02 octobre 2021

Jean-Marie Le Pen : "Il y a une volonté délibérée de détruire notre pays"

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Jean-Marie le Pen, fondateur du Front National, est la figure contemporaine de la droite nationale. Il nous livre son analyse de la situation politique aussi bien interne qu’internationale en rappelant les causes qui ont entraîné notre pays dans le chaos. La franchise de son analyse rejoint parfois les idées de l’Action Française.

L’Action Française : Comment considérez-vous la situation générale de notre pays d’un point de vue social, économique et politique ?

Jean-Marie Le Pen : Notre pays subit les conséquences des politiques de droite comme de gauche que j’ai dénoncées depuis des décennies. Cette attitude m’a valu la diabolisation médiatique que vous savez.

Les problèmes sociaux que vous évoquez sont la conséquence logique de l’abandon de la Nation. Notre souveraineté et nos spécificités nationales et culturelles ont été délaissées. La France s’est progressivement fondue dans la mondialisation qu’elle a suivie en masse sans savoir en choisir les aspects qui lui sont profitables. Nous avons légué notre indépendance à l’Union Européenne qui s’est érigée en autorité fédérale supérieure au lieu d’être une organisation régionale, nécessaire aux pays de notre continent.

Par ailleurs, nous avons ouvert nos frontières à un nombre considérable d’immigrés sans avoir la capacité de les prendre en charge, de les intégrer et de les assimiler. Une grande partie de ces populations a obtenu la nationalité française avec le droit du sol adopté par notre Code de la nationalité. De nombreux jeunes issus de parents immigrés et vivant sur le territoire ne se sentent pas français.

Il me semble qu’il y a eu une volonté délibérée de détruire notre pays avec sa culture et ses traditions et de construire sur ses ruines une « nouvelle France » avec un modèle cosmopolite. La catholicité culturelle de la France, « fille aînée de l’Église », était la cible principale de nos adversaires qui ont transformé la séparation de l’Église et de l’État en une « laïcité à la française », outrancière, coupant les Français de leurs racines.

 

N’avez-vous pas l’impression que les pompiers pyromanes dénoncent ce qu’ils ont favorisé ? Comment expliquez-vous l’islamisation de la France ?

Au nom de la laïcité et des Droits de l’Homme, des groupes politiques ont œuvré pour la « défrancisation » de notre pays. Ils ont favorisé ce flux migratoire et ont mené un combat acharné en vue de faire disparaître nos traditions, en culpabilisant les Français, en ridiculisant l’Église. Certains de ces groupes dénoncent aujourd’hui ce qu’ils ont, par le passé, favorisé.

Personnellement, je ne m’en suis jamais pris aux masses populaires, aux groupes sociaux y compris aux immigrés, mais aux politiques qui sont responsables de cette situation.

Malheureusement, le système politique actuel en France favorise la démagogie. La question migratoire a été instrumentalisée par mes adversaires pour des calculs électoraux, non seulement à mon encontre, mais aussi et surtout contre l’intérêt supérieur de la Nation.

Ainsi donc, la France a perdu progressivement son âme. Sa société s’est « décatholisée » spirituellement et culturellement. Prenons a contrario l’exemple des Anglais, majoritairement anglicans. Qu’ils soient agnostiques ou athées, ces derniers se réclament anglicans, tout en respectant les autres communautés. Cet aspect culturel de l’anglicanisme est préservé aussi bien dans la société anglaise que dans les hautes fonctions clés des institutions. Mieux que la France, l’Angleterre a su préserver son identité et son indépendance, allant jusqu’à sortir de l’Union Européenne.

Quant à nous Français, en renonçant à notre identité et à notre culture, nous avons créé un vide. Par conséquent, une partie de la population issue de l’immigration et originellement de confession musulmane, en quête de repères identitaires, a été séduite par un courant religieux transnational cherchant à substituer l’« Oumma islamiya » à l’appartenance des individus à leurs nations respectives, à l’instar du sionisme qui, dès la fin du XIXème siècle, cherchait à créer une « nation juive » (העם יהודי).

