Le second volet d'une réforme phare du quinquennat, qui introduit un nouveau mode de calcul de l'allocation chômage, entre en vigueur vendredi. Franceinfo vous explique ce que cela va concrètement changer pour vous, selon votre profil.
Un texte qui encourage le travail ou qui crée de l'injustice ? Le deuxième volet de la réforme de l'assurance-chômage, plusieurs fois reporté en raison des conséquences de la pandémie de Covid-19 et d'une décision du Conseil d'Etat, entre en vigueur vendredi 1er octobre. Objectif affiché par le gouvernement : lutter contre la "permittence" – l'alternance entre périodes travaillées et non travaillées – et désendetter l'Unédic, l'organisme paritaire chargé de la gestion de l'assurance-chômage.
Le premier volet de la réforme, en novembre 2019, prévoyait l'allongement de la durée de travail nécessaire (de quatre à six mois) pour percevoir une indemnisation chômage, la dégressivité des allocations pour les hauts revenus et la mise en place d'un bonus-malus pour les entreprises abusant des contrats courts. Mais, face à la crise liée au Covid-19, ces mesures ont été aménagées ou reportées*. Quant à l'allocation chômage pour les indépendants, mise en œuvre via ce premier volet, elle n'a pas rencontré son public : seul un millier de personnes y ont eu recours en deux ans. Elle n'est donc pas concernée par les changements qui entrent en vigueur vendredi, mais fera l'objet d'un élargissement dans un projet de loi spécifique, qui devrait aboutir d'ici janvier 2022, a annoncé Emmanuel Macron mi-septembre.
Le deuxième volet de la réforme de l'assurance-chômage, lui, modifie le calcul du salaire journalier de référence (SJR), qui sert à établir le montant de l'allocation chômage – également appelée allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE). Jusqu'à présent, ce montant était obtenu en divisant le salaire brut total perçu au cours des 12 derniers mois par le nombre de jours travaillés pendant ce laps de temps, qu'on appelle "période de référence".
Il sera désormais calculé en divisant ce salaire par l'ensemble des jours, travaillés ou non, entre le premier et le dernier jour d'emploi de la période de référence. Le montant des allocations perçues va donc mécaniquement diminuer si l'activité n'a pas été continue, puisqu'à situation égale avant et après la réforme, le même salaire sera divisé par davantage de jours. Par ailleurs, la période de référence passe de 12 à 24 mois (elle reste à 36 mois pour les plus de 53 ans).
En contrepartie, la réforme allonge la durée théorique durant laquelle un salarié peut toucher des droits, de 11 mois en moyenne à 14 mois. Les chômeurs vont donc toucher moins, mais théoriquement plus longtemps.
Au total, l'Unédic estime dans une étude d'impact sur la réforme que 1,15 million des allocataires (soit 41% d'entre eux) qui ouvriront un droit dans l'année qui suit la mise en place de la réforme toucheront une allocation journalière plus faible (de 17% en moyenne) qu'avec les règles en vigueur jusqu'à maintenant. Mais qu'en est-il précisément selon votre situation ? Franceinfo vous aide à y voir plus clair.
Je suis déjà au chômage quand la réforme entre en vigueur
La réforme ne concerne que ceux qui s'inscrivent à Pôle emploi ou rechargent leurs droits à partir du 1er octobre. Dans l'immédiat, rien ne change donc pour vous. Vous continuerez de percevoir la même allocation jusqu'à ce que vos droits actuels soient épuisés ou jusqu'à ce que vous retrouviez un emploi. En revanche, si vous êtes de nouveau au chômage par la suite, et à partir du moment où vos droits ouverts avant la réforme seront épuisés, les nouvelles règles détaillées dans cet article s'appliqueront pour vous aussi.
Je débute ma vie professionnelle
La règle. Depuis le premier volet de la réforme, en 2019, il faut normalement avoir travaillé six mois (130 jours ou 910 heures) sur les 24 derniers mois, au lieu de quatre mois sur 28 pour ouvrir ses droits à l'assurance-chômage (sauf pour les plus de 53 ans, pour qui cette période est de 36 mois). Il faut par ailleurs avoir travaillé six mois lors des 24 derniers mois – au lieu d'un mois sur 28 avant la réforme – pour recharger ses droits. En contrepartie, la durée minimale d'indemnisation passe de quatre à six mois, pour une durée maximale de deux ans (deux ans et demi pour les 53-55 ans, trois ans pour les plus de 55 ans).
