07 février 2021

Gestion de la pandémie : ce rapport que le gouvernement voudrait faire oublier

Que n’a-t-on écrit sur cette pandémie et surtout sur sa gestion par la fine équipe de responsables politiques aux commandes de l’État français ! À en croire les opinions acerbes et de fort durs jugements chez de méchants chroniqueurs, de vilains critiqueurs et de vils polémistes, de nombreuses erreurs furent commises par un gouvernement qui n’a pas été suffisamment à la hauteur.

Cependant, il est parfois nécessaire de rétablir un peu de mesure : tout ne peut pas avoir été raté avec obstination, que diable ! Il y a forcément de nombreux aspects que notre élite au pouvoir a su réussir avec un brio digne de l’ENA ou du nuage opaque d’administrations en charge de trucs et de machins dans ce pays. Forcément.

Et pour établir ces faits indéniables, pour relater correctement les éléments à charge et à décharge dans cette crise, une mission d’information du Parlement sur la crise du Covid-19 a été assez rapidement mandatée pour enquêter sur cette gestion de crise et en tirer les enseignements indispensables pour faire avancer le pays vers une plus grande sérénité future, dans la joie, la bonne humeur et les écouvillons normes NF.

Presqu’un an après le début de ses travaux, cette mission était donc sur le point de rendre les premiers résultats quand, de façon totalement fortuite, elle a été discrètement dissoute entre deux cafés ce qui n’a pas manqué de déclencher un tollé dans l’Hémicycle et, facilement, deux entrefilets dans l’un ou l’autre journal de la presse subventionnée dont la hardiesse à reporter les lacérations démocratiques n’a d’égale que son budget pour les enquêtes de fond sur (au hasard) l’évaporation du régalien ou les détournements de fonds d’associations lucratives sans but à revendications sociétales louches.

La majorité parlementaire a, évidemment, beau jeu de rappeler que cette mission était temporaire, qu’ayant rendu un rapport, elle pouvait donc s’évanouir dans l’inconscient collectif, et que non, que nenni, pas du tout mais enfin que croyez-vous là, non et non cette mission n’a pas été dissoute parce que le seul rapport produit (un beau bébé de plus de 400 pages tout de même) est, essentiellement, une critique à l’acide sulfurique de la gestion véritablement calamiteuse de la crise par notre brochette de bras cassés gouvernementaux fine équipe de responsables politiques affûtés.

Sans forcément éplucher les centaines de pages (pourtant édifiantes) du rapport, la simple lecture des titres de chapitres et de paragraphe en table des matières fait remonter les souvenirs de tous ces mois de printemps 2020 où les responsables politiques se succédaient aux tribunes médiatiques pour expliquer à quel point tout était contrôlé, maîtrisé, planifié et comment la France, éternelle et merveilleuse, allait s’en sortir guillerette, en deux coups de test PCR finement calibré : « préparation inadaptée », « fort tropisme hospitalier », « défaut de vigilance à l’égard des plus vulnérables », les titres se suivent et offrent un joli panorama d’une accumulation difficilement croyable de tous les dysfonctionnements de l’ensemble administratif français.

Le rapport est roboratif. On trouve de joyeuses pépites, comme « la DGS a fait le choix de ne conserver qu’une très faible quantité de masques en stock et a modifié un rapport scientifique a posteriori pour justifier sa décision » (on tripoterait presque le mauvais côté de la légalité, là), « le choix de la réquisition : une méthode contre-productive » (oh, non, sans blague ?!), « des stratégies de soins sans coordination » (c’est ballot vu le nombre d’organismes dont ce serait, a priori, la raison d’être), « embûches administratives » (allons !) et autres « pesanteurs organisationnelles » (vraiment ?!) voire des aveux truculents comme « Santé publique France : une agence contestée et débordée », …

Au passage, la façon dont Agnès Buzyn, alors en poste au tout début de la crise, a débuté sa gestion, est finalement bien moins sévère que ce à quoi on pourrait s’attendre. En page 30 et suivantes, on comprend assez vite que le haut de la pyramide du pouvoir était au courant assez tôt et avait compris, malgré tout, l’importance d’agir…

Malheureusement, l’énorme patapouf étatique, même aiguillonné par la ministre, n’a pas jugé bon de s’inquiéter et lorsqu’il s’est agi de bouger un coup, son inertie naturelle de mammifère obèse l’en a durablement empêché : les petites agitations de Buzyn n’ont abouti à peu près à rien.

Devant ce chapelet de constats abrasifs, la majorité présidentielle n’a pas eu beaucoup de mal à faire passer le rapport pour un brûlot polémique, biaisé et partisan.

Cependant, ce qui est décrit dans ce rapport est corroboré à la fois par les éléments de presse de l’époque (certes, c’était il y a si longtemps, facilement 10 mois, mais il devrait cependant être possible de trouver des traces historiques, des archives, n’est-ce pas !), la mémoire collective et les expériences personnelles de tout un chacun. Un fait, aussi cuisant soit-il, ne peut être qualifié de partisan.

Mais voilà, pour le gouvernement et les députés godillots LREM sagement le doigt sur la couture, la réalité est salement partisane : elle démontre sans le moindre doute possible que les équipes au pouvoir ont été mortellement nulles, le terme « mortellement » étant adapté tant leur incompétence a coûté du temps et donc des vies par l’absence de certaines mesures simples, la protection de nos aînés dans les maisons de retraite étant ce qui saute aux yeux dans le rapport. La dissolution de la mission d’enquête et la placardisation rapide du rapport est donc logique.

Autrement dit, en passant tout cette prose pourtant significative à l’as, LREM veut surtout faire oublier sa gestion calamiteuse en qualifiant les critiques de simple polémique politicienne, ce que le rapport n’est pas.

Pire encore, en voulant étouffer cette commission et ce rapport, LREM évite l’indispensable prise de conscience qui devrait frapper nos dirigeants devant les lourds problèmes du pays que cette crise aura simplement mis en exergue : on peut, on devrait même, s’étendre sur les constats de suradministration, de lourdeurs bureaucratiques multiples, de décisions idiotes, arbitraires et antagonistes des myriades d’agences et autres pustules du monstre étatique qui parasitent et gangrènent la vie normale et productive du pays.

En réalité, ces éléments ne dépendent pas de la politique du gouvernement de clowns à roulettes actuels, et pourraient à eux seuls pousser à de puissantes réformes nécessaires si ces ministres savaient s’élever au-dessus de leur condition de branquignoles improvisateurs. Mais il n’en sera rien : comme une partie du rapport cuit les parties charnues de nos gouvernants, ils jetteront le bébé avec l’eau du bain, bien plus sûrement qu’en tirer profit pour tracer, enfin, une voie de sortie de l’ornière dans laquelle le pays est plongé.

En définitive, la disparition de cette commission et de son rapport dans les limbes du non-débat garantit efficacement que les graves problèmes français, ceux qui se situent bien au-delà de ses gouvernants incompétents, à savoir sa gangrène fulgurante du formulaire Cerfa en triplicatas tamponnés, sa bousculade d’administrations inutiles se marchant les unes sur les autres, cette métastase là ne sera surtout pas ni attaquée, ni guérie.

Ce pays est foutu.

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