16 février 2021

Covid, Rivotril et éthique

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L’article que j’ai publié il y a trois jours sur les données réelles de la mortalité due au Covid a eu un très joli retentissement, bien mérité au regard de sa qualité. Le mathématicien qui me l’a fort aimablement proposé a fait un travail remarquable et son analyse éclaire sous un jour convaincant ce que la presse dans son unanimisme forcené s’acharne à occulter : la surmortalité due au Covid en 2020 est quasiment nulle dans les tranches d’âge inférieure à 75 ans. Plus précisément : nulle en-dessous de 65 ans, très faible entre 65 et 75 ans alors qu’elle devient significative au-delà, a fortiori aux alentours de l’espérance de vie !..

Si la presse (dont il faudra bien questionner le rôle un peu plus vigoureusement qu’à travers des remarques et des questions polies) a monté en épingle tout ce qu’elle trouvait de vrai ou non pour faire croire que la population dans son entier était en danger et que le dit-danger se trouvait à chaque coin de rue, la vérité (déjà mise à jour pour la Suisse par les travaux de M. Fabien Balli Frantz, publiés dans Bon pour la tête) est que la mortalité en 2020 n’a pas été différente ou pire que celle que nous connaissons année après année ! A des années-lumière donc de la compréhension erronée (soigneusement influencée il faut le reconnaître) qu’en a la population.

Il restait certes jusqu’à il y a peu aux alarmistes l’argument de choix : « oui mais c’est précisément le résultat des mesures exceptionnelles que nous avons prises ; si nous n’avions pas confiné, la situation aurait été catastrophique ».

Manque de pot, cette croyance-là aussi s’est effondrée. Les meilleures études (comme d’ailleurs une comparaison toute simple entre pays) montrent à l’inverse que le confinement tue tout sauf le virus. Même l’OMS ne cesse depuis des mois d’appeler à des réponses qui évitent les mesures les plus coercitives, en constatant qu’elles n’aident pas à ralentir l’épidémie mais causent des dommages épouvantables.

Ces évidences de science et de bon sens, ne comptons hélas ni sur les « scientifiques » (ceux des cénacles politiques et mercantiles comme la Task Force ou nos hôpitaux universitaires) pour le reconnaître, ni sur les politiques pour en tenir compte, ni bien sûr sur la presse pour en informer la population. Et dire qu’une majorité (?) de la population continue de faire confiance à ces trois groupes, devenus hautement toxiques…

Dans son analyse, mon invité abordait aussi la question de la libéralisation du Rivotril dans les Ehpad ainsi que (semble-t-il d’après les statistiques d’utilisation) dans les hôpitaux lors de l’épidémie de mars-avril.

Il est évident (mais reste pareillement occulté dans le débat politique et médical) que des aberrations comme la privation de soins au stade précoce de la maladie, la recommandation de rester terré chez soi en attendant une éventuelle évolution critique, et le refus de traiter les personnes infectées dans les Ehpads dessinent un énorme problème éthique (et probablement criminologique) qui a reflété et amplifié simultanément la déshumanisation de la médecine et du soin.

Si donc il est essentiel de ramener ces questions et thématiques au cœur de l’analyse et du débat, il convient aussi comme toujours d’éviter les raccourcis ou de tirer des conclusions qui seraient elles aussi réductrices.

J’ai donc reçu avec intérêt et gratitude les lignes suivantes, que m’a adressées le Dr Henry Boret en réponse au volet Rivotril de l’article mentionné. Pour rappel, j’ai eu l’honneur de publier sur mon blog deux textes fort intéressants que le Dr Boret a eu la générosité de m’adresser, dont celui sur les vaccins contre le Covid et le passeport vaccinal, publié le 3 février.

Dans notre échange de mails, le Dr Boret constate lui aussi l’abandon médical dramatique de la population touchée par le Covid, avec cette recommandation choquante surnommée en France « prise en charge 4D » : Domicile, Doliprane, Dodo, Décès.

Le Dr Boret s’est montré ouvert à la perspective que je publie ici un addendum sur la base de ses remarques, craignant que les lecteurs de mon blog n’imaginent que les hospitaliers aient euthanasié des patients là où ils ont à son avis appliqué les lois (Leonetti voire Clayes-Leonetti) cadrant les pratiques en la matière.  Ce qui n’enlève en rien la réalité d’une mauvaise prise en charge de cette épidémie et d’un sentiment d’abandon qui a conduit à la surprescription probable de RIVOTRIL dans certaines circonstances/certains lieux, mais probablement pas, corrige-t-il, à l’hôpital.