Le cas pratique. Laura entre sur le marché du travail, après avoir fini ses études d'ingénieure. Elle trouve immédiatement un CDD de quatre mois, payé 2 100 euros**, puis est au chômage.
- Avant la réforme : Laura a travaillé quatre mois sur les deux dernières années, elle a donc le droit à une allocation chômage, qui s'élève à 1 134 euros mensuels, pendant quatre mois maximum. Afin d'acquérir de nouveaux droits, elle devra travailler un mois supplémentaire.
- Après la réforme : Laura n'a pas suffisamment travaillé pour ouvrir le droit à une indemnisation. Elle touche 0 euro. Elle doit travailler deux mois supplémentaires avant de pouvoir percevoir une allocation chômage. Le calcul de celle-ci intégrera alors ses mois de chômage, aboutissant à un montant d'indemnisation plus faible, mais sur une durée plus longue, qu'avant la réforme.
Les nouvelles règles sont donc particulièrement pénalisantes pour ceux qui entrent sur le marché du travail en CDD. Une fois le passage à six mois d'affiliation minimum entré en vigueur, l'Unédic estime que 190 000 personnes n'ouvriront pas de droits dans les 12 premiers mois suivant l'entrée en vigueur de la mesure, alors qu'elles auraient suffisamment cotisé avec la règle précédente. Par ailleurs, 285 000 personnes verront leur ouverture de droits retardée, de cinq mois en moyenne. Au sein de ces deux catégories, 160 000 personnes ont moins de 26 ans, précise l'organisme, qui ajoute qu'elles sont "surreprésentées".
Je cherche un emploi après avoir travaillé de manière continue
La règle. Après la réforme, le calcul de l'allocation chômage reposera sur le salaire touché lors des contrats effectués durant les 24 derniers mois, et non plus seulement les 12 derniers... mais aussi sur tous les jours non travaillés qu'il y a eu entre ces différentes périodes d'emploi. Si un salarié a travaillé de manière continue, que ce soit avec un seul contrat ou en enchaînant plusieurs périodes sans "trous", le montant de son allocation restera donc le même.
Le cas pratique. Elise*** est une jeune salariée dans le secteur de la communication. Elle entre sur le marché du travail en connaissant une période de chômage de six mois, puis effectue consécutivement deux CDD de trois mois rémunérés 2 800 euros** mensuels. Elle est ensuite de nouveau au chômage.
- Avant la réforme : Elise n'est pas indemnisée sur sa première période de chômage, car elle n'a jamais travaillé. Concernant sa seconde période de chômage, elle a travaillé 6 mois consécutifs sur les 12 mois de la période de référence. Elle bénéficie donc d'une allocation de 1 600 euros par mois durant maximum six mois. Si Elise n'a pas retrouvé d'emploi d'ici là, elle aura donc touché 9 600 euros.
- Après la réforme : Elise n'est pas indemnisée sur sa première période de chômage, car elle n'a jamais travaillé. Concernant sa seconde période de chômage, elle a travaillé 6 mois consécutifs sur les 24 mois de la période de référence. Elle n'est pas affectée par le changement de calcul du SJR car elle n'a pas eu de période non travaillée entre ses deux CDD. Elle bénéficie donc d'une allocation de 1 600 euros par mois durant maximum six mois. Si Elise n'a pas retrouvé d'emploi d'ici là, elle aura donc touché 9 600 euros.
J'alterne périodes travaillées et non travaillées
La règle. Après la réforme, le calcul de l'allocation chômage reposera sur le salaire touché lors des contrats effectués durant les 24 derniers mois, et non plus seulement les 12 derniers... mais aussi sur tous les jours non travaillés qu'il y a eu entre ces différentes périodes d'emploi. Pour ceux qui ne travaillent pas en continu, l'allocation chômage va baisser. La main forcée par le Conseil d'Etat, lui-même saisi par les syndicats, le gouvernement a introduit un plancher pour limiter la baisse du SJR à 43% maximum par rapport au mode de calcul de la convention actuelle, via un décret du 30 mars 2021. Mais des inégalités entre allocataires demeurent.
