07 janvier 2021

Le Prince, le virus et le conseiller

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Le docteur en médecine Ariel Beresniak présente son analyse de la fonction du Conseil scientifique et sa gestion de la crise sanitaire liée à la pandémie du coronavirus alors que ses décisions se montrent extrêmement néfastes pour la population.

S’il est cocasse d’entendre disserter des responsables politiques sur la dynamique des épidémies, il est une qualité qui doit être reconnue au sommet de l’Etat, celle de parfaitement connaître les classiques de la philosophie politique.

En constituant son propre « conseil scientifique », le chef de l’Etat a ainsi parfaitement intégré les recommandations du penseur Florentin Machiavel sur l’art pour un Prince de gérer les menaces.

Si la recherche d’une information scientifique valide avait été la priorité de la puissance publique confrontée au déferlement d’un virus venu d’Orient, elle aurait pu aisément la trouver auprès des instances déjà constituées, notamment le Haut Conseil de la santé publique qui est officiellement chargé d’apporter une aide à la décision aux politiques en réalisant des rapports et recommandations très étayés. Ce Haut Conseil est constitué entre autre de la commission « maladies infectieuses et maladies émergentes » qui s’est bien réunie en février 2020 pour formuler ses premières recommandations sur les mesures de prévention à prendre contre le virus. Cependant, faire uniquement appel à cette instance aurait supposé pour le pouvoir exécutif ne pas choisir ses propres conseillers.

Dans son traité dédicacé au Prince Médicis, Machiavel rappelle que « le seul moyen pour le décideur politique de se prémunir des dangers de la flatterie provenant de sa cour, c’est de bien faire comprendre qu’on ne peut lui déplaire en lui disant la vérité. Il doit alors choisir directement quelques hommes « sages » et leur donner, mais à eux seuls, entière liberté de lui dire la vérité. Il doit donc se garder de ne vouloir entendre aucune autre personne, agir selon la détermination prise, et s’y tenir avec fermeté…Le problème est que chacun des conseillers ne pensera qu’à son intérêt individuel, et le décideur sera incapable de rivaliser sur leur domaine de compétence. Il en ressort que le prince est condamné à n’avoir que des mauvais conseillers car ils ne seront point forcés par la nécessité à devenir bon… ».

Il est fascinant de constater combien ces réflexions rédigées sous la Renaissance italienne, elles même très largement inspirées de la pensée grecque antique, demeurent dramatiquement pertinentes aujourd’hui. On pourra en premier lieu constater que parmi les 13 conseillers actuels du « conseil scientifique », aucun n’est un expert des coronavirus, ni de l’évaluation des mesures de santé publique contre les pandémies. Au-delà du président de ce conseil scientifique, qui par ses précédentes fonctions justifie d’une expérience en administration d’institutions, les membres s’affichent avec des compétences aussi variées que : anthropologue, sociologue, réanimateur, modélisateur, médecin de santé publique, médecin de ville, épidémiologiste, personne issue du milieu associatif, personne issue du monde des nouvelles technologies, virologue et infectiologue. 

Or le rôle d’un véritable conseil scientifique est d’analyser les données existantes pour en faire une synthèse afin de proposer des recommandations. Pour cela encore faut-il que toutes les questions techniques puissent être débattues entre experts. C’est la raison pour laquelle les conseils scientifiques, qui existent dans tous les domaines de la recherche en sciences de la vie, voire pour chaque projet de recherche, doivent être constitués de plusieurs experts d’un même domaine afin qu’ils puissent débattre de façon constructive. Un anthropologue dispose-t-il de tous les outils pour débattre des hypothèses mathématiques sous-tendant les calculs du modélisateur ? Un réanimateur aura-t-il toutes les compétences informatiques pour débattre avec un spécialiste des nouvelles technologies ? Un représentant du milieu associatif pourra-t-il discuter du problème de l’existence d’anticorps neutralisants avec le virologue ?

A la différence des conseils de type interdisciplinaire composé de plusieurs experts de chaque domaine, le fonctionnement particulier du conseil scientifique est de type multidisciplinaire (les différentes expertises s’expriment indépendamment) et n’est susceptible de générer que des informations sous forme d’opinions puisque chaque expert est seul dans sa spécialité.