Cette instrumentalisation de la religion à des fins politiques a donc touché une partie de la population en France, grâce à l’émergence des moyens de communication qui ont facilité la propagande des mouvements islamistes. Ces derniers ont, par ailleurs, bénéficié de larges moyens financiers dont l’origine réelle demeure occulte. C’est ainsi que l’islamisation de la France déchristianisée est devenue visible. J’ai assisté à cette déchristianisation progressive de notre société : plus de religieuses voilées dans les rues, plus de prêtres en soutane, plus de femmes franchissant les églises avec des mantilles, etc… Je me souviens aussi de ma mère qui portait la coiffe bretonne ; une manière de manifester une identité provinciale.

Nous avons, hélas, délaissé nos traditions et encouragé d’autres cultures à s’implanter chez nous. Le drame c’est de voir les minorités, visibles et invisibles, commander la majorité et cette dernière de sentir devenir une minorité. C’est ce qui se produit chez nous et qui n’est que la conséquence des politiques destructrices de notre civilisation et de notre nation.

Je ne crois pas à l’existence d’un projet politique téléguidé par les musulmans pour islamiser la France car il n’existe aucune puissance musulmane capable d’établir et de réaliser un tel projet : le monde musulman fait face à de très nombreuses luttes internes.

 

Et le terrorisme ?

Il s’agit d’actes effectués par des mercenaires au profit de groupes politiques étrangers dont on n’est pas encore parvenu à en élucider les vrais meneurs et véritables responsables.

Les actes terroristes ont pour objectif d’adresser un message politique aussi bien à la population qu’aux gouvernements. Mais la plupart du temps ils sont effectués pour faire réagir l’opinion publique, grâce à l’ampleur médiatique donnée à ces événements et à l’interprétation de ces actes par certains journalistes et chroniqueurs.

J’ai constaté que les auteurs de ces actes commis en France ont des noms à résonance arabe (à l’exception d’un Tchétchène). Néanmoins, il y a un bon nombre de Français qui sont convertis à l’Islam et qui sont soumis aux idéologies de l’Islam politique qui n’est qu’une dérive de la religion musulmane. Ils ont, de surcroît, été enrôlés dans les organisations terroristes islamistes tel que Daëch et ont commis les pires atrocités en Syrie voire en Bosnie, en rejoignant les Moujahidines. Curieusement, cette catégorie d’islamistes a épargné la France.

Par ailleurs, les circonstances des actes terroristes commis sur notre territoire ainsi que les interpellations de leurs auteurs, conduisant la plupart du temps à leur élimination physique, me laissent perplexe : Mohamed Merah aurait pu être neutralisé dans l’appartement où il se trouvait par des gaz anesthésiants ; les cartes d’identité de certains auteurs d’attentats auraient été retrouvées dans leurs voitures ; le passeport du kamikaze qui s’est fait exploser au stade de France aurait également été retrouvé intact, etc…

Je pense que ces terroristes sont formatés pour commettre ces crimes. Certains d’entre eux ont un palmarès judiciaire de grande délinquance. D’autres sont désœuvrés, démunis et fragiles psychologiquement, ce qui facilite leur manipulation à l’instar d’un certain nombre de personnes entraînées par le « djihad », qui vont combattre principalement leurs coreligionnaires au Moyen–Orient.

En France, il existe un certain nombre de personnes présentant le profil idéal pour se faire instrumentaliser. Ces individus sont pour la plupart issus de milieux peu éduqués, pauvres, sans activité professionnelle, ou présentant des troubles psychologiques en raison de problèmes sociaux ou familiaux. Par conséquent, la connaissance des phénomènes migratoire et démographique est indispensable pour comprendre l’ensemble de ces phénomènes.

 

« Notre planète souffre d’une poussée démographique », Qu’entendez-vous par là ?

La population mondiale ne cesse de s’accroître de manière exponentielle. En cent ans, la population mondiale est passée de 2 à 8 milliards de personnes. Ce phénomène est une évidence. Il est surtout observé dans les pays pauvres ou en voie de développement. Prenons l’exemple de l’Algérie. En 1966, la population de ce pays était de 12 millions. Elle est aujourd’hui de plus de 43 millions. Nous allons donc assister, dans les décennies qui viennent, à des déplacements intenses de populations sur la planète. Il s’agit essentiellement de populations des pays pauvres qui sont tentés de s’aventurer, d’aller travailler et de s’installer dans les pays qui leur paraissent plus riches.