Le cas pratique. Eliott*** est un jeune salarié du secteur de la communication dont la situation est très semblable à celle d'Elise, citée précédemment. A son entrée sur le marché du travail, il décroche un CDD de trois mois rémunéré 2 800 euros** mensuels, puis connaît une période de chômage de six mois. Il obtient ensuite un second CDD de trois mois rémunéré 2 800 euros mensuels. Comme Elise, il est ensuite de nouveau au chômage. Au moment de sa deuxième période de chômage, il a donc travaillé et été sans emploi autant qu'Elise sur la dernière année (six mois à chaque fois), mais pas au même rythme.
- Avant la réforme : Eliott n'est pas indemnisé sur sa première période de chômage, car il n'a pas suffisamment travaillé. Concernant sa deuxième période de chômage, il a travaillé 6 mois non consécutifs sur les 12 mois de la période de référence. Il bénéficie, comme Elise, d'une allocation de 1 600 euros par mois durant maximum six mois. Si Eliott n'a pas retrouvé d'emploi d'ici là, il aura donc touché 9 600 euros.
- Après la réforme : Eliott n'est pas indemnisé lors de sa première période de chômage, car il n'a pas suffisamment travaillé. Concernant sa deuxième période de chômage, l'intégralité des jours compris entre le premier et le dernier contrat d'Eliott durant la "période de référence" sont pris en compte. Donc, dans son cas, 12 mois sur 24 (3 mois de CDD + 6 mois sans contrat + 3 mois de CDD) et non plus 6 sur 12 (3 mois de CDD + 3 mois de CDD). En conséquence, son salaire journalier de référence baisse, et, par ricochet, son indemnité aussi. Eliott ne touchera plus que 980 euros par mois, mais cette fois durant un maximum de 10 mois et demi, soit plus longtemps qu'avant la réforme. Si Eliott épuisait complètement ses droits avant de reprendre un emploi, il toucherait donc 10 290 euros, contre 9 600 euros avant la réforme.
En réalité, la plupart des chômeurs retrouvent du travail avant l'épuisement de leurs droits. L'Unédic estime donc qu'"environ 63% des allocataires qui seront impactés par la réforme au cours de la première année bénéficieront d'une indemnisation totale inférieure tandis que 23% percevront une indemnisation au total supérieure".
J'ai travaillé de manière très ponctuelle durant mes études
La règle. Après la réforme, le calcul de l'allocation chômage reposera sur le salaire touché lors des contrats effectués durant les 24 derniers mois, et non plus seulement les 12 derniers... mais aussi sur tous les jours non travaillés qu'il y a eu entre ces différentes périodes d'emploi. Un contrat d'un seul jour suffit donc à tout changer, comme dans le cadre de petits "à-côtés" pour des étudiants.
Le cas pratique. Samira*** est étudiante en école hôtelière. Durant son dernier mois d'études, elle accepte de travailler une journée pour tenir le stand de son école lors d'un forum d'orientation, payée au smic (soit environ 1 550 euros brut par mois avant le 1er octobre, le montant pris en compte dans nos calculs), afin de se faire un peu d'argent de poche. Diplômée, elle passe ensuite six mois à chercher un emploi sans succès, avant de trouver un CDD de 6 mois payé au smic, et d'être de nouveau au chômage.
- Avant la réforme : Samira a travaillé six mois et un jour lors des 12 derniers mois. Elle sera indemnisée 935 euros par mois pendant six mois maximum. Si Samira vient à bout de l'intégralité de ses droits avant de retrouver un travail, elle touchera au total 5 610 euros.
- Après la réforme : Samira a travaillé six mois et un jour dans les 24 derniers mois, mais de manière discontinue. A cause de sa journée travaillée lors du forum d'orientation, le calcul de son salaire journalier de référence va intégrer les six mois qu'elle aura passé sans activité à son entrée sur le marché du travail. Son allocation chômage sera donc de 657 euros mensuels, pendant 10 mois et demi maximum. Si Samira vient à bout de l'intégralité de ses droits avant de retrouver un travail, elle touchera 6 900 euros.
