La
lettre envoyée le 15 septembre à Naval Group par l’Australie est sujette
à diverses interprétations par Paris et Canberra. Après consultation du
document, des médias australiens et le Guardian affirment que le
gouvernement français a menti au sujet de son contenu.
Mercredi
29 septembre, Jean-Yves Le Drian était auditionné au Sénat par la
commission des Affaires étrangères dans le cadre de la crise des
sous-marins. La France devait en effet en fournir à l’Australie, mais
l’annonce d’un nouveau partenariat stratégique de ce pays avec les
États-Unis et le Royaume-Uni (AUKUS) a brutalement mis fin au contrat.
"Naval
Group recevait le 15 septembre, c’est-à-dire le jour même de l’annonce
trilatérale, la confirmation de la satisfaction de la revue stratégique
des autorités australiennes ouvrant la possibilité de la signature
rapide du contrat pour la deuxième phase du programme", a affirmé le
ministre des Affaires étrangères.
"Le
matin même du 15 septembre, nous avons reçu un courrier nous informant
officiellement que le gouvernement australien avait accepté notre offre
ainsi que les choix techniques qui auraient permis d'engager une
nouvelle phase du programme, dite "basic design" des sous-marins", a
expliqué dans Le Figaro Pierre Éric Pommellet, PDG de Naval Group.
"Cette
correspondance ne faisait pas référence ou n'autorisait pas le début de
la prochaine phase du programme, qui restait soumise à l'annonce des
décisions du gouvernement australien", a déclaré un porte-parole du
ministère de la Défense australien dans une déclaration à Reuters.
La lettre dévoilée
Sauf
que depuis vendredi 1er octobre, la lettre en question a été obtenue
par des médias australiens ainsi que par le quotidien britannique Guardian.
D’après eux, elle ne confirme aucunement de pouvoir passer à la
deuxième phase de l’accord franco-australien, bien au contraire.
"Les
questions abordées dans cette correspondance ne fournissent pas
d’autorisation pour poursuivre les travaux dans le cadre du CWS1 [Core
Work Scope 1, le contrat, ndlr]", précise-t-elle.
"La
lettre récemment publiée semble contredire certaines des affirmations
du gouvernement français concernant les assurances fournies quelques
heures avant l'abandon du contrat", en conclut le Guardian, qui précise que certaines parties étaient occultées car elles contenaient des "secrets commerciaux".
Il
assure cependant qu’elle date bien du 15 septembre, la dernière
modification du document indiquant 16h34, heure de Canberra, soit 8h34
heure de Paris. Quatre heures plus tard, Emmanuel Macron aurait reçu
l’appel du Premier ministre Scott Morrison l’informant de la décision de
mettre fin au contrat.
Assurances
Pendant
l’audition, Jean-Yves Le Drian a également affirmé que le 15 juin
dernier, lors de la rencontre entre le Premier ministre australien et
Emmanuel Macron, les Australiens avaient émis des interrogations quant à
"l’évolution de leur analyse du contexte stratégique asiatique en lien
avec la croissance des tensions avec la Chine […] et son impact sur les
besoins de leurs forces armées". Mais cela, selon lui, ne remettait pas
en cause le programme, ne soulevait pas "la question du mode de
propulsion" [l’Australie a opté pour les sous-marins nucléaires
américains au détriment des sous-marins conventionnels français, ndlr],
et Canberra ne mentionnait aucunement un "quelconque accord tripartite".
De son côté, l’Australie a rappelé
qu’un rapport de 2020 rédigé sous la supervision de son Parlement
suggérait de trouver une alternative à l’accord avec Naval Group, jugé
trop coûteux. En effet, avant que la construction du premier sous-marin
ne débute, le prix était déjà passé de 40 à 60 milliards de dollars. Il
remettait également en question l’intérêt de ce partenariat pour
l’Australie. En juin, le ministre de la Défense évoquait déjà un "plan
B" à l’étude, visiblement sans que cela n’alerte les autorités
françaises.
Jean-Yves
Le Drian a également pointé le rôle de Washington dans cette affaire,
affirmant que rien dans les échanges qu’il avait eus avec son homologue
Antony Blinken au cours des derniers mois n’avait laissé présager
l’existence d’un nouveau partenariat dans la zone indopacifique. Il
espère que la visite de ce dernier la semaine prochaine à Paris
apportera des "actes concrets" vers une réconciliation.
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