Comment ensuite exprimer une opinion commune à partir des opinions individuelle de chaque expert ? La théorie du dictateur selon Arrow, prix Nobel d’Economie, démontre qu’il n’est pas possible d’obtenir une préférence collective à partir des préférences individuelles, à moins qu’il n’y ait un individu (le dictateur) qui impose son opinion aux autres. 

Les effets extrêmement néfastes du confinement sur le bien-être physique, mental et social de la population confirment que le « conseil scientifique » serait bien en mal de prétendre agir pour protéger la santé, alors qu’il a démontré ne pas en connaître la définition

Cela explique probablement pourquoi beaucoup d’affirmations sont exprimées de façon partisane dans les rapports du conseil scientifique. Prétendre que « De nombreuses études analysant les données épidémiologiques françaises et internationales ont estimé que le confinement avait permis une réduction très importante du taux de transmission de SARS-CoV 2… » (note du conseil scientifique du 26 octobre 2020).

Si cette affirmation avait pu être débattue entre plusieurs experts en santé publique, elle aurait très certainement été rédigée de la façon suivante « Des études analysant les données épidémiologiques françaises et internationales ont observé une réduction du taux de transmission au cours ou au décours de mesures de confinements, sans établir de relation de cause en effet du fait de l’évolution spontanée en courbe en cloche de ce type d’épidémie. D’autres études ont par ailleurs observé une augmentation du risque de contamination au sein des populations confinées par rapport aux populations ayant poursuivies leurs activités en milieu extérieur ». 

Par ailleurs, s’il y avait plus d’un seul médecin spécialiste en santé publique au sein du conseil scientifique, celui-ci n’aurait certainement pas oublié de rappeler la définition de la santé, telle qu’adoptée le 22 Juillet 1946 par le concert des nations lors de la constitution de l’Organisation mondiale de la santé : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Les effets extrêmement néfastes du confinement sur le bien-être physique, mental et social de la population confirment que le « conseil scientifique » serait bien en mal de prétendre agir pour protéger la santé, alors qu’il a démontré ne pas en connaître la définition.

A l’évidence ce « conseil scientifique » n’a donc pas été constitué pour produire de la connaissance scientifique pour l’aide à la décision, mais pour servir de caution aux décisions du pouvoir exécutif, comme celle de ne pas avoir reporté le premier tour des élections municipales du 15 mars 2020, en pleine flambée de l’épidémie. Machiavel ne prévient-il pas que « les véritables bons conseils sont le fruit de la sagesse du Prince, et que cette sagesse n’est point le fruit de ces bons conseils ? »

Recommander comme seule solution un confinement extrêmement sévère de l’ensemble de la population, sans prévenir que cette stratégie est totalement expérimentale, que ces effets directs et indirects sont inconnus et incontrôlables, qu’elle n’a de ce fait jamais été considérée comme une quelconque mesure de santé publique pour lutter contre les pandémies, et donc qu’elle n’a jamais fait l’objet ni d’évaluation ni de publications scientifiques, confirme s’il le fallait que le fonctionnement de ce conseil n’a de scientifique que le nom. Si certains de ses membres sont réputés avoir développé une expertise dans le domaine du virus du SIDA, cette compétence est très différente de celle des épidémies à virus respiratoires. On remarquera que pendant la progression de l’épidémie de SIDA dans les années 80, le pouvoir exécutif de l’époque n’a jamais imposé la fermeture des boites de nuit, le couvre-feu pour les toxicomanes et l’obligation du port du préservatif sous peine d’une amende de 135 francs…Il n’y avait pas de conseil scientifique !

L’histoire du XXIe siècle rappelle les dangers des discours biomédicaux dont les métaphores servent à la fois de propagande et de justification d'une politique totalitariste. La crise sanitaire a-t-elle accouché d’une dictature ? Au vu des restrictions drastiques des libertés dont souffre la population et du pouvoir absolu exercé au nom de la protection de la santé, il est autorisé de le penser. Le rôle du dictateur n’a-t-il pas été créé par la République romaine pour permettre à un décideur unique d’être légalement investi de tous les pouvoirs, en cas de circonstances graves, pour une durée limitée ?

Ariel Beresniak

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