En réalité, la plupart des chômeurs retrouvent du travail avant l'épuisement de leurs droits. L'Unédic estime donc qu'"environ 63% des allocataires qui seront impactés par la réforme au cours de la première année bénéficieront d'une indemnisation totale inférieure tandis que 23% percevront une indemnisation au total supérieure".
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Je cumule chômage et reprise d'emploi
La règle. Il restera possible, sous les mêmes conditions, de cumuler la rémunération provenant d'une activité professionnelle avec l'allocation chômage. Et ce, afin d'inciter les demandeurs d'emploi à reprendre un contrat même s'il n'est pas à temps complet, ou moins bien rémunéré que le précédent. Mais le nouveau mode de calcul du SJR vient encore une fois changer la donne.
Le cas pratique. Morgan*** est agent de sécurité. Il travaille un peu moins de quatre mois au smic (soit environ 1 550 euros brut par mois avant le 1er octobre, le montant pris en compte dans nos calculs), puis n'a pas de contrat pendant dix mois. Il retrouve ensuite un emploi pendant dix mois payé au smic, ce qui lui ouvre un droit au chômage. Il s'inscrit à Pôle emploi et retrouve immédiatement du travail, mais à temps partiel : un CDD de 20 jours par mois pendant un an, payé au smic (soit 1 033 euros sur une base de 1 550 euros pour un mois plein).
- Avant la réforme : Morgan n'est pas indemnisé durant sa première période de chômage, car son contrat précédent dure moins de quatre mois. Son deuxième CDD lui ouvre des droits à l'allocation chômage. Comme il travaille désormais à temps partiel, il touche une indemnité en complément de son salaire (soit 217 euros supplémentaires). Il perçoit au total 1 250 euros** par mois.
- Après la réforme : Morgan n'est pas indemnisé durant sa première période de chômage, car son contrat précédent dure moins de six mois. Ces quelques mois travaillés sont cependant pris comme base pour ouvrir sa période de référence de 24 mois. Et comme Morgan n'a pas travaillé de manière continue, avec dix mois d'inactivité, le salaire journalier de référence, auquel il pourrait prétendre maintenant qu'il travaille à temps partiel, baisse avec les nouvelles règles. En conséquence, l'allocation qu'il peut potentiellement toucher en complément de son salaire à temps partiel diminue. Mais ça n'est pas tout : le plafond de cumul entre salaire et allocation est aussi réduit par rapport à l'ancien système, car il dépend lui aussi du montant du salaire journalier de référence. Morgan n'est autorisé à cumuler salaire et allocation que jusqu'à 904 euros, et il ne peut donc pas bénéficier d'une allocation en complément de son salaire. Il perçoit donc uniquement son salaire, soit 1 033 euros.
Dans certains cas néanmoins, la perte en allocation de complément pourra être compensée partiellement ou intégralement avec la prime d'activité. Tout dépend de la composition du ménage et de ses ressources.
J'ai été en congé maternité, en arrêt maladie ou en chômage partiel
La règle. Dans un contrat, il arrive que la rémunération soit "anormale" pendant certaines périodes, comme lors d'un arrêt maladie, d'un mi-temps thérapeutique, d'un congé maternité ou paternité, ou encore d'une mise en activité partielle. Avant la réforme, ces périodes étaient "neutralisées", c'est-à-dire qu'on ne les prenait pas en compte pour le calcul du salaire journalier de référence. Une méthode qui pouvait créer des inégalités, en fonction du salaire perçu lors du contrat où la période "anormale" intervenait : s'il était plus élevé que le salaire moyen sur la période de référence, le salarié avec une période "anormale" en pâtissait par rapport à un salarié qui n'avait pas connu de telle période. Et inversement. Si le salaire était constant au cours de la période de référence, il n'y avait pas d'inégalité.
Le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence inclus dans la réforme pouvait exacerber, ou créer des inégalités, ont pointé les syndicats, forçant le gouvernement à revoir sa copie. Au lieu de "neutraliser" ces périodes, la réforme prévoit donc d'intégrer, dans le calcul du SJR, un "salaire fictif" pour ces périodes "anormales". Il sera basé sur le salaire normal du contrat de travail (sans les primes). Il se rapprochera donc de ce qui aurait été versé en l'absence de l'événement justifiant la rémunération "anormale".