Parallèlement, nous allons assister à une sur-industrialisation et donc à des bouleversements climatiques. Ainsi donc, la planète tout entière va assister, en raison de cette poussée démographique, à des catastrophes aussi bien naturelles que socio-politiques : propagation de maladies, virus, pénuries alimentaires et pauvreté. Cela provoquera inéluctablement des déplacements démographiques continus et des problèmes sécuritaires. La pauvreté conduira certaines personnes à commettre des actes portant atteinte à la sécurité et à la stabilité des sociétés. L’état de nécessité sera un fléau planétaire.

Notre pays sera également touché par cette situation. C’est la raison pour laquelle nous devons urgemment adopter des mesures législatives pour la préservation de nos intérêts nationaux.

 

Quelle est votre point de vue sur la politique étrangère et sur le monde francophone ?

Notre politique étrangère doit être animée par deux principes : d’abord et principalement par celui de l’intérêt supérieur de la France, ensuite par nos amitiés historiques avec les nations, comme le soulignait Bainville.

Malheureusement, notre pays a progressivement rompu avec ces principes sous la Ve République en se soumettant aux diktats d’organisations internationales dominées par le monde anglo-saxon (OTAN et l’Union Européenne) et aux groupes de pression (les lobbies). C’est la raison pour laquelle nous avons perdu notre influence et la place que nous occupions sur la scène internationale malgré notre statut de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Nous avons reculé en Afrique tandis que d’autres pays étendent leur influence sur ce continent à l’instar de la Chine, des États-Unis, de la Russie récemment, voire de la Turquie qui est en train de gagner des marchés en Afrique. Ce recul a commencé vers la fin du mandat de Jacques Chirac.

Nous nous sommes éloignés du monde arabe, des pays d’Afrique du Nord avec lesquels nous avons une histoire, pour plaire à Israël. Or, ce dernier est en train de normaliser ses relations avec certains pays arabes qui s’orientent de plus en plus vers le monde anglo-saxon dominé par les États-Unis.

 

Quelles sont les conséquences de notre inféodation au monde anglo-saxon ?

Nous n’avons pas pris les choix politiques opportuns vis-à-vis de certains conflits politiques, à l’instar de la guerre en Syrie. Nous avons participé, sous l’impulsion des États-Unis et de l’Union Européenne, à la déstabilisation de cet État. Cela a conduit à l’émergence des groupes extrémistes : Daëch ou Front Al-Nosra, (branche locale d‘Al-Qaïda, à laquelle l’ancien ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, avait rendu hommage en exprimant dans un entretien au quotidien Le Monde : [ce groupe] « fait du bon boulot en Syrie » !

En rompant nos relations diplomatiques et notre coopération sécuritaire avec Damas, nous avons été empêchés de lutter contre les « djihadistes » qui menacent notre pays et nos intérêts en portant atteinte à notre sécurité.

Nous avons également, sous l’impulsion de l’OTAN, déstabilisé les institutions et l’État libyen ce qui a favorisé le phénomène migratoire. Nous avons suivi et encouragé la propagande relative au « Printemps arabe » qui a permis l’émergence de l’Islam politique, courant qui instrumentalise la religion à des fins politiques et qui a remis en cause plusieurs institutions étatiques du monde arabe avec lequel nous avions des relations historiques. Ces choix politiques masochistes ont contribué au renforcement du fléau migratoire. Des millions de personnes ont été contraintes de fuir les conflits militaires et les massacres.

Historiquement, la France a toujours eu une politique étrangère équilibrée sur la scène internationale, respectueuse des principes généraux du droit notamment celui de la non-ingérence et la non-intervention dans les affaires internes des pays. Elle a aussi joué un rôle catalyseur dans le règlement des conflits.

La France a été entraînée dans des conflits internes en violation de ces principes. En toute objectivité, il faut reconnaître la volonté du Président Macron de faire un pas vers la Russie, de prendre des initiatives pour la Libye, de tenter de calmer les velléités du Président turc, de trouver une issue au blocage de la situation au Liban. C’est le cumul des politiques des gouvernements successifs de la Ve République qui ont affaibli notre rôle et notre place dans le monde.

