22 février 2021

Le F-16, ou l'amour fou

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Voici le titre : « Le plan de l’USAF pour le remplacement du F-16 prend forme » (« The U.S. Air Force’s F-16 Replacement Plan Is Taking Shape ») ... Alors, vous comprenez, j’en ai le souffle coupé ! Parce que le remplacement du F-16, c’est une affaire réglée (‘a done deal’) depuis 1993 ! Et, peu à peu, en lisant le texte, je me suis dit avec angoisse que j’étais à court de raillerie, que je ne saurais commenter cette chose avec toute l’ardeur qu’elle mérite...

C’est-à-dire qu’il faut lire ce texte, n’est-ce pas, en n’oubliant tout de même pas que :

• le Pentagone lança en 1993 le programme Joint Strike Fighter (JSF, vous voyez ?) ;
• destiné à remplacer, au coût unitaire de 25-40 $millions selon la version, tous les avions de combat, – vous entendez, sonovobitches : ‘tous’ ! (F-15, F-16, F-18, AV-8A, A-10) – de l’USAF, de la Navy, du Marine Corps, pour le XXIe siècle au moins jusqu’en 2075, et idem pour les amis et les copains d’à-bord de l’OTAN et d’alentour, au grand galop, aussi pour les ‘bridés’ de la Corée du Sud au Japon, éventuellement les Russes de Eltsine avant que Poutine ne vienne, et puis deux ou trois clients extraterrestres (tiens, les Martiens, c’est d’actualité et vous comprenez alors ce que ‘Perseverance’ est allé faire sur la “planète rouge” comme on dit) ;
• comme ce site distingué (dedefensa.org) l’écrivait dans le premier texte sur les 756 référencés à la rubrique ‘JSF’, celui du 10 juin 2000, lorsqu’il semblait encore raisonnable d’abandonner ce programme qui s’annonçait comme catastrophique : « Le programme JSF existe certes mais il est également virtuel dans le sens où l’on a tenu pour acquises dès l’origine des données massives qui ont fait toute sa puissance quasiment fabuleuse (un programme qui atteindrait en finale $750-$1.000 milliards, qui imposerait un avion pour 50-75 ans, qui compterait 3.000 avions pour les forces armées américaines, 3.000 pour l’exportation, une trentaine de pays importateurs du JSF, quasiment déjà désignés, un peu comme on vous choisit arbitrairement pour avoir la chance de participer à une grande aventure qui vous dépasse). »
• et tout cela ferait le bonheur exemplaire de l’aviation de combat tout au long du XXIe siècle, et puis, pour clore le tout, – « Let’s Twist Again » comme dit le ‘lapin fou’ d’Alice !
• entretemps, et pour faire très-diablement sérieux comme il le méritait, le JSF fut baptisé F-35 ‘Lightning II’ ;
• ... C’est vous dire, – requiem in pace – que les funérailles du F-16 étaient prévus pour quatre-cinq années entre 2008 et 2013, et qu’on ne pleurerait pas cette relique du passé.

En attendant que ma bile s’étanche et s’épanche, on lit l’article de Caleb Larson, de RealClear Defense, relayant d’ailleurs ce jour un article de Breaking Defense (du 17 février 2021 d’ailleurs, – On n’me dit rien, on me cache tout !)

