18 mai 2021

Sciences Po : nivellement par le bas

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Des élèves de terminale recalés ne comprennent pas les nouveaux critères d’admission de Sciences Po, qu’ils jugent opaques. Certains soupçonnent même l’institut de ne pas avoir lu leur dossier.

C’est une histoire largement relayée sur les réseaux sociaux cette semaine. Un candidat à Sciences Po aurait été admissible à l’oral sans même avoir rempli correctement son dossier sur Parcoursup. «J’ai discuté avec un élève hier qui m’a expliqué n’avoir rempli aucun des trois écrits personnels demandés», rapporte furieux Vincent, élève en terminale et non admissible. Une injustice aussi pour Thibault qui lui, «a mis ses tripes» dans la rédaction de ses essais.

Plus de 15.000 candidatures en 2021

À l’annonce des résultats d’admissibilité à Sciences Po Paris, l’incompréhension règne chez les candidats qui malgré un excellent dossier ont été recalés. L’institut ayant supprimé cette année son concours d’entrée et intégré Parcoursup, la procédure d’admission repose désormais sur quatre évaluations, chacune notées sur 20: les résultats obtenus au bac, la performance académique du candidat, les écrits personnels à joindre au dossier et enfin, l’oral. Et si Sciences Po assure que 800 examinateurs ont scruté avec soin les 15 284 dossiers validés (en augmentation de 103% par rapport à 2020), nombreux reprochent l’opacité de la sélection.

Tout d’abord, un candidat peut-il être déclaré admissible sans avoir rempli son dossier? Pour Sciences Po ce n’est pas impossible. «Dans certains cas très exceptionnels, un dossier qui ne réunirait pas toutes les pièces demandées peut être retenu par le jury pour passer l’oral, au regard de son excellente qualité générale», explique l’institution.

«Une grosse surprise»

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À l’inverse, beaucoup de jeunes ne comprennent pas pourquoi ils ont été refoulés malgré un dossier solide. Excellent niveau scolaire, engagement associatif, Diane* cochait toutes les cases. Première de sa classe depuis la seconde, elle excelle dans toutes les matières. Cette jeune fille de 17 ans a donné des cours de français à des migrants tout en étant bénévole à l’Unicef. Pourtant, ce mardi, les espoirs de Diane ont été douchés. «Une grosse surprise pour moi», avoue la jeune fille.

Ceux qui en plus, ont investi dans une prépa privée sont amers. «Mes parents m’ont payé une prépa depuis la première qui affichait l’année dernière un taux de réussite de 39% d’admis. Cette année, il n’y a que 5 élèves admissibles sur 35», explique Baptiste*. Élève dans un lycée privé catholique du Val-de-Marne, il avait 16,5/20 de moyenne générale depuis le début de l’année, et de très bonnes notes les années précédentes. Il pensait «être au moins admissible».

Sciences Po submergé par le nombre de candidats?

Sciences Po a-t-il été submergé par le nombre de candidatures? Pour l’institut, cela n’a pas été le cas. «On s’attendait à cet afflux de candidatures. L’idée de la réforme des admissions était justement d’élargir le vivier afin de diversifier les profils», répond l’institution.

«J’ai le sentiment que cette année, les évaluateurs se sont concentrés sur les notes, ce qui n’est pas dans les gènes de Sciences Po»Vincent, élève de terminale

Certains candidats estiment aussi que les essais personnels n’ont pas été pris en compte. «J’ai le sentiment que cette année, les évaluateurs se sont concentrés sur les notes des candidats, ce qui n’est pas dans les gènes de Sciences Po», regrette Vincent, élève recalé lui aussi. «D’habitude, l’institution privilégie la personnalité du candidat. J’estimais avoir mes chances». Lilou renchérit: «Certes ils ont choisi de bons élèves, mais pas forcément ceux qui visaient Sciences Po en particulier.» Et ironise: «Payer 150 euros de frais de candidature pour se faire corriger à la manière d’un algorithme, ça fait un peu beaucoup je trouve». Là aussi, Sciences Po se défend: «Les candidatures ont été étudiées minutieusement. Le service d’admission est formel: chacun des dossiers a bénéficié d’une double examination».Pour Valérie, enseignante en histoire-géo au lycée qui a été mobilisée pour l’évaluation des candidatures, c’est un faux procès. «J’ai passé cinq jours sur vingt dossiers. Pour ma part, les dossiers ont plus compté que les notes». Et d’ajouter: «Il ne suffit pas d’avoir 16 de moyenne, aujourd’hui ils ont tous 16 de moyenne au minimum!».

L’autre reproche, récurrent, est que l’école boycotterait les lycées privés. «Sciences Po Paris ne semble plus intéressé par les candidatures des élèves de Stanislas du fait de leur nouvelle politique de sélection», lâche la direction de l’établissement parisien. Même constat pour Bruno Nardeux, professeur d’histoire-géographie à Fanklin (Paris XVIème) depuis trente ans, qui encadre les candidats de l’école qui souhaitent entrer à Sciences Po: «Il y a dix ans, nous avions une vingtaine d’admissibles et 12 admis. L’an dernier, nous sommes passés à une dizaine d’admissibles pour 5 admis. Cette année, avec la réforme, c’est encore pire, sur 22 candidats seuls trois ont été admissibles». Mais les très bons lycées publics sont également concernés comme l’indiquent nos témoignages de Jean-Baptiste Say (Paris XVI ème) et Victor Duruy (Paris VII ème). Un autre professeur, membre du jury cette année, a une explication:«On m’a demandé d’évaluer toutes les candidatures du même lycée, Henri IV en l’occurrence, en nous demandant de les distinguer dans notre notation. Du coup, l’élève qui est moyen dans un excellent lycée n’a aucune chance».

L’école veut accueillir 30 % de boursiers en 2021

La politique de discrimination positive mise en place par l’école a t-elle contribué à l’éviction de certains brillants bacheliers issus des grands lycées? L’école a noué depuis 2001 des partenariats avec des lycées via les CEP (conventions d’éducation prioritaire). Cette année, ces lycéens sont passés par Parcoursup comme les autres mais «sont suivis de manière spécifique», Ainsi, «10 % des places leur sont réservées cette année et 15 % le seront en 2023», déclare l’école. L’établissement souhaite pour la rentrée 2021 atteindre les 30 % de boursiers (contre 26 % actuellement). «La moitié au moins d’entre eux seront issus des lycées liés à Sciences Po par des Conventions Éducation Prioritaire (CEP), dont le nombre sera doublé afin de mieux couvrir les zones périurbaines, les régions rurales et les territoires d’Outre-Mer. Notre population étudiante présentera ainsi un reflet plus fidèle de la diversité de la société française», peut-on lire sur le site de Sciences Po.

* Ces prénoms ont été modifiés, par souci d’anonymat

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