Farouchement opposé à l’euthanasie, le Dr Boret précise s’être battu pour la mise en application de la loi Leonetti, qui rassure les patients et les familles quant au renoncement à l’acharnement thérapeutique. Tout en imaginant aisément le désarroi d’un médecin en EHPAD face à un patient COVID+ en grande détresse vitale, en fin de vie, et qui ne peut l’envoyer à l’hôpital.

Je remercie le Dr Boret pour cette nouvelle contribution éclairante, ainsi que pour la démonstration qu’il fait à nouveau en me l’adressant qu’un débat serein et ouvert est possible -et doit l’être à bien plus large échelle. J’ai d’ailleurs reçu des commentaires de lecteurs suite à son précédent texte sur les vaccins, appréciant la civilité (et même la cordialité) de notre désaccord, exprimé de manière constructive et avec respect. Qu’il soit donc chaleureusement remercié pour cette nouvelle contribution et la démonstration utile qu’elle permet !

Bonjour monsieur,

Ayant le privilège de faire partie des invités sur votre blog, je me permets de réagir à l’article cité en sujet.

(L’auteur) évoque après la partie statistique, une partie éthique qui me semble moins bien renseignée que la première. Il cite des recommandations de l’ARS Ile de France et l’utilisation de RIVOTRIL.

Je ne rentrerai pas dans les détails mais juste un petit résumé, le reste pouvant se retrouver dans les textes de loi ou résumés de congrès… J’en parle en tant qu’ancien coordonnateur de l’Espace de Réflexion Éthique de l’HIA Sainte Anne et en tant que diplômé Inter Universitaire d’éthique et pratique clinique où mon sujet de mémoire était la mise en œuvre pratique de la loi Leonetti (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000446240/) dans un hôpital.

-  La loi Leonetti de 2005 a effectivement précisé que la décision de limitation ou d’arrêt des traitements actifs reposait sur une procédure collégiale avec décision finale du médecin en charge du patient. L’avis de la personne de confiance ou de la famille est recueilli lorsque le patient n’est pas en état de le faire, ou recherche de directives anticipées. L’ARS n’a donc pas contourné la loi en disant que la décision ultime de poursuite ou d’arrêt des traitements actifs est de la responsabilité du médecin. Au plan humain, il est inconcevable de demander cette décision aux proches. La loi Leonetti a évité bien des situations d’acharnement thérapeutique. Pour le réanimateur que je suis, il s’agit d’une de ces lois qui marque une génération et qui nous rend plus humains car elle oblige, textuellement, à réinscrire le patient dans un cadre de vie, à écouter les familles et à échanger avec les paramédicaux et un référent médical extérieur.

-  Une loi ultérieure, dite Clayes-Leonetti (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000031970253/)  a pour sa part encadré la sédation profonde et terminale. Même si cette loi est moins marquante et, je trouve plus problématique, elle a précisé, avant l’ARS Ile de France, que l’utilisation d’hypnotiques (de type RIVOTRIL) était légitime en fin de vie pour éviter d’inutiles souffrances. Aussi, pas mal d’hôpitaux ont développé des protocoles qui associent HYPNOVEL (midazolam) à un morphinique. L’idée de l’hypnotique est de limiter l’anxiété. Le morphinique calme les douleurs. Une bonne partie des protocoles permet des périodes d’arrêt de sédation/analgésie pour réévaluer l’état du patient. Donc l’ARS n’a fait que rappeler la loi.

-  Enfin, concernant le tri à l’entrée des réanimations, cela me semble une nécessité…. humaine, même hors période COVID. J’avais fait une petite étude dans ma réanimation en 2013. Les choses n’ont pas dû beaucoup évoluer depuis. Quel que soit l’état de santé antérieur du patient, tous les patients de plus de 80 ans passant 7 jours ou plus en réanimation décédaient soit en réanimation, soit à l’hôpital. Aucun ne rentrait chez soi. Il y a donc un seuil physiologique qui justifie ce tri, car on sait que, en cas de COVID, la durée de séjour sera supérieure à 7 jours. Je suis d’ailleurs surpris qu’en France, il y ait à ce jour, en réanimation, plus de 40 patients COVID > 90 ans, et près de 300 COVD = 80-89 ans. Cela ne signifiant pas qu’il ne faut pas soigner les patients refusés en réanimation. Au contraire, l’accompagnement reste prépondérant.

Bien cordialement,

Dr Henry BORET

PH Anesthésie-Réanimation

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