Le cas pratique. Guillaume et Lucie*** ont un parcours d'emploi similaire : durant les 16 derniers mois, ils ont eu un CDD de trois mois payé au smic (soit environ 1 550 euros brut par mois avant le 1er octobre, le montant pris en compte dans nos calculs), puis ont connu quatre mois de chômage, puis ont décroché un CDD de 9 mois payé au smic. Mais à la différence de Lucie, Guillaume connaît six mois d'activité partielle durant son dernier contrat. Pendant ces six mois, il n'est payé que 1 100 euros**. Tous les deux sont ensuite au chômage.
- Avant la réforme : la période d'activité partielle de Guillaume est "oubliée" dans le calcul de son SJR, pour ne prendre en compte que les périodes où il a touché sa rémunération pleine. Comme sa rémunération est constante sur toute sa période de référence, le fait de ne pas prendre en compte une partie de son contrat de neuf mois n'abaisse pas sa rémunération moyenne sur la période : il n'est pas perdant par rapport à Lucie, qui n'a pas connu d'activité partielle. Tous les deux pourront toucher quelque 935 euros d'allocation chômage par mois pendant 12 mois, soit 11 220 euros.
- Après la réforme : pour calculer son SJR, on considère que Guillaume a continué de percevoir sa rémunération pleine (sans les primes) même pendant les six mois où il était en activité partielle. Si sa rémunération est entièrement composée de salaire, il n'est donc pas perdant par rapport à Lucie, puisqu'on fait comme s'il n'avait jamais été en activité partielle. En revanche, le montant de leur allocation mensuelle a baissé par rapport à l'ancien mode de calcul puisque leur SJR prend désormais en compte leurs quatre mois d'inactivité. Ils pourront toucher 859 euros d'allocation chômage pendant 16 mois. Sans ce "salaire fictif", Guillaume aurait touché 686 euros seulement, puisqu'en "oubliant" une période où il était rémunéré dans le calcul du SJR, ses jours non travaillés sur la période de référence auraient pesé encore plus lourd dans la balance.
Tout est bien qui finit bien ? Pas forcément. Se baser sur un "salaire fictif" pour calculer les allocations chômage pourrait être considéré comme illégal, estime l'Unédic dans une note transmise au ministère du Travail, et à laquelle franceinfo a eu accès. L'allocation chômage "doit être établie sur la base des rémunérations perçues par l'allocataire (ce qui n'est pas le cas d'un revenu fictif) ou soumis à contributions (ce qui ne peut être le cas d'un revenu fictif)", écrit l'organisme. Cette question doit être portée courant octobre par les syndicats devant le Conseil d'Etat, qui devra trancher.
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J'ai exercé des "petits boulots" durant mes études ou j'accepte un contrat mal rémunéré avant de trouver mieux
La règle. Depuis la réforme des "droits rechargeables", en 2014, il faut avoir épuisé totalement ses droits au chômage liés à un précédent contrat, avant de pouvoir en ouvrir de nouveaux liés à un contrat plus récent, même si ce dernier est plus avantageux. A une exception près : l'allocataire peut activer un droit d'option qui lui permet de ne pas bénéficier de son reliquat de droits si ce dernier est trop faible (inférieur ou égal à 20 euros par jour), ou si la somme totale qu'il pourrait toucher en se basant sur ses nouveaux droits est au moins 30% supérieure à celle qu'il peut toucher avec ses anciens droits. Cette règle reste en vigueur avec la réforme.
Mais le nouveau calcul du SJR va rendre plus compliqué l'exercice de ce droit d'option. Les jeunes adultes, qui se trouvent au chômage au début de leur recherche d'emploi et qui ont exercé des "petits boulots" durant leurs études (souvent mal rémunérés, et donnant donc droit à une allocation faible), seront notamment désavantagés. Tout comme les salariés qui ont accepté un contrat mal payé et retrouvé un contrat mieux rémunéré après une période de chômage. La réforme prévoyant une allocation plus longue, en cas de période de travail hâchée, le reliquat de droits mettra plus longtemps à s'épuiser.
