Il y a quelques semaines de cela, je constatais dans un billet étayé par quelques statistiques éclairantes que la médecine française, dans une lente descente qui dure depuis quelques décennies, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ce billet sera l’occasion de regarder de plus près quelques intéressants malaises dans la gestion des hôpitaux, bien récents ceux-là et que le gouvernement semble à peu près incapable de corriger ou même de comprendre.
Et parmi ces malaises, la gestion de la sécurité des données patients semble revenir comme un thème lancinant démontrant l’incapacité des systèmes publics de tenir leurs promesses. La chronique est malheureusement assez régulièrement fournie de l’une ou l’autre de ces fuites massives de données de santé qui montrent au mieux de grosses lacunes dans la sécurisation de ces éléments essentiels des systèmes d’information de santé publique, au pire un jmemfoutisme assez détendu qui n’inquiète que quelques sous-fifres lorsqu’il est découvert…
La situation est encore plus préoccupante lorsqu’on se penche sur la sécurité des systèmes d’information des hôpitaux eux-mêmes : malgré les rappels réguliers du régulateur, des autorités de tutelle et des différents services informatiques locaux eux-mêmes, trop peu est fait pour protéger ces établissements des pratiques régulières de piratage ou pire, de rançonnement pur et simple.
La série noire qui frappe les hôpitaux français donne une assez bonne idée de leurs lacunes : février à Dax, mars à Oloron, avril à Saint Gaudens, septembre à l’APHP, les mois se suivent et se ressemblent pour les cybercriminels qui attaquent les établissements publics de santé en France.
Pour certains, c’est encore une occasion de fustiger le capitalisme galopant, l’ultralibéralisme débridé qui pousse les hôpitaux dans un dénuement complet laissant leur infrastructure informatique dénudée et ouverte aux quatre vents cybercriminels. Cependant, l’analyse des manquements, des raccourcis, des budgets (ou de leur absence) montre a contrario que gérés comme de vraies entreprises, les hôpitaux s’en porteraient bien mieux ; eh oui, le choix de l’administration pyramidale et de sa lourde bureaucratie tatillonne, paperassière et empêtrée dans les procédures de plus en plus absconses n’aide en rien.
Et si c’est consternant question informatique, ce n’est guère mieux du côté de la gestion du personnel.
Pour s’en convaincre, il suffira de voir le lamentable épisode de la loi RIST qui aurait du entrer en vigueur le 27 octobre dernier et qui a été retirée in extremis par le gouvernement.
Décidée tout à trac par un gouvernement aussi démagogique que brouillon, cette loi visait à plafonner et réguler les rémunérations des intérimaires hospitaliers.
Pour la faire courte, la rémunération de ces intérimaires – allant de 1.300€ net à 2.000€ net à certaines dates pour une garde de 24h – était jugée plus ou moins scandaleusement élevée, ce qui est objectivement grotesque pour des professionnels avec des responsabilités vitales en jeu. En réalité, le différence avec les salariés s’explique par une couverture sociale moins favorable pour les intérimaires et l’évidente nécessité de son adaptation aux différents environnements (hôpitaux, logiciels, protocoles, personnels). Certes, une minorité d’individus ne pratique que de l’intérim pour de pures raisons lucratives (bien amplifiées par les médias), mais cela reste en réalité très limité.
Ce phénomène s’est amplifié ces dernières années avec l’effondrement de la qualité et du prestige hospitaliers, des rémunérations (notamment en comparaison des confrères européens) ce qui a poussé beaucoup à pratiquer l’intérimaire complémentaire.
Actuellement, beaucoup d’hôpitaux (et notamment les ruraux et les moins bien placés géographiquement) peinent à faire tourner une activité sans recourir plus ou moins massivement à l’intérim, ce qui pousse là encore les rémunérations vers le haut : attractivité faible, besoins criants, l’offre et la demande suffit à expliquer l’inflation progressive des salaires et de la pratique.
À l’instar d’un contrôle des loyers qui garantit, comme la guerre, la destruction des logements en ville, la loi RIST proposait donc de plafonner tout ça bravement, en limitant la garde de 24 heures à 940€ net, avec d’évidentes conséquences désastreuses pour de nombreux hôpitaux : les médecins remplaçants ou intérimaires des urgences et d’anesthésie, à l’orée de l’application de cette loi, ont décidé – c’est vraiment surprenant – de tout simplement arrêter de venir faire des vacations dans ces hôpitaux abandonnés de tous. Des hôpitaux de toutes tailles (y compris de villes moyennes) se sont rapidement retrouvés à devoir fermer des blocs opératoires et des lignes de garde. Malin.
On appréciera au passage le timing parfaitement diabolique de cette loi qui devait donc régler son compte à l’intérim au moment où les hôpitaux ont tous des problèmes plus ou moins graves de gestion des équipes, dans ce qui nous est régulièrement présenté comme une furieuse pandémie où le manque de personnel devient véritablement criminel, au point que mêmes certains députés s’en sont ouverts.
Si, dans ce tableau déjà particulièrement bousculé, on ajoute les tensions déjà exacerbées, les burnouts et les dernières « innovations » autoritaires de Véran et sa clique méphitique, qui consistent essentiellement à bouter hors du corps médical tout un pan de soignants qui refusent simplement l’injonction vaccinale, on obtient un résultat consternant : youpidou la ribambelle, il manque des milliers de soignants à l’appel.
Sans se démonter, et parce que le culot et l’imbécilité vont souvent de pair, voilà donc lancée une petite enquête de derrière les fagots pour déterminer ce qui a bien pu provoquer cette étonnante rupture dans la masse salariale, tout en accusant au passage les gouvernements précédents. Comme le notait St Thomas d’Aquin, l’aplomb des abrutis est probablement ce qui les caractérise le plus et, comme l’ajoutait Audiard, c’est même à ça qu’on les reconnaît.
Le système de soin public français est, très probablement, sur le point de s’effondrer ou est déjà en cours d’effondrement.
Les raisons sont multiples et s’étalent sur plusieurs décennies de gabegies, de décisions politiques souvent sans courage et plus ou moins minables. Mais ne vous y trompez pas : sans le moindre doute, les derniers coups de boutoir ont été assénés par l’actuel gouvernement, avec une obstination sans faille.
Ce système est foutu.
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