 

Les Français sont-ils las de la République ? Dans quelques mois, notre pays connaîtra de nouvelles élections présidentielles. La campagne électorale débutera très probablement dès l’automne. Qui voyez-vous au sommet de l’État ? Quels sont vos pronostics ?

Il est difficile de prédire. Tout dépendra des événements qui permettront à l’un des candidats d’émerger en profitant de l’actualité, en adoptant un discours qui attirera l’opinion publique en sa faveur et en bénéficiant bien entendu du soutien des médias. Ceux sont les événements qui favorisent les candidats et non le contraire.

Il faut rappeler que les Français se sont lassés des promesses électorales voire du système en général. Les dernières élections régionales l’ont démontré. Ce désintéressement de la politique est également illustré par le déclin des partis politiques, de droite comme de gauche. Les Français ont besoin à la fois de libertés mais aussi d’une autorité rassurante et arbitre. Ce n’est pas vous qui allez me contredire à ce sujet. Il s’agit de la fameuse formule de Charles Maurras : « l’autorité en haut, les libertés en bas ».

 

Le Front national est allé jusqu’à changer de nom et adopter une stratégie de dédiabolisation. Comme vous le savez, l’Action Française connait une nouvelle dissidence avec le Centre Royaliste d’Action Française. On nous reproche d’être fidèles aux idées de Charles Maurras ou à la mémoire du Maréchal Pétain. Que pensez-vous de cette stratégie de dédiabolisation ?

Nos politiques adoptent un langage démagogique pour amadouer l’opinion publique afin d’arriver au pouvoir, ce qui n’était pas mon cas. Il m’a même été reproché par certains de ne pas avoir voulu le pouvoir et sa conquête, ce qui n’est pas vrai. En réalité, je n’ai jamais voulu céder au Système (à l’« establishment »), en adoptant le « politiquement correct », en me compromettant et en trahissant mes convictions profondes. Cela m’a valu toutes les attaques aussi bien de la part de mes adversaires politiques que des médias, avec un acharnement inébranlable.

En me succédant à la tête du Front national, Marine a décidé de se rapprocher du Système, en le ménageant. Cela lui a permis d’avoir une plus large visibilité médiatique. Elle a progressivement écarté les fondamentaux du parti.

Certains ont suivi l’exemple du Rassemblement national, y compris au sein de l’Action Française, en reniant le combat séculaire de Charles Maurras et de ses compagnons ainsi que la défense de la mémoire du Maréchal Pétain, celle des Harkis, etc…

Je comprendrais que le Front national (ou le Rassemblement national) veuille se dédiaboliser en ménageant le système pour arriver au pouvoir, ce qui n’est pas le cas de votre mouvement politique. L’Action Française n’a pas besoin de se dédiaboliser et de se rapprocher du Système car elle n’est pas un parti politique dont l’objectif est la conquête du pouvoir. Votre mouvement préconise un autre Système et, par conséquent, n’a pas pour objectif de participer aux institutions de ce dernier.

Notre famille nationale est ainsi morcelée. Certains mouvements qui se disent nationalistes se laissent instrumentaliser par des courants stipendiés par l’étranger qui, comme je l’ai expliqué, ont délibérément encouragé l’état du pays. Ils prétendent aujourd’hui y remédier en semant la zizanie et en encourageant la violence et donc le chaos. Le nationalisme français est construit sur des valeurs positives irréprochables : l’amour et la défense de la Patrie.

Il manque aux nationalistes un chef fédérateur pour redresser la barre. C’est un principe logique et humain. Votre mouvement politique en a payé le prix, en particulier depuis la mort de Pierre Pujo. Il a fallu du temps à sa sœur, malgré son âge avancé et les difficultés qu’elle a endurées, pour redresser l’Action Française et la ressusciter grâce, bien entendu, à votre équipe intègre et fidèle aux principes fondamentaux de votre mouvement qui est appelé à porter l’étendard du nationalisme français.

Propos recueillis par Arnaud Delorme

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