Le ministère de la Santé a indiqué ce samedi 22 mai au HuffPost son souhait de déployer des chiens renifleurs en France “dès cet été, suite au résultats très encourageants de l’étude SALICOV” menée par le professeur Grandjean en collaboration avec l’AP-HP, l’ARS et le Conseil régional d’Ile-de-France, et l’équipe Nosaïs de l’EnvA.
Le gouvernement accélère sur ce dispositif de dépistage du Covid-19 pourtant évoqué dès le début de l’épidémie mais dont l’efficacité n’avait jusqu’à présent pas été démontrée à une échelle satisfaisante. La publication par l’AP-HP mercredi 19 mai des résultats d’une expérimentation menée sur 335 volontaires par le Pr Grandjean au printemps change la donne.
Leyko, Joye, Oxmo et six autres chiens renifleurs guidés par des pompiers des Yvelines et de l’Oise ont prouvé qu’ils étaient aussi fiables - et beaucoup plus rapides - qu’un test PCR pour détecter le coronavirus. A partir de compresses contenant la sueur des dépistés, les chiens du programme ont détecté 97% des positifs (préalablement identifiées par PCR sans que les maîtres chiens ne sachent qui était porteur du virus), avec seulement 6% de faux négatifs.
Autre point positif, l’EnvA affirme que les chiens sont aussi capables de détecter les variants. ”À ce jour, nous savons que les chiens marquent sans problème les variants anglais, sud-africain et brésilien, écrit l’école sur son site. Nous attendons de pouvoir tester sur le variant indien dès que des prélèvements nous parviendront”.
Les chiens détectent les asymptomatiques
“Ces résultats sont convaincants et impressionnants, même s’ils ne sont pas encore publiés dans une revue scientifique”, confirme au HuffPost Franck Perez, directeur de recherche de l’Institut Curie, indépendant de l’étude. “Les chiens n’ont laissé passer aucun asymptomatique” renchérit le Pr Grandjean, avec fierté. Un atout de taille, car isoler les asymptomatiques reste le nerf de la guerre sanitaire.
Ainsi, des chiens pourraient cibler les personnes devant bénéficier d’un dépistage “virologique” (antigénique rapide ou PCR) dans les réunions de masse (festivals, compétitions sportives, concerts) prévues dans le cadre du déconfinement progressif. Un coup de patte à l’entrée, pour éviter d’embarquer des malades du Covid-19 dans les grands rassemblements propices à la propagation du virus, à l’heure où l’arrivée du pass sanitaire fait grincer des dents une partie des Français.
Le ministère de la Santé étudie actuellement les modalités concrètes d’un tel déploiement, “en appui à la réouverture des grands événements sportifs et culturels” où le pass sanitaire sera en vigueur mais aussi dans les gares, les aéroports, ainsi que dans les Ehpad, autant de lieux où les chiens pourraient être utiles, selon le ministère de la Santé. Le cabinet d’Olivier Véran précise qu’il travaille au recensement des chiens mobilisables, à la suite de ces bons résultats.
L’heure est maintenant à la mise en pratique, dans des situations du quotidien. “Nous travaillons sur sa fiabilisation dans le temps (remise à niveau régulière des chiens par exemple) et sur la simplification du processus pour qu’il soit acceptable et efficace”, déclare le ministère de la Santé en relation avec d’autres équipes de recherche françaises qui planchent sur la question.
“Cela demande un peu d’adaptation”
Pour être vraiment efficaces, les canidés doivent être formés au contact des foules. Renifler des humains plutôt que des compresses est plus périlleux: “Les chiens observent nos comportements. Pour obtenir une récompense, ils peuvent parfois agir en fonction de nos attitudes plutôt que des odeurs”, tempère la chercheuse Isabelle Fromantin du programme Kdog, visant à dépister le cancer de cette manière. D’où la nécessité d’effectuer un dépistage classique en complément, une fois les potentiels porteurs de virus identifiés dans les files d’attente.
“Travailler directement sur une personne, cela demande un peu d’adaptation mais c’est possible, sans doute avant cet été. Nous espérons que le ministère fournira des moyens humains et des protocoles de recherche simplifiés pour avancer au plus vite” déclare le Pr Grandjean, qui prépare déjà de nouveaux protocoles: “Les chiens pourraient renifler les masques de voyageurs ou de sportifs avant une grande compétition, dans un premier temps”. Un test est notamment prévu dans les prochaines semaines avec le club de rugby de l’Union Bordeaux-Bègles.
Le vétérinaire vise également une réduction drastique des temps de formation des chiens. De 6 semaines actuellement, cette période pourrait tomber à 2-3 jours, estime le vétérinaire, grâce à l’élaboration d’un “leurre”, un objet contenant uniquement l’odeur dégagée par le Covid-19 dans la sueur, sur lequel les chiens pourraient apprendre directement, au lieu d’apprendre sur des volontaires.
41 pays utilisent déjà des chiens renifleurs
Parmi les premiers au monde à avoir pensé aux chiens, Dominique Grandjean s’est battu pour faire reconnaître son intuition. La France a plusieurs fois manifesté son intérêt pour ces travaux, mais avait jusqu’à présent préféré obtenir des données précises sur l’efficacité des chiens avant de les utiliser - en accord avec les recommandations de l’Académie de médecine et de l’Académie vétérinaire de France.
Alors en parallèle, le Pr Grandjean a formé d’autres pays intéressés par son expertise et qui voulaient aller vite: “On pilote 41 pays qui bénéficient de nos conseils. Des chiens sont utilisés dans les files d’attente libanaises, émiraties, argentines, chiliennes, espagnoles… mais pas en France”, regrette le vétérinaire. Autant de preuves, selon, lui que son protocole marche en pratique.
Contactée par Le HuffPost, la Haute autorité de santé a indiqué qu’elle n’était pour l’instant pas en mesure de se prononcer sur les conditions de mise en œuvre d’un tel dispositif et sur son utilité dans la stratégie sanitaire.
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