04 octobre 2021

Cette lettre qui contredit les allégations françaises sur le contrat des sous-marins australiens

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La lettre envoyée le 15 septembre à Naval Group par l’Australie est sujette à diverses interprétations par Paris et Canberra. Après consultation du document, des médias australiens et le Guardian affirment que le gouvernement français a menti au sujet de son contenu.

Mercredi 29 septembre, Jean-Yves Le Drian était auditionné au Sénat par la commission des Affaires étrangères dans le cadre de la crise des sous-marins. La France devait en effet en fournir à l’Australie, mais l’annonce d’un nouveau partenariat stratégique de ce pays avec les États-Unis et le Royaume-Uni (AUKUS) a brutalement mis fin au contrat.

"Naval Group recevait le 15 septembre, c’est-à-dire le jour même de l’annonce trilatérale, la confirmation de la satisfaction de la revue stratégique des autorités australiennes ouvrant la possibilité de la signature rapide du contrat pour la deuxième phase du programme", a affirmé le ministre des Affaires étrangères.

"Le matin même du 15 septembre, nous avons reçu un courrier nous informant officiellement que le gouvernement australien avait accepté notre offre ainsi que les choix techniques qui auraient permis d'engager une nouvelle phase du programme, dite "basic design" des sous-marins", a expliqué dans Le Figaro Pierre Éric Pommellet, PDG de Naval Group.

Le 21 septembre, le porte-parole du ministère des Armées Hervé Grandjean tenait le même discours: "les Australiens ont écrit à la France pour dire qu’ils étaient satisfaits des performances atteignables par le sous-marin et par le déroulement du programme. En clair: en avant pour lancer la prochaine phase du contrat".

"Cette correspondance ne faisait pas référence ou n'autorisait pas le début de la prochaine phase du programme, qui restait soumise à l'annonce des décisions du gouvernement australien", a déclaré un porte-parole du ministère de la Défense australien dans une déclaration à Reuters.

La lettre dévoilée

Sauf que depuis vendredi 1er octobre, la lettre en question a été obtenue par des médias australiens ainsi que par le quotidien britannique Guardian. D’après eux, elle ne confirme aucunement de pouvoir passer à la deuxième phase de l’accord franco-australien, bien au contraire.

"Les questions abordées dans cette correspondance ne fournissent pas d’autorisation pour poursuivre les travaux dans le cadre du CWS1 [Core Work Scope 1, le contrat, ndlr]", précise-t-elle.

"La lettre récemment publiée semble contredire certaines des affirmations du gouvernement français concernant les assurances fournies quelques heures avant l'abandon du contrat", en conclut le Guardian, qui précise que certaines parties étaient occultées car elles contenaient des "secrets commerciaux".

Il assure cependant qu’elle date bien du 15 septembre, la dernière modification du document indiquant 16h34, heure de Canberra, soit 8h34 heure de Paris. Quatre heures plus tard, Emmanuel Macron aurait reçu l’appel du Premier ministre Scott Morrison l’informant de la décision de mettre fin au contrat.

Assurances

Pendant l’audition, Jean-Yves Le Drian a également affirmé que le 15 juin dernier, lors de la rencontre entre le Premier ministre australien et Emmanuel Macron, les Australiens avaient émis des interrogations quant à "l’évolution de leur analyse du contexte stratégique asiatique en lien avec la croissance des tensions avec la Chine […] et son impact sur les besoins de leurs forces armées". Mais cela, selon lui, ne remettait pas en cause le programme, ne soulevait pas "la question du mode de propulsion" [l’Australie a opté pour les sous-marins nucléaires américains au détriment des sous-marins conventionnels français, ndlr], et Canberra ne mentionnait aucunement un "quelconque accord tripartite".

De son côté, l’Australie a rappelé qu’un rapport de 2020 rédigé sous la supervision de son Parlement suggérait de trouver une alternative à l’accord avec Naval Group, jugé trop coûteux. En effet, avant que la construction du premier sous-marin ne débute, le prix était déjà passé de 40 à 60 milliards de dollars. Il remettait également en question l’intérêt de ce partenariat pour l’Australie. En juin, le ministre de la Défense évoquait déjà un "plan B" à l’étude, visiblement sans que cela n’alerte les autorités françaises.

Jean-Yves Le Drian a également pointé le rôle de Washington dans cette affaire, affirmant que rien dans les échanges qu’il avait eus avec son homologue Antony Blinken au cours des derniers mois n’avait laissé présager l’existence d’un nouveau partenariat dans la zone indopacifique. Il espère que la visite de ce dernier la semaine prochaine à Paris apportera des "actes concrets" vers une réconciliation.

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