Un vaccin développé à la hâte? Plus question. Comme des centaines de jeunes compatriotes, Meissa Chebbi est narcoleptique depuis une vaste campagne contre le H1N1 qui, onze ans plus tard, entame la confiance des Suédois envers les antidotes contre le Covid-19.
«Je ne recommencerai jamais» de prendre un vaccin développé en urgence, «sauf si vous devez absolument le prendre, en danger de mort», dit à l’AFP la jeune Suédoise de 21 ans. «J’attendrai cinq ans, quand on connaîtra les risques», affirme l’étudiante.
En 2009, les autorités sanitaires locales ont appelé les Suédois à se faire – volontairement – vacciner contre la grippe porcine, avec le Pandemrix produit par le laboratoire britannique GlaxoSmithKline.
Plus de 60% de la population – près de six millions de personnes – avait répondu à l’appel, un record mondial, dans un pays où aucun vaccin n’est pourtant obligatoire.
Mais comme Meissa, des centaines de personnes, principalement des enfants et des jeunes adultes, ont développé une narcolepsie du fait d’un effet secondaire du vaccin. En cause: un adjuvant dont le rôle était de démultiplier l’effet immunitaire.
«Ça a détruit ma vie», explique Meissa, qui avait onze ans à l’époque. «Je m’endors tout le temps, dans toutes les situations et à des moments inappropriés: à table, lors d’entretiens d’embauche, pendant des discours, des séminaires, à l’université. Je me suis endormie au travail, dans des bus, partout...», énumère la jeune résidente d’Örebro, dans le centre de la Suède.
Moins de 50% de volontaires
Près de 440 plaintes sur 702 ont fait l’objet d’une indemnisation par le Fonds d’assurance pharmaceutique, qui a déboursé au total 100 millions de couronnes, environ 10,6 millions de francs.
Anders Tegnell, l’épidémiologiste en chef et figure de la stratégie controversée de la Suède contre le Covid-19, faisait partie du groupe d’experts du conseil sanitaire qui a appelé à la vaccination de masse en 2009-2010.
«Bien sûr la décision aurait été complètement différente si nous avions connu les effets secondaires. Mais ils étaient complètement inconnus, une surprise pour tout le monde», affirme-t-il à l’AFP.
«Il y a eu un consensus international depuis des années sur le fait que la vaccination était la meilleure chose à faire durant une pandémie et que c’était la seule solution à long terme», plaide le médecin.
Le cas suédois illustre la difficulté des gouvernements à mener des campagnes de vaccination, dans un contexte de doute voire de défiance dans de nombreux pays, mais aussi face à un besoin urgent de cesser une pandémie qui paralyse le monde entier.
Pour Babis Stefanides, un Stockholmois de 36 ans, c’est tout vu: elle ne prendra pas de vaccin contre le Covid-19. «Il y a juste trop d’interrogations», affirme-t-elle. Selon un récent sondage de l’institut Novus, plus d’un quart (26%) des Suédois sont dans son cas et 28% sont indécis. Moins d’un sur deux (46%) prévoient de se faire injecter un des nouveaux vaccins contre le Covid-19, promis pour début 2021.
«Ne pas humilier»
Pour le directeur de l’Autorité sanitaire suédoise, Johan Carlson, il faudrait que 60 à 70% de ses compatriotes prennent l’antidote pour stopper l’épidémie. «Tout le monde doit bien réfléchir et décider. Généralement en Suède, la plupart des gens se font vacciner», a-t-il relevé à la télévision dimanche.
Même sans aucun vaccin obligatoire, la Suède peut en effet se targuer d’afficher des taux de vaccination volontaire chez les enfants qui dépassent 90%.
Hannah Laine, une assistante sociale de 37 ans, compte elle bien se faire vacciner, avec son mari mais aussi leurs trois enfants. «Nous devons assumer notre responsabilité morale envers les personnes âgées et les malades. Nous le prendrons, peut-être pas dans notre intérêt mais dans celui de la société», dit-elle à l’AFP.
Un argument contesté par Elisabeth Widell, présidente de l’Association suédoise de narcolepsie. Selon elle, les autorités n’ont pas eu tort de viser une vaccination de masse en 2009, mais elles ont trop appelé au sens de la solidarité des Suédois, souvent soucieux de suivre les consignes officielles.
«Il ne faut pas critiquer ou humilier les gens qui choisissent de ne pas se faire vacciner. Si ce n’est pas obligatoire, le choix est libre», plaide la responsable associative.
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