29 novembre 2020

L’armée française l'ombre d'elle-même...

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Malgré un budget de l’armée en hausse, un Rafale sur deux et moins d’un hélicoptère Tigre sur trois est apte à prendre les airs. Des carences opérationnelles que met en lumière l’édition 2020 du rapport sur les crédits de Défense. Retour en détails sur un document qui appuie là où ça fait mal.

Une «peine à combattre». Sur la base du rapport publié en octobre par le député Les Républicains (LR) François Cornut-Gentille, rapporteur spécial pour les crédits de la Défense de l’Assemblée nationale, le Canard enchaîné est revenu dans sa dernière édition sur le «gâchis technologique» qui frappe l’armée française.

Si le budget de la Défense est bel et bien en hausse, avec 1,7 milliard d’euros de plus chaque année jusqu’en 2022, comme l’avait promis Emmanuel Macron en 2018 lors de ses vœux aux Armées, l’état opérationnel des matériels laisse plus qu’à désirer. «Le bilan est loin d’être à la gloire de la ministre et de son Président-chef de guerre», tacle l’hebdomadaire satirique.

À travers un passage en revue de tous les programmes d’armement en cours et à venir, le rapport parlementaire de 370 pages du député Cornut-Gentille met tout particulièrement en lumière la disponibilité des équipements aéronautiques et maritimes tricolores. L’Armée de l’air apparaît à première vue particulièrement mal lotie sur ce point.

Quant à la Marine, malgré un lifting programmé, celle-ci semble sous-dimensionnée au regard de l’immense empire maritime français (le deuxième au monde, juste derrière celui des États-Unis). En somme, les moyens dont disposent les soldats français sont en inadéquation avec les ambitions d’un pays tel que la France, bien que les crédits militaires soient en hausse et que l’Hôtel de Brienne ait affiché sa volonté de remédier à la problématique de l’insuffisante disponibilité de ses aéronefs.

Rafale et Mirage 2000, vitrine –fêlée– de l’armée de l’air

Un problème que le ministère semble éluder, alors que la France entend livrer 12 de ses Rafale en service à la Grèce, et potentiellement autant à la Croatie. Dans un tel cas de figure, l’Armée de l’air se verrait amputée de l’équivalent du tiers de ses Rafale en état de vol. En effet, au 31 décembre 2019, seul un Rafale sur deux était disponible (50,2% des 105 Rafale et 49,2% des 42 Rafale Marine) selon le rapport parlementaire. Un chiffre par ailleurs en baisse par rapport aux années précédentes et tout particulièrement 2017 (respectivement, de 55,4% et 56,9%), année qui marqua un pic de disponibilité pour de nombreux matériels, tout juste avant les promesses de l’exécutif de redresser la barre.

Seule la moitié des 147 Rafale actuellement en service dans les forces armées françaises est en état de voler. Un chiffre en constante baisse. À cela s’ajoute un retard de trois ans sur la livraison des missiles air-air Meteor que la version la plus moderne du Rafale (standard F3) peut déployer.

Autre vedette et vecteur de frappe nucléaire des forces aériennes françaises, le Mirage 2000-D fait également partie du lot des aéronefs les mieux lotis, avec une disponibilité de 39,7%, en hausse.

Est-ce une question d’âge? Pas vraiment. Les quatre avions radar AWACS, achetés aux Américains au début des années 90, affichent une disponibilité de 45,7%. La disponibilité des 87 hélicoptères d’attaque Gazelle, en baisse constante, s’établissait quant à elle à 45,6%. Pas si mal pour cet appareil entré en service au début des années 70, et dont pas un seul nouveau modèle n’a été produit depuis 25 ans. À l’inverse, le très européen hélicoptère multirôles NH-90, dont le plus vieil exemplaire affiche à peine dix ans au compteur, présente un «inquiétant» taux de disponibilité.

La Gazelle au poil, pépins en série sur le NH90

Ce dernier n’est que de 31,4% pour sa version marine (NFH) et de 34,3% pour sa version transport de troupes (TTH), alors même que les deux parcs n’ont cessé de croître. Un comble