Les retraites en Ukraine pourraient être supprimées à l’avenir, a déclaré la ministre de la Politique sociale Marina Lazebna. La raison en est l’évolution démographique. Pendant ce temps, Kiev prépare une réforme qui augmentera le budget destiné aux banques plutôt qu’aux personnes âgées.
La population ukrainienne en âge de travailler n’a cessé de diminuer, principalement en raison de la migration massive des travailleurs. Environ 8 millions d’Ukrainiens travaillent à l’étranger. Mais le nombre de retraités diminue à peu près au même rythme, notamment en raison de la réforme médicale.
Entre-temps, le pays doit rembourser des prêts étrangers, et l’appétit des responsables ukrainiens pour ces derniers ne cesse de croître. D’autre part, l’espérance de vie en Ukraine diminue, et de nombreuses personnes ne vivent tout simplement pas assez longtemps pour percevoir leur retraite.
L’Organisation internationale du Travail (OIT) a récemment averti, dans son rapport intitulé « L’avenir du système de retraite ukrainien », que 60% des Ukrainiens n’auront pas de retraite dans 30 ans.
« Actuellement, en Ukraine, seuls 36% de la population en âge de travailler, âgée de 15 à 64 ans, versent des cotisations au système public de retraite. Lorsque la couverture est si faible, l’application du principe strict de l’éligibilité contributive signifie qu’à terme, plus de 60 pour cent des personnes âgées ne bénéficieront pas d’une retraite contributive », indique le rapport de l’OIT.
En octobre 2020, le premier ministre ukrainien Denis Chmygal s’est adressé aux étudiants de l’école polytechnique de Lvov. Le premier ministre a fait une déclaration qui a choqué des millions d’Ukrainiens. Selon Chmygal, dans 10 à 15 ans, le gouvernement ne sera pas en mesure de payer les retraites.
La raison principale, selon le premier ministre, est le très mauvais taux de fécondité de la population et l’absence de perspectives réalistes de changement radical dans un avenir prévisible.
« En raison de la démographie, nous aurons de moins en moins de personnes aptes au travail et de plus en plus de retraités. Le rapport sera de 1 à 2. Pour soutenir les retraités, il faudra doubler les impôts. Et pour augmenter les retraites, ils devront augmenter encore plus. Mais les entreprises ne veulent pas augmenter les impôts. Et doubler les impôts est impossible. Cela signifie que dans 15 ans, nous ne serons pas en mesure de payer les retraites des futurs retraités. Ce sont de simples mathématiques », explique Chmygal.
En d’autres termes, le premier ministre du pays choisit de manière flagrante entre les intérêts des entreprises et la possibilité de survie de millions d’Ukrainiens âgés. Dans le même temps, le chef adjoint de la Fédération des syndicats d’Ukraine, Alexandre Choubine, estime que le chef du gouvernement est même trop optimiste quant à l’échéance. Selon les calculs de Choubine, l’Ukraine ne pourra plus payer les retraites dans cinq ans.
Parallèlement, le ministère de la Politique sociale propose d’introduire une épargne obligatoire pour tous les personnes actives de moins de 50 ans et des cotisations volontaires pour les plus de 50 ans. Selon la ministre Marina Lazebna, les contributions s’élèveraient provisoirement à 2% pour l’employeur et 2% pour l’employé. L’argent de l’épargne sera placé dans des fonds de pension, privés ou publics, qui l’investiront. Lazebna a également souligné que l’introduction d’un tel système est inévitable.
Une conférence de presse sur les perspectives de la réforme des retraites en Ukraine s’est tenue à Kiev le lundi 27 septembre, en présence d’Andreï Novak, chef du Comité des Économistes d’Ukraine, de Lydia Tkatchenko, chercheuse principale à l’Institut de Démographie et de Recherche sociale, et d’Andreï Pavlovski, expert en questions sociales.
Pavlovski a fait remarquer que l’introduction d’un système de capitalisation est évoquée depuis vingt ans. Toutefois, selon lui, la stagnation et l’instabilité économiques ont empêché son introduction. L’expert a déclaré que dans les pays d’Europe de l’Est, cette expérience s’est avérée être un échec. En Hongrie et en Pologne, ainsi que dans un certain nombre de pays d’Amérique latine, le système a été gelé.