Le cas pratique. Eléonore*** décide de recommencer son activité professionnelle d'assistante médicale après avoir élevé ses enfants. Mais à 50 ans, elle est contrainte d'enchaîner les CDD. Elle trouve un contrat d'un peu moins de quatre mois payé au smic (soit environ 1 550 euros brut par mois avant le 1er octobre, le montant pris en compte dans nos calculs), puis ne trouve plus de travail ensuite pendant dix mois. Puis elle retrouve un contrat de dix mois, toujours payé au smic, avant une nouvelle période de chômage de six mois. Enfin, elle retrouve un contrat de dix mois, payé 1 900 euros** cette fois. A la fin de ce CDD, elle est de nouveau au chômage.
- Avant la réforme : Eléonore n'est pas indemnisée durant sa première période de chômage, car son contrat précédent dure moins de quatre mois. Durant sa deuxième période de chômage, elle touche une allocation de 935 euros pendant six mois. Alors qu'elle connaît une troisième période de chômage, son dernier contrat, mieux payé que les deux premiers au smic, lui fait espérer une allocation de 1 063 euros pendant dix mois. Mais comme elle n'a consommé que six mois de son droit lié à ses deux premiers contrats (935 euros pendant 14 mois), Eléonore pourrait toucher une indemnité de 935 euros pendant encore huit mois, avant d'avoir le droit de toucher son indemnité plus élevée liée à son dernier contrat. Si elle le souhaite, elle peut néanmoins activer son droit d'option et renoncer aux mois d'indemnités de son premier droit.
- Après la réforme : Eléonore n'est pas indemnisée durant sa première période de chômage, car son contrat précédent dure moins de six mois. Durant sa deuxième période de chômage, elle touche une allocation de 669 euros durant six mois, car le calcul de son allocation, avec une période de référence de 24 mois, prend désormais en compte ses dix mois d'inactivité. Alors qu'elle connaît une troisième période de chômage, son dernier contrat, mieux payé que les deux premiers au smic, lui fait espérer une allocation de 1 063 euros pendant dix mois. Mais comme elle n'a consommé que six mois de son droit lié à ses premiers contrats (669 euros pendant 24 mois), Eléonore risque de toucher une indemnité de 669 euros pendant encore 18 mois avant d'avoir le droit de toucher son indemnité plus élevée liée à son dernier contrat. Et cette fois-ci, elle ne peut pas activer son droit d'option : la somme totale à laquelle elle peut prétendre grâce à son nouveau droit (dix mois à 1 063 euros, soit 10 630 euros) est inférieure à celle à laquelle elle peut prétendre au titre de son ancien droit (18 mois à environ 669 euros, soit 12 042 euros). Au lieu d'être indemnisée à 1 063 euros pendant dix mois, Eléonore sera donc indemnisée 669 euros pendant 18 mois. Or, seule une minorité d'allocataires utilisent la totalité de leurs droits avant de retrouver un travail. A sa reprise d'emploi, il est donc probable qu'elle ait touché moins d'argent que dans l'ancien système.
Je percevais un salaire de plus 4 500 euros par mois
La règle. Une partie des cadres ou des travailleurs très qualifiés de moins de 57 ans vont désormais voir leur allocation chômage diminuer à partir du neuvième mois de chômage (la dégressivité s'appliquera dès le septième mois d'indemnisation une fois le "retour à meilleure fortune" accompli*), si leur salaire moyen sur la période de référence est supérieur à 4 500 euros. Le décompte pour cette mesure est entré en vigueur au 1er juillet, elle sera donc effective à partir de mars 2022.
Dans le détail, si le montant de l'allocation journalière est situé entre 85,18 euros et 120,96 euros, le montant de l'allocation à partir du neuvième mois sera de 85,18 euros. Si le montant de l'allocation journalière est supérieur à 120,96 euros, le montant de l’allocation sera réduit de 30%.
Le cas pratique. Alain***, 50 ans, est licencié de son poste de directeur financier, pour lequel il touchait 7 500 euros** par mois. Le montant de son allocation journalière est de 124 euros : il est concerné par la dégressivité des allocations.
