29 avril 2021

Crépuscule hollywoodien

 

Nous collectons quelques divers faits (plutôt que “faits divers”) pour développer la thèse de l’agonie de l’anglosaxonisme ou “Anglosphère” du fait du courant de déstructuration qui balaie le bloc-BAO, bien entendu les USA en premier. Ces faits, dont certains du type d’un puissant symbolisme, affectent essentiellement les domaines culturels et associés au sens le plus large, y compris le domaine de la culture scientifique, et bien entendu sur fond de wokenisme et “cancel culture”. Il s’agit de dégager une formidable dynamique dont les caractéristiques sont à la fois la puissance et la vitesse, du fait que le processus se déroule au moyen du système de la communication dont on connaît justement la puissance et la vitesse qui en font aujourd’hui la principale force métapolitique et métahistorique.

On a vu hier l’extraordinaire déclin d’intérêt pour la cérémonie des Oscars, du point de vue de l’ennui caractérisant cette cérémonie et le monde d’Hollywood totalement enrégimenté dans la stricte observance de la religion wokeniste. C’est en effet de ce point de vue quasi-religieux que nous observons ce phénomène, en rappelant la place absolument fondamentale que tiennent Hollywood et l’industrie du cinématographe depuis les années 1920 dans la diffusion de la propagande et du simulacres américanistes (anglosaxonisés).

Cette puissance d’Hollywood (aujourd’hui rejointe et renforcée par l’industrie du Big Tech (Silicon Valley) pour la diffusion, était à son zénith à la fin du XXème siècle. Nous écrivions ceci le 25 novembre 1999, renforcé par une reprise le 10 mars 2016 dans un Glossaire.dde sur « l’“empire de la communication” », en ayant évidemment à l’esprit cette position centrale de Hollywood dans ce domine de la communication :

« Nous observions que l’industrie de l’‘entertainment’ était devenue la première des industrie américaines, en entendant ‘entertainment’ dans l’expression employée (“industrie du spectacle”) dans l’esprit des travaux de Guy Debord. Nous appuyions ce jugement sur un propos d’octobre 1996 de William Pfaff citant lui-même John K. Galbraith, à la même époque : “John Kenneth Galbraith [...] fait une observation frappante et préoccupante sur l'économie américaine. Il y a 75 ans, elle reposait sur l’agriculture, il y a 50 ans sur l’industrie manufacturière, aujourd'hui elle repose sur “l’industrie du spectacle” [‘entertainment’]. L’agriculture et l’industrie sont liées à la réalité fondamentale de l’activité humaine. L’industrie du spectacle implique l’évasion de la réalité. On en apprend beaucoup sur les États-Unis aujourd’hui si l’on admet que nous fonctionnons désormais, au niveau national, moins en réaction à la réalité qu’en réaction aux images de la réalité fabriquées par l’industrie américaine du spectacle, principale force de l’économie américaine.” »

Or, ce qu’a montré la cérémonie des Oscars, c’est l’extraordinaire rupture qui a frappé Hollywood, sous la forme d’une censure excluant absolument une partie des esprits (les conservateurs). Jamais une telle purge absolument structurelle n’a affecté Hollywood, même aux temps de “la chasse aux Sorcières” (communistes) et du McCarthysme qui n’affecta en aucune façon la structure de Hollywood.

• Nous allons abondamment citer une interview de la productrice et metteuse en scène, et auteure, Amanda Milius (d’une famille prolixe du genre), sur Breitbart.News le 26 avril. Elle est interviewé Par Alex Marlow, également auteur et spécialiste de la communication US comme moyen d’influence et de corruption.

Tous deux analysent et commentent l’extraordinaire évolution d’Hollywood et de tous ses canaux de production. Ils mettent en évidence comment Hollywood, en prenant « une décision commerciale totalement idéologisée » qui le coupe d’au moins la moitié de l’Amérique, alors que le thème général transpire d’un incommensurable ennui exprimé dans une hystérie constante, ouvre une voie royale aux réalisateurs qui entendent choisir d’aller au-devant des autres, du large public où l’on trouve les conservateurs en général, les trumpistes, les populistes, les Deplorables divers et sans doute, de plus en plus, divers wokenistes désenchantés...
 