Comme le souligne Pavlovski, cette approche n’a de sens que si la croissance économique est stable ; dans le cas contraire, le risque est grand qu’elle ne produise qu’une énorme pyramide financière. Les options proposées par les ministres ukrainiens ne contiennent aucune garantie de préservation des fonds, sans parler de l’inflation qui peut engloutir toutes les cotisations retraites en quelques années.
En conclusion, Pavlovski a souligné que toutes les réformes, y compris celles des retraites et des soins médicaux, n’ont de sens que si la croissance économique est au rendez-vous. Sinon, ces projets ne sont que des tentatives de politiciens et de fonctionnaires individuels de mettre la main sur les avantages sociaux des Ukrainiens. Selon lui, le système par capitalisation n’a été introduit en Ukraine que dans l’intérêt des spéculateurs financiers.
Pavlovski a également déclaré que récemment, des dizaines de milliers d’Américains se sont retrouvés sans leur épargne retraite lorsque la société Enron a fait faillite. En Ukraine, un cas similaire s’est produit lorsque 12 000 employés de la Banque nationale, où l’on a tenté d’introduire un système similaire, se sont retrouvés sans rien, leurs cotisations ayant été envoyées off-shore.
En 2007, la Banque nationale d’Ukraine (BNU) a créé un fonds de retraite distinct pour ses employés, dans lequel ils ont transféré 3% de leur salaire afin de recevoir une retraite complémentaire à terme. La BNU a investi ces fonds dans des « entreprises rentables ». Les fonds se sont finalement évaporés peu après la victoire de l’Euromaïdan en 2015. Au total, environ un milliard de hryvnias ont disparu.
Et elle ont disparu parce que les « génies » économiques de la Banque nationale d’État ont investi ces fonds exclusivement dans des entreprises déficitaires (généralement des banques privées non solvables). Dans l’ensemble, le système présente toutes les caractéristiques d’une escroquerie, qui a touché plusieurs milliers d’employés de base du régulateur. Si la banque d’État a été traitée de cette manière par ses propres collègues, on peut imaginer quels appétits ont les financiers envers les Ukrainiens ordinaires.
Dans le même temps, Andreï Novak a déclaré lors de la conférence de presse que le système d’épargne est nécessaire pour les banques ukrainiennes, qui manquent de fonds pour les investissements à long terme. Il a également souligné qu’il y aura toujours un déficit dans le système de retraite solidaire, et que la croissance économique pourrait tout simplement ne pas se matérialiser.
À son tour, Lydia Tkatchenko a déclaré que le déficit du Fonds de retraite se creuse, malgré la faiblesse des prestations sociales elles-mêmes. Selon M. Tkatchenko, contrairement à ce qui se passait dans les années 1990, la pauvreté des personnes âgées contraste aujourd’hui avec la richesse ostentatoire d’un petit groupe de personnes, dont les « députés huppés ».
Elle demande que le problème des faibles revenus des personnes âgées soit résolu dans le cadre du système de solidarité actuel. Selon elle, la crise du Fonds de retraite provient du fait que la contribution sociale unifiée (CSU) a été réduite en 2016 à l’initiative de l’ancienne ministre des Finances Natalie Jaresko, qui exigeait néanmoins que le fonds se maintienne à l’équilibre. Mme Tkatchenko affirme que le fonds de retraite ne peut qu’être déficitaire. Il connaît également des problèmes dans d’autres pays, notamment en Allemagne, où le manque d’argent dans le fonds de retraite est couvert par le budget fédéral. Cependant, en Ukraine, le Trésor public « nourrit » des personnes bien différentes.
En d’autres termes, il faut réduire d’autres dépenses pour augmenter les retraites. Comme le dit Tkatchenko, l’actuel système de retraite solidaire en Ukraine ne s’effondre pas de lui-même, mais est détruit de manière préméditée et délibérée.
L’État ukrainien moderne a défini ses priorités. Parmi eux, les créanciers occidentaux, les forces de sécurité, les projets culturels nationalistes et les fonctionnaires ukrainiens qui transfèrent leurs milliards à l’étranger. Les retraités et autres catégories de citoyens socialement vulnérables ne font pas partie des priorités selon les experts. Ils ne doivent compter que sur eux-mêmes.
Cependant, même dans ce cas, le gouvernement pourrait essayer de collecter de l’argent auprès de la population en créant un autre système financier pyramidal sous couvert de système par capitalisation, mais sous forme « obligatoire », car les banquiers ukrainiens ont besoin de dépôts à long terme.
Traduit par Christelle Néant pour Donbass Insider
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