- Avant la réforme : Alain peut toucher une allocation de 3 717 euros par mois pendant 24 mois, soit, au maximum, 89 208 euros.
- Après la réforme : Une fois le "retour à meilleure fortune" entré en vigueur, Alain bénéficiera de six mois de chômage indemnisé à 3 717 euros par mois, puis sera ensuite indemnisé 2 602 euros à partir de son septième mois. Il percevra donc, au maximum, 69 138 euros. Entre mars et juin 2022, 35 000 personnes seront concernées par la dégressivité de leur allocation mensuelle, et 25 000 au second semestre 2022, projette l'Unédic.
Je suis chef d'entreprise
La règle. En contrepartie du nouveau mode de calcul du SJR, qui affecte les salariés qui alternent périodes travaillées et non travaillées, le gouvernement met en place un système de bonus-malus pour inciter les entreprises à embaucher en contrat à durée indéterminée (CDI), ou à rallonger la durée des contrats à durée déterminée (CDD), plutôt que de multiplier le recours aux contrats courts et à l'intérim.
Concrètement, les entreprises qui enregistrent un nombre important de fins de contrats ou de missions donnant lieu à une inscription à Pôle emploi, par rapport à leur masse salariale et à la médiane dans leur secteur d'activité, verront leur cotisation patronale relevée graduellement (de 4,05% actuellement jusqu'à 5,05%). A l'inverse, les entreprises vertueuses, avec des salariés qui restent en poste, bénéficieront elles d'un taux de contribution plus faible (le minimum est fixé à 3%).
Ce bonus-malus concernera les entreprises de plus de 11 salariés dans sept secteurs grands consommateurs de contrats courts (fabrication de denrées alimentaires, transports, hébergement et restauration...). Il sera appliqué à partir de septembre 2022, après une période d'observation du comportement des entreprises, qui a débuté le 1er juillet 2021. Les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire, du secteur S1 (hébergement, restauration, transports...), seront néanmoins exclues du dispositif en 2022.
Le cas pratique. Karim est directeur d'une PME de 100 salariés qui fabrique des produits en caoutchouc. Ce secteur a fortement recours aux contrats courts, il sera donc concerné par la mise en place du bonus-malus en septembre 2022. Entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2022, il y a eu 300 fins de contrats qui ont donné lieu à une inscription à Pôle emploi dans l'entreprise de Karim.
- Avant la réforme : le taux de contribution au régime d'assurance-chômage est le même (4,05%) pour toutes les entreprises, quel que soit leur recours aux contrats courts.
- Après la réforme : l'entreprise de Karim est moins vertueuse que la médiane des autres entreprises de son secteur. A partir de septembre 2022, sa contribution au régime d'assurance-chômage sera relevée à 4,86%, selon le simulateur du ministère du Travail.
(*) Compte tenu de la crise liée au Covid-19, le gouvernement a assoupli temporairement ces règles depuis le 1er août 2020 : seuls quatre mois travaillés sur 24 suffisent pour ouvrir ou recharger un droit. Mais cette exception s'éteindra avec le "retour à meilleure fortune", c'est-à-dire une fois que le nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A baissera de 130 000 en six mois, et que, dans le même temps, le nombre de déclarations préalables à l'embauche (DPAE) pour des contrats de plus d'un mois sera supérieur à 2,7 millions en quatre mois. Soit, potentiellement, dès le 1er décembre 2021, assure le gouvernement. Un horizon réaliste : au deuxième trimestre 2021, ces dernières ont atteint 2,2 millions, et le nombre de chômeurs en catégorie A a baissé de 50 000 personnes, selon les chiffres de la Dares. Comme le précise l'Unédic dans son étude d'impact de la réforme, un arrêté ministériel "constatera la réalisation des deux conditions et fixera dans une certain délai, la date à laquelle les nouvelles mesures entreront en vigueur".
(**) Tous les montants en euros dans cet article sont exprimés en brut, jamais en net.
(***) Tous ces exemples sont issus soit d'études de cas commandées par les organisations syndicales à l'Unédic, et consultées par franceinfo, soit des travaux du sociologue Mathieu Grégoire, spécialiste de l'assurance-chômage, sur le site de la revue Salariat.
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