« “Ce qu’a toujours été et ce qu’est Hollywood, c’est un groupe de personnes qui recherchent la crédibilité apparente et l’influence plus que tout”, fait remarquerMilius. “Personne ne dira que le roi est nu. Personne ne reconnaîtra publiquement [ce qui est pourtant une évidence] : “Ce truc que nous avons choisi, – changer la culture américaine dans le sens du marxisme culturel, – a fait boule de neige et est devenue incontrôlable”. [...]
» “Ils ne sont plus du tout pertinents sur le plan culturel, comme cette étrange cérémonie-Covid d’hier soir [les Oscars]. C’est une autre partie du problème qui se pose à eux. Ce n’était pas seulement le travail habituel. Ils ont également dû faire cette folle performance hypocondriaque pendant qu'ils attribuaient [leur Oscars-wokenistes],  ce qui était encore plus bizarre... C’était tellement bizarre, totalement déconnecté.” [...]
»  [Marlow] observe alors : “Ils se débattent avec ce truc où ils veulent être ces lanceurs de tendances culturelles avec le wokenisme. Mais ils ont perdu une grande partie de leur public. ... Comment vont-ils être aussi influents culturellement s’il n’y a pas de culture partagée ? Et il n’y a plus vraiment de culture commune, à cause d’Hollywood. Hollywood était ce qui se rapprochait le plus d’une culture commune, à l’exception du sport, – lequel est d’ailleurs en plein travail pour essayer de se détruire lui-même avec le wokenisme.”
» Milius a décrit l’abandon par Hollywood du public conservateur comme une opportunité pour les cinéastes.
» “La porte est grande ouverte, car Hollywood a abandonné tous les types de films qui pourraient plaire aux gens de tous les spectres [aux] Etats-Unis”, a-t-elle déclaré. “Mes amis et moi, nous nous disons que nous avons vraiment un grand avenir devant nous. C’est vraiment une chose étonnante, parce que je veux faire des films pour l’autre moitié du public américain, celle que Hollywood abandonne... Fondamentalement, ils prennent une décision commerciale totalement idéologisée.”
» La baisse des coûts de production des films par rapport aux décennies précédentes affaiblit encore l’emprise d’Hollywood sur la production cinématographique et télévisuelle, a noté Milius.
» Elle poursuit : “Ce qu’ils font, c’est laisser un énorme tas d’argent et de sujets à traiter sur la table pour que quelqu’un en profite. [Cela est rendu possible par] les changements technologiques et les choses qui se passent depuis ... plusieurs années. Vous n’avez plus besoin de faire des films à Hollywood, désormais. Il n’y a plus besoin d’y être, et il n’y a plus besoin de leur système d’autorisation idéologique, parce que je n’ai pas besoin de leur argent. Il n’y a plus de contrôle sur les films de cette façon.” »
 

• Nous allons compléter ce qui précède par quelques autres remarques de Milius, et d’autres d’une ancienne actrice, l’héroïque Rose McGowan, qui fut une des premières à lancer le mouvement #MeToo et à dénoncer Weinstein. Elle était alors évidemment démocrate et progressiste, soutenue par les lobbies féministes et autres, et en butte aux attaques des tenants de l’ordre hollywoodien établi du cuissage et autres gâteries ; elle a depuis complètement changé de bord devant l’hypocrisie qui a investi le wokenisme aussitôt qu’il s’est constitué en force politique, notamment lorsqu’elle a dénoncé Biden et ses agressions sexuelles dont les wokenistes (les démocrates) ne veulent pas entendre parler.

Les deux, Milius et McGowan, parlent du climat qui règne chez les démocrates, qui fait comprendre combien cette déchirure culturelle est complètement irréversible.

Milius : « Ce que font les gauchistes quand ils ont tort et qu’ils ne peuvent pas l’admettre, – et que leur erreur se heurte à la réalité empirique de la situation, – c’est qu’ils deviennent plus autoritaires”, a-t-elle remarqué. “Ainsi, lorsque le wokenisme ne l’emporte pas... [et lorsque] les gens n’ont pas adopté les modifications verbales comme ils l’ont proclamé et exigé, ils sont devenus plus autoritaires. Ils ont commencé à ‘annuler’ [“to cancel” : ostraciser] les gens s’ils disaient la mauvaise chose. Ils ont commencé à punir les gens qui ne suivaient pas leur programme culturellement marxiste.”
» Elle conclut : « Ce qui est effrayant, c’est qu’à chaque fois que la réalité les dément, ils essaient de faire entrer la réalité dans leur perspective au lieu d’ajuster leur point de vue.” »