« Dans des commentaires donnés aux journalistes spécialisés du Defense Writers Group, le chef d’état-major de l’USAF, le Général Charles Q. Brown, a expliqué que l’USAF aimerait un nouveau chasseur ‘à partir de rien’ [NDlR : le moins cher possible en R&D et vite-fait] pour remplacer le F-16. Cela semblerait être un avion ayant des capacités ‘quelque part’ entre le F-16 et le F-35. “Je vous dirais aussi que je ne pense pas que tout le monde sera parfaitement d’accord avec ce que je dis”, a expliqué le Général Brown. “Mais j’énonce là une idée de départ, pour lancer un dialogue, une conversation”.
» Brown a précisé que le modèle serait provisoirement classé dans la catégorie des chasseurs de la génération “4 plus” [au moins ‘quatre et demie’] ou la génération “5 moins” [un peu plus que ‘quatre et demie’ quoique ‘moins que cinq’ ? ‘quatre trois-quarts’ par exemple ?], a indiqué Breaking Defense.
» Cette annonce fait suite à la récente acquisition par l'armée de l'air du nouveau F-15EX, la variante la plus avancée du F-15 à ce jour, pour remplacer les anciens F-15C de l’Air National Guard. Bien que la plate-forme F-15EX ne devrait pas survivre sur les champs de bataille modernes dans un espace aérien très conflictuel, cette plate-forme pourrait exceller dans les conflits sans menace sérieuse de défense aérienne, ou comme avion de défense aérienne de l’espace national.
» Au lieu de se contenter d’acheter des chasseurs F-16 plus récents et un peu plus performants, Brown a expliqué qu’il voulait que l’USAF puisse “développer quelque chose de nouveau et de différent. Ce n’est pas le F 16, – mais un nouvel avion avec les capacités du F-16 plus rapidement disponibles et utilisant une part de nos nouvelles capacités numériques”. Plus précisément, il serait important que le remplaçant du F-16 puisse réceptionner et mettre en place des mises à jour logicielles pendant qu’il est en vol afin de pouvoir offrir de plus grandes capacités, littéralement en plein combat.
» Bien que l’USAF se prépare dévoiler éventuellement un nouvel avion de combat de la 6e génération, elle a toujours besoin d'appareils capables d’exceller dans les combats à basse altitude, en partie pour préserver les heures de vol des chasseurs furtifs plus avancés comme le F-22 Raptor ou le F-35.
» L’âge moyen des chasseurs actuels en service dans l’USAF est de 28 ans, un âge avancé qui “augure mal d’une concurrence avec leurs adversaires”, a souligné le général Brown, d’où la nécessité d’un nouveau chasseur : “pour faire baisser la moyenne d’âge, pour avoir quelque chose de pertinent non seulement aujourd’hui, mais aussi largement dans le futur”.
» Au-delà des questions d’âge, le général Brown a également reconnu que le fait de s’appuyer sur le chasseur furtif F-35 a entraîné une usure excessive du moteur de la plate-forme. Bien que l’amélioration des programmes de maintenance puisse être une solution pour prolonger la durée de vie du moteur du F-35, une autre option pourrait simplement être de faire voler le F-35 moins souvent. “Je veux modérer l’utilisation de ces avions [F-35],” a expliqué le général Brown. “Vous ne conduisez pas votre Ferrari tous les jours pour aller au travail, vous ne la conduisez que le dimanche. C’est notre ‘haut de gamme’, nous voulons nous assurer de ne pas tout utiliser pour les combats bas de gamme... Nous ne voulons pas épuiser nos capacités maintenant alors que nous en aurons besoin demain”. »

D’abord, je vous dirais que l’USAF me semble un tantinet raciste ! Elle a entendu d’avoir deux ‘premières’ Africaines-Américaines pour vendre cette incroyable salade à pleurer de rire avant de mourir de honte du remplacement du F-16 par un pseudo-F-16 situé entre ‘encore un peu’ et ‘pas tout à fait plus du tout’ : le secrétaire à la défense Austin et le chef d’état-major de l’USAF Brown sont tous deux les premiers Africains-Américains, – mais oui, mais oui, – respectivement à ces postes. C’est un coup du ‘privilège blanc’, ça, et il en a fallu au général Brown pour prendre en charge ce fardeau, pour qu’il nous annonce cette incroyable bigarrure macédoine-bouillabaisse, en tentant de nous la faire prendre pour un délicieux caviar à-la-mode-de-Poutine, – c’est-à-dire capable de balayer toutes les prétentions aux armes technologiques des Russes.

Cela fait maintenant bien plus de dix ans que l’USAF hésite à ne pas dire qu’il faudrait peut-être des nouveaux zincs parce que les vieux vieillissent chaque année, les F-16 en tête, pendant que l’on fait parallèlement en sorte que les Ferrari modèle Monaco-F35 veuillent bien juste démarrer de trimestre en trimestre pour nous faire ‘pouêt-pouêt’ et puis ‘vroum-vroum’, avant de retourner sous hangar et sous cellophane ; et que ces nouveaux zincs ne pourraient être que de l’ancien (F-15 et F-16) retapé, relooké, maquillé, etc., éventuellement avec de nouvelles initiales (F-15EX), voire un nouveau nom (le F-16 transformé en F-36, avec peu de changement dans les chiffres et à peine un en plus du F-35, ce ne serait pas mal, non ?).

