Face à la pénurie de personnel dans les Ehpad, la solution est-elle de faire appel à des personnes condamnées à des TIG (Travaux d'Intérêt Général) ? Le malaise est palpable chez certains directeurs d'établissement en Ardèche qui ont beaucoup de mal à gérer les manques d'effectif.
Une situation trop critique ?
Les TIG, peines alternatives à la prison ou peines complémentaires, consistent à effectuer un travail gratuit dans une association ou un service public. "Je me suis dit, ok, on en est là", confie un directeur mal à l'aise d'accueillir des personnes condamnées, certes pour de petits délits ou contraventions, dans son établissement, au contact de personnes vulnérables.
Le directeur des Ehpad de Marcols-les-Eaux et de Saint-Pierreville, Yvan Muschitz, lui se pose des questions : "Si on n'a plus que des TIG pour pallier le manque de personnel dans nos Ehpad, c'est que la situation est vraiment critique et qu'il convient qu'elle soit prise à un niveau national".
L'association AGADRES (Association Gérontologique Ardéchoise des Directeurs et Responsables de Service) qui regroupe 26 directeurs de 33 établissements en Ardèche lance d'ailleurs une tribune pour alerter sur les difficultés de recrutement dans les Ehpad (voir plus bas).
Une solution parmi d'autres
Face à ces renforts qui posent question, l'ARS temporise. Il ne s'agit que d'un levier - "marginal" - parmi tant d'autres selon Emmanuelle Soriano, directrice départementale de l'ARS en Ardèche : "Il n'y a aucune obligation. Les directeurs peuvent à loisir cibler certaines missions comme l'accueil administratif ou des travaux ménagers".
L'ARS indique également qu'une plateforme de renforts RH existe et que les professionnels peuvent se positionner dessus "pour avoir des possibilités de recrutement". Une solution qui s'ajoute à la mutualisation d'effectifs ou à des propositions de formations chez Pôle emploi. Mais ces solutions ne suffisent visiblement pas. Beaucoup d'Ehpad en Ardèche recourent aux heures supplémentaires malgré des équipes déjà très fatiguées.
Une tribune pour alerter sur le manque de personnel
"Nous demandons une véritable campagne de recrutement en Ardèche associant le Département, la Région et l’Etat" : voilà l'appel de l'association AGADRES qui lance une tribune signée par 26 directeurs d'établissements. Déjà en tension, les établissements ont dû faire face à une baisse d'effectifs suite à l'instauration de l'obligation vaccinale.
Yvan Muschitz doit jongler avec 14 ETP (équivalent temps plein) en moins sur son Ehpad de Marcols-les-Eaux et 11 ETP sur son établissement à Saint-Pierreville. La moindre absence rend la situation intenable. "Nous avons un agent qui vient d'être arrêté pour un lumbago ce qui nous pousse à revoir tous les plannings", explique-t-il.
L'association fait un constat, alerte les autorités mais se veut force de propositions également. Elle soumet trois idées pour pallier les difficultés de recrutement et la crise de vocations : une grande campagne de communication, un développement de l'apprentissage et solliciter les demandeurs d'emploi.
La tribune de l'AGADRES
"Quelle est la situation RH au sein de nos établissements ? Depuis des mois et des années, nous sommes confrontés à des difficultés de recrutement récurrentes, notamment sur les métiers Infirmiers, Aides-Soignantes et Agents de service. Malgré le Ségur de la santé qui a vu augmenter la rémunération nette des professionnels, des formations qualifiantes proposées, nous déplorons les difficultés à pourvoir les postes vacants et à recruter des remplaçants.
L’obligation vaccinale des agents a de surcroit temporairement accentué l’absentéisme déjà bien prégnant dans notre secteur du grand âge (arrêts maladie, suspension d’activité et demande de congés).
Le recours massif à des agents faisant fonction Aide-Soignant débutant, à du personnel intérimaire ou à des nouveaux profils en soutien (bénévoles, travaux d’intérêt général, contrats aidés, services civiques, etc..) occasionne inéluctablement une dégradation de la qualité d’accompagnement que nous devons à nos ainés. Par ailleurs, la qualité de vie au travail se trouve également dégradée et les risques professionnels sont accrus (risques psychosociaux ou physiques).
Quelles perspectives pour nos établissements ? Quelles compétences pour accompagner les résidents ?
Nous demandons une véritable campagne de recrutement en Ardèche associant le Département, la Région et l’Etat.
Le Ségur de la santé a été une avancée à la revalorisation financière des métiers du soin, il faut maintenant poursuivre sur l’attractivité et les valeurs de nos métiers de l’humain.
Tous les établissements membres de notre association quels que soient leurs statuts font écho des mêmes difficultés et des mêmes demandes.
La responsabilité des directeurs dans cette situation de pénurie de personnel est au cœur de nos préoccupations, faire le lien entre la nécessité de service, la prise en charge des résidents et nos énormes difficultés à recruter est un dilemme permanent qui repose sur les Directions et les organismes gestionnaires.
Nous souhaitons faire état de nos pistes de réflexions à l’ensemble des acteurs :
Travailler sur l’attractivité des métiers et le recrutement via un plan de communication à l’instar de l’armée par exemple.
Développer l’apprentissage et l’alternance sur les formations Aides-soignantes et infirmiers.
Solliciter fortement et accompagner les demandeurs d’emploi à se diriger vers nos métiers.
Nous directeurs réprouvons cette situation d’accompagnement dégradée pour nos résidents, situation indépendante de notre volonté.
Nous lançons un signal d’alerte pour une mobilisation générale de l’ensemble des acteurs, l’association AGADRES souhaite y prendre toute sa part."
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