L’eau, l’eau, l’eau: dans la vallée agricole de Californie l’intérêt pour ce précieux liquide peut parfois tourner à l’obsession tant il manque cruellement en cette période de sécheresse. Cet été, le verger de l’Amérique s’est transformé en un champ de poussière brunâtre, où se côtoient arbres desséchés et cultivateurs exaspérés.
Après plusieurs années de très faibles précipitations et un hiver particulièrement sec, l’État de l’ouest américain a basculé dans une sécheresse exceptionnelle.
Soucieuses de continuer à alimenter les villes en eau et de protéger la faune sauvage, les autorités californiennes ont brusquement coupé le robinet au monde agricole, au risque de le faire basculer dans un torrent de colère.
Partout sur les routes qui relient les exploitations agricoles entre elles, des panneaux exhortent à «économiser l’eau de Californie!», accusant même l’État de déverser cette ressource si vitale dans l’océan.
Les cultivateurs reprochent au gouverneur démocrate Gavin Newsom de les étrangler sous une montagne de restrictions inutiles et de les priver par la même occasion du privilège d’alimenter les supermarchés d’Amérique.
«Affamer le monde»
«Deux de mes puits se sont asséchés la semaine dernière» et «800 de mes hectares de luzerne sont en train de mourir», peste auprès de l’AFP Nick Foglio, chez qui on exerce le métier d’agriculteur de père en fils depuis quatre générations.
«En nous préoccupant du mauvais enjeu politique, nous allons simplement nous affamer et probablement affamer le reste du monde», fustige-t-il depuis un champ de Fresno.
Les autorités californiennes ne l’entendent pas de cette oreille. Face à l’ampleur de la crise climatique, elles ont même passé cette semaine de nouvelles mesures en urgence pour interdire à des milliers de personnes -- principalement des agriculteurs -- de détourner l’eau des torrents et rivières.
«Lors d’une année où Dame Nature ne fait pas tomber de pluie, il n’y a pas d’eau à recevoir pour eux», martèle Jeanine Jones, de l’agence californienne de gestion de l’eau.
«Situation catastrophique»
Quand les allocations d’eau de l’État sont coupées, les agriculteurs se tournent vers leurs puits creusés au prix de dizaines de milliers de dollars. Ces derniers sirotent les nappes phréatiques à des centaines de mètres de profondeur. Mais même là, l’eau fini par manquer.
«La situation est assez catastrophique», souffle Liset Garcia, dont le puits qui irrigue la moitié de sa ferme de 8 hectares, mais aussi sa maison, s’est retrouvé à sec.
Depuis des semaines, la cultivatrice aux chemises à carreau attend le passage d’un foreur de puits, dont la liste d’attente déborde, pour voir s’il reste ne serait-ce qu’un peu d’eau, plus en profondeur.
Installée à son étalage proche du bourg de Reedley, l’agricultrice de 30 ans qui subit de plein fouet les ravages du réchauffement climatique accueille ses clients avec une énergie presque déconcertante.
La chaleur a détruit nombre de ses cultures qui «ont littéralement cuit sous le soleil».
«Les feuilles sont recroquevillées, les fruits n’arrivent pas à leur taille habituelle», «ils perdent de leur aspect sucré et juteux», déplore l’exploitante à la casquette estampillée du nom de son exploitation, «Sweet Girl Farms».
«C’est maintenant un luxe d’avoir de la nourriture», lance-t-elle, «Ça ne vous paraît pas insensé?»
Avec le réchauffement climatique, l’intensité et la fréquence des épisodes de sécheresse risque encore d’augmenter, menaçant encore plus l’équilibre de la sécurité alimentaire.
Nourrir l’Amérique dans ces conditions est un défi ambitieux. Mais cette région a peut-être déjà trouvé sa prochaine vache à lait: sous un soleil de plomb, des ouvriers installent et déballent de gros cartons au milieu de champs laissés en jachère. À l’intérieur, des milliers de panneaux solaires, et l’espoir de donner à une région à cran, un nouvel élan.
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