Quelle étrange aventure, les amis, juste du postmoderne déstructuré-restructuré, avec le JSF « camion à bombes » en 1996 (selon le chef d’état-major de l’USAF d’alors) devenant en 2021 Ferrari à ménager, uniquement pour les dimanches de non-confinement (selon le chef d’état-major d’ici et maintenant). Le pauvre général Brown obligé de jongler entre « génération “4 plus” » (mais beaucoup, beaucoup ‘plus’) et « génération “5 moins” » (mais vraiment à peine, à peine ‘moins’) en nous annonçant un successeur du F-16 qui sera un faux-vrai nouveau-F-16, ‘pas tout à fait le même, pas tout à fait un autre’, décrit avec minutie, comme si rien ne s’était passé, comme si la Ferrari acquise entretemps était évidemment, comme prévu, une chose d’exposition à n’utiliser qu’en cas d’inattendu-imprévu qui ne se produira pas, une chose d’un autre monde, “circulez y’a rien à voir”...

Le très pauvre-et-malheureux Général Brown, obligé de nous dire que l’usage des F-35 est décidément beaucoup trop intensif, surtout entre le hangar et l’aire de stationnement, et retour ; qu’il faut le laisser reposer entre les vols qu’il ne fait pas pour cause d’embouteillage avec lui-même, et ceux qu’il est obligé de ne pas faire pour ne pas s’embouteiller lui-même. Le JSF-F35 surutilisé ? Et le pauvre Général Brown nous cligne de l’œil en affirmant martialement « Je veux modérer l’utilisation de ces avions [F-35] » ... Black Lives Matter certes, mais le JSF pas davantage, lui aussi victime du privilège bureaucratique, de l’incroyable incurie des écuries d’Augias, surnom patenté du Pentagone...

C’est qu’il devient difficile, le grand écart entre le monde réel du JSF qui pête les boulons avec un moteur qu’il faut changer tous les quarts d’heure, et la narrative selon laquelle, finalement, le JSF c’est à prendre avec des archi-pincettes, il n’a été nommé F-35 que pour la frime, il est bien entendu destiné à ne pas servir vraiment, – “Bon Dieu, enfin ! Est-ce que ça vous viendrait à l’idée, à vous, de sortir votre Ferrari de son garage, en plein milieu de l’hiver qui gèle, au cœur du printemps qui pousse, en-dessous de l’été qui brûle, dans la nostalgie de l’automne qui glisse sur ‘les feuilles mortes [qui] se ramassent à la pelle’ ?”

Comprenez bien, le JSF, alias F-35, ce n’est pas un brol à mettre entre toutes les mains, surtout celles des pilotes militaires. C’est un brol de qualité supérieure, à garder, à conserver dans son écrin d’exposition, avec tous ses systèmes d’alarme si quelqu’un l’approche de trop près, à l’abri des regards indiscrets ; pour remplacer le F-16, mon bonhomme, il vaut mieux un vrai successeur-du-F16, un qui dit pas son vrai nom derrière son faux-nez, qui porte un masque, un simple F-16 vacciné contre la Covid fera l’affaire.

Et je songe à ces Européens épatants, malins comme des singes entre UE et OTAN, qui avaient choisi le JSF clef sur porte, histoire de se faire bien voir et d’être d’excellents auxiliaires de l’USAF... Il va falloir tout de même qu’eux, tous ces épatants Européens, qu'ils cherchent un successeur à leurs F-16 vieux de quarante ans... Un bon conseil, qu’ils attendent donc que l’USAF ait trouvé un successeur à ses F-16.

Cela fait du bien, comme ça, d’être au milieu de gens si intelligents, d’experts si brillants, de ‘soignants’ sachant vacciner les F-16 (et les Ferrari, j’espère aussi). On est vraiment tout à fait rassurés, le cœur plein d’allant. C’est vraiment une civilisation qui marche.

Bon, passons à autre chose en passant outre, comme ça, en passant...

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