McGowan, est passée lundi également à FoxNews (songeant aux critiques que ce passage sur cette chaîne réputée conservatrice allait lui attirer, – ce qui fut le cas). Elle parle des démocrates, sans d’ailleurs cacher que la situation chez les républicains est assez similaire ; mais c’est bien des démocrates que nous parlons ici, parce qu’en lançant le wokenisme, ils ont à la fois lancé un brulot qui va consumer l’Anglosphère (et les USA), et à la fois ils se sont complètement aliéné à un mouvement irréversiblement exigeant d’un radicalisme constant et constamment en exacerbation jusqu’à la démence...

McGowan, qui s’y connaît en cette matière parce qu’elle fut élevée au sein d’une secte à laquelle adhéraient ses parents, parle justement d’une secte qui sacrifie à un culte lorsqu’elle parle des démocrates, – qu’elle connaît également de ce point de vue, par sa position extrêmement médiatisée dans un mouvement (#MeToo, féminisme) complètement vampirisé par les démocrates et le milieu idéologisé de Hollywood :
« La gauche peut nuire aux gens tout autant que la droite si elle va très, très loin et ignore certains aspects de la réalité en quelque sorte. Vous servez un maître qui ne vous sert peut-être pas. Je dis que je viens en paix. Je ne suis pas ici pour que les gens se sentent mal à propos de leurs choix politiques. Je suis ici pour dire que vous pouvez vous retrouver dans une secte si vous ne prêtez pas attention [à l’évolution de la chose]. Je crois que les démocrates, en particulier, ont été engloutis dans une secte de fer [qui les emprisonne], et ils n’en sont pas conscients. »

• Le troisième point sera plus court et mesurera absolument, une fois de plus, la folie du wokenisme qui ne faioblit pas. Il s’agit d’une attaque “décolonialiste” et “antiraciste” ou bien “racisée” on ne sait plus, contre Isaac Newton. S’il ne s’agit plus du domaine américaniste proprement dit, il s’agit du domaine anglosaxon dont les USA font partie. Plus encore, les USA ont à cet égard un coup d’avance sur l’université de Sheffield où l’attaque a eu lieu, puisque dans nombre d’établissements d’enseignement américanistes, on ne dit plus “les lois de Newton” mais les “trois lois fondamentales de la physique”. Un élève de la Fieldston School à New York, a expliqué à la journaliste Bari Weiss : « Ils disent que nous ne devons plus mettre les Blancs au centre de nos études et que nous devons reconnaître qu’il n’y a pas que Newton en physique ».

Quelques mots de Norman Lewis, sur RT.com le 27 avril :


« Une université britannique qui efface les réalisations de l’un des plus grands scientifiques de l’histoire du monde parce qu’il aurait profité d’une “activité de l'ère coloniale”, c’est une folie qui détruit l’esprit humain qui se trouve derrière la démarche de la découverte scientifique.
» La copie divulguée du document “projet de développement d'un programme d’études inclusif” exposant les plans de “décolonisation” du programme d’études d’ingénierie de l’université de Sheffield, et avertissant que Sir Isaac Newton pourrait avoir bénéficié d'une “activité de l’ère coloniale”, serait hilarante si ses conséquences n'étaient pas aussi graves.
» Ce développement fait partie de la tentative de l’université de “décoloniser” son programme d'études et de s’attaquer aux “préjugés conscients et inconscients de longue date” parmi les étudiants afin de s'assurer que leurs diplômés en ingénierie ne sont plus imprégnés d'approches “eurocentriques” et de “sauveurs blancs” des sciences et des mathématiques. Elle souhaite au contraire promouvoir une “conception inclusive”.
» ...Il est clair qu'il s'agit d'une tentative de " wokenisation " de la prochaine génération d'étudiants. Comme le souligne l'éminent sociologue, le professeur émérite Frank Furedi, cela n'a rien à voir avec la science ou l'enseignement de la science : “Son seul objectif est d'éloigner les étudiants en ingénierie du passé de leur nation et de leur faire sentir qu’il y a quelque chose de moralement mauvais dans l'héritage intellectuel et scientifique de leur discipline. Son objectif est de collectiviser le jugement des étudiants vers un mépris de leurs origines et un sentiment de culpabilité.” »


Il faut noter qu’apparaissent des signes de la volonté de certains États des USA de lutter, jusqu’à l’interdit, contre l’enseignement du “marxisme-culturel” et la CRT (“Critical Race Theory”) qui sont les “feuilles de route” du wokenisme. Une loi vient d’être votée par le Congrès de l’Idaho et six autres États devraient suivre : Arkansas, Oklahoma, Iowa, Missouri, Texas et Virginia Occidentale.

• Une situation d’emprisonnement du parti démocrate est évoquée par un des plus proches stratèges de Bill Clinton durant sa présidence, James Carvil, qui n’a pas sa langue dans sa poche et ne pratique pas vraiment la langue de bois. Carvil explique sans ambages que « le wokenisme est un très sérieux problème pour le parti démocrate ». Cette remarque inclut le constat que le wokenisme est hors de contrôle alors que les démocrates ne peuvent critiquer ce mouvement ou prendre ses distances d’avec lui, tenus par leur engagement et une partie de leur électorat.

Joseph de Maistre observerait avec flegme sa propre variation sur “la révolution [qui] dévore ses enfants”, c’est-à-dire que « Les scélérats mêmes qui paraissent conduire la révolution, n’y entrent que comme de simples instruments ; et dès qu’ils ont la prétention de la dominer, ils tombent ignoblement. »

Suprémacisme anglosaxon menacé

...Et pourtant, nous dirions que la situation est encore plus grave, pour la stabilité générale du système (le Système) en place, qu’elle ne l’était en 1793 ou en 1794, puisque c’est de celle de 1789 que parle Maistre. L’enjeu est beaucoup plus élevé et puissant, et, dans un Système hyper-centralisé dans le chef de ses relais de puissance, ce sont bien ces relais qui sont attaquées.

On remarquera que les références citées ou mentionnées sont inhabituelles pour une crise de l’ampleur qu’on décrit. C’est que nous sommes de plus en plus assurés dans notre jugement que la bataille se fait aux niveaux culturel, sociétaux, psychologiques et ainsi de suite. Même la crise sanitaire du Covid est soumise à de telles tensions antagonistes, comme on le voit avec la bataille autour du vaccin russe Spoutnik-V. Les facteurs économiques, géopolitiques et autres domaines “durs” de la vie publique et des relations internationales, le plus souvent en crise comme il se doit, ne sont pourtant plus essentiels dans l’évaluation de la Grande Crise, sinon par leurs effets le plus souvent indirects. La “guerre” elle-même, selon nous, a changé de nature, se réduisant à des menaces ou des agitations diverses qui ont effectivement des effets psychologiques et culturels (voir le 24 mars et le 25 avril).

Nous sommes persuadés que l’évolution de Hollywood vers une sorte de semi-suicide, tel que la décrit Milius, est d’une extrême importance et va très vite faire sentir ses effets du point de vue de la capacité d’influence, s’il ne les fait déjà sentir. Il s’agit de la mise en cause de la domination de l’anglosaxonisme, ou “Anglosphère”, à partir d’un appareil d’influence absolument sans équivalent.

Effectivement, si Hollywood perd sa cohérence interne, si le “message” qu’il répand n’a plus de rapport avec la présentation unificatrice et évidemment suprémaciste (“blanche”, cela va de soi, mais nous préférions “anglosaxon”) de l’américanisme qu’il avait jusqu’à ces dernières années mais devient un reflet d’images et de perceptions antiaméricanistes, – quoi qu’on en veuille et quoi qu’il en soit puisqu’il est essentiellement l’objet d’une perception... Alors, il s’agit d’un bouleversement fondamental par rapport aux influences qui s’échangent à un rythme et une vitesse considérables dans ce temps de puissance du système de la communication ; plus encore, bien entendu, si un cinéma d’orientation différente se développe sur une grande échelle aux USA.

Il s’agit à la fois d’une perversion et d’un éclatement de l'arme de la communication présentant l’américanisme comme la voie sacrée de la modernité (quoi qu’il en soit de la vérité-de-situation, bien entendu). Une arme absolue sur la voie de perdre sa domination absolue.

Vu ici

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