Une nation qui s’effondre littéralement pourrait certainement vouloir reconstruire mieux, mais elle pourrait aussi envisager de reconstruire différemment, en accord avec les signaux que la réalité envoie à l’humanité ces jours-ci. Par exemple, les signaux indiquant que l’ancien paradigme industriel touche à sa fin et que les meubles et accessoires qu’il contient ne sont peut-être pas ceux dont l’humanité a réellement besoin à l’avenir.
Hélas, la psychologie de l’investissement antérieur tend à dicter aux sociétés d’enfoncer leur capital – si elles en ont encore – dans un trou à rat dans la tentative vaine et désespérée de maintenir les vieux rackets en place, et c’est l’essence même du projet de loi de M. Biden sur les infrastructures, une confiserie colossale de l’intervention excessive du gouvernement avec ses fines couches de gâteau, son glaçage de « justice sociale » trop épais et sa cerise géante sur le dessus qui consiste à puiser dans un « capital » qui n’existe pas.
Le principal racket est l’effort continu pour remplacer une économie transactionnelle d’entreprise individuelle par un État gestionnaire qui tente d’allouer toutes les ressources et de diriger les marchés. Nous avons déjà vu ce film. Il ouvre la voie directe à la tyrannie totalitaire, et cela est déjà visible de manière écœurante dans les activités de pré-production du nouveau film, avec les médias sociaux qui aident le gouvernement à mettre en place un contrôle total de la vie de ses citoyens – copiant en fait les techniques déjà en vigueur en Chine. (Et l’on peut se demander si nous faisons cela de notre propre chef ou à l’instigation de la Chine, compte tenu de tout l’argent que la Chine a prodigué à la famille Biden ces dernières années).
Certaines parties du projet de loi sont tout simplement tragiques, comme l’effort visant à soutenir l’automobile de masse en remplaçant les vieilles voitures à essence qui ont régné sur le pays pendant un siècle par des voitures électriques. C’est un fantasme séduisant, bien sûr… mais l’idée de la voiture électrique ne se concrétisera pas, pas à l’échelle envisagée, à moins que le gouvernement n’envisage d’acheter les voitures électriques et de les distribuer à tout le monde, ce qui est plutôt exagéré.
Tout d’abord, le racket de l’automobile de masse s’effondre davantage sur son modèle financier que sur le fait que les voitures fonctionnent à l’essence ou à l’électricité. Les Américains sont habitués à acheter des voitures avec des prêts à tempérament et, avec la disparition de la classe moyenne, il y a de moins en moins d’emprunteurs solvables pour ces prêts (pour des voitures toujours plus chères). Bientôt, alors que les marchés de la dette gémissent et vacillent sous le poids de nouvelles dettes massives, il y aura encore moins de capital (« argent ») halluciné à prêter à ce groupe d’emprunteurs de plus en plus réduit.
Deuxièmement, le réseau électrique américain décrépit ne peut pas répondre aux besoins de recharge d’un parc automobile électrique aussi gigantesque (et la réparation du réseau à elle seule représenterait un projet de 1000 milliards de dollars). Troisièmement, la fabrication des voitures électriques dépend de ressources minérales rares qui ne sont pas facilement disponibles aux États-Unis, mais contrôlées par des nations étrangères. Quatrièmement, la fabrication des voitures dépend totalement de lignes d’approvisionnement internationales très éloignées pour les pièces et l’électronique, à une époque où l’économie mondiale intégrée craque sous la pression d’une concurrence désespérée pour des ressources qui s’amenuisent et de la mauvaise volonté qu’elle génère. Le projet de voiture électrique présente encore d’autres failles, mais celles-ci sont suffisantes.
Bien sûr, toute cette initiative est au service de la préservation d’un ensemble de modes de vie en voie d’obsolescence, à savoir les banlieues. L’investissement précédent, représenté par tous les lotissements, les bandes d’autoroutes commerciales, les centres commerciaux, les parcs de bureaux et les autoroutes, a été le moteur de l’économie américaine depuis la Seconde Guerre mondiale. Il est compréhensible que nous cherchions désespérément à maintenir tout cela en état de marche et à réparer les pièces qui s’écroulent, car c’est là que nous avons placé la majeure partie de notre richesse nationale. C’est tout le rêve américain en un seul paquet. Et cela semblait être une bonne idée à l’époque, dans un pays aussi grand, avec autant de terres bon marché et tout ce pétrole. Mais aujourd’hui, les choses ont changé et la réalité nous envoie des signaux clairs indiquant que nous devons vivre différemment. L’effort pour s’opposer à la réalité risque d’être ruineux pour nous.
Un sentiment de triomphe a accompagné le lancement du projet de loi sur les infrastructures « Build Back Better », du moins du côté des Démocrates, surtout avec tous les œufs de Pâques en chocolat pour la « justice sociale » logés dans le panier de 1 900 milliards de dollars. J’imagine que cela marquera le point culminant de l’esprit du régime Biden. Le temps que le Congrès passe tout en revue, les marchés financiers enverront des signaux de détresse fleuris d’une instabilité croissante et, avec la fin des fermetures du fait de la Covid-19 (ou même si elles reprennent), le temps chaud fera descendre dans la rue les gens en colère pour une chose ou une autre, et un certain nombre d’affaires juridiques en cours – le verdict de Derek Chauvin, l’enquête Durham, l’affaire Hunter Biden au DOJ, et peut-être le nouveau mélodrame de Matt Gaetz en plein essor et plutôt sinistre – remueront la marmite dans laquelle le zeitgeist américain est en train de brasser, avec des panaches de chaos flottant sur le pays. D’ici l’automne, « Build Back Better » pourrait se transformer en une question sinistre : « Build Back anything » ?
James Howard Kunstler
Traduit par Hervé pour le Saker Francophone
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