. Un régalien qui fonctionne, ce sont typiquement des forces de l’ordre occupées à garantir que des quartiers entiers ne deviennent pas invivables, au lieu de les mobiliser à vérifier les citoyens en terrasse.

Et cela veut très concrètement signifier d’arrêter de mobiliser ce régalien sur les cibles faciles, l’individu solvable, pour s’occuper enfin de celui qui vole ou viole, agresse, blesse, mutile, harcèle, injurie le premier.

Or, pour le moment, on mobilise des troupes pour jouer à la brigade des terrasses et de la limonade, et on n’en mobilise guère pour nettoyer les rues de certaines villes devenues de vrais coupe-gorge (littéralement).

Soyons clairs : on trouve beaucoup plus de régalien à bipper du boomer qui sirote un panaché que de régalien pour chopper du Dalton dans les rues de Lyon.


Le bilan d’une politique qui considère que, finalement, le pass ne dérange pas, c’est le contraste saisissant entre d’un côté des policiers qui patrouillent d’un restaurant à l’autre, et ce quartier de Lyon où les magasins (un supermarché et un McDonald’s par exemple) sont obligés d’adapter leurs horaires pour limiter les agressions et l’insécurité latente qui y règne.



Il faut regarder les choses en face : Zemmour est comme les autres candidats à la course présidentielle, et ce n’est pas vraiment un compliment.

Certes, sur certains aspects, il s’en sort mieux que les autres candidats, brochette peu appétissante d’imbéciles et d’incompétents vendeurs de tapis surannés aux odeurs poussiéreuses, tous englués qu’ils sont dans une surenchère étatique où la solution aux problème de l’obésité morbide de l’État français serait une nouvelle grosse louchée de la même chose dont on nous gave depuis 50 ans. Zemmour fait au moins mine de nous proposer clairement plus de liberté économique, aussi alléchante qu’hypothétique mais nécessaire pour un pays perclus de lois, de contraintes administratives idiotes et d’une fiscalité délirante…

Mais sa proposition tombe à plat lorsqu’il affirme s’accommoder de la plus inique des privations de liberté, la plus stupide des ségrégations arbitraires et ce alors même que son outil principal, le pass, a amplement démontré son inutilité, son iniquité et même son aspect complètement contre-productif.

Zemmour a beau nous faire croire à un certain courage politique en abordant (enfin ?) des questions essentielles à la définition de l’identité française, à la direction prise par le pays, à sa culture et à ses modes de vie, ce courage se dégonfle subitement lorsqu’il n’émet aucun avis contre une mesure qui n’a plus aucun sens sanitaire et qui est politiquement, économiquement et socialement délétère.

En réalité, le courage politique réside précisément dans le combat contre ce pass, dont la suppression serait un message fort de recentrage de l’État sur le régalien et non le sanitaire, l’hygiénisme ou la volonté à peine cachée de mettre au pas tous les citoyens dans un contrôle social à la Chinoise. Mieux : la suppression de cet outil inique permettra d’arrêter de mobiliser les forces de l’ordre à des tâches avilissantes, et permettra d’arrêter l’hémorragie financière des contrôles hospitaliers (60 millions par mois sont consacrés à cette fumisterie inique au lieu d’améliorer les services dont on nous serinait qu’ils étaient débordés).

Le constat est cruel mais sans appel : il n’y a plus de candidats courageux en France.

Ce pays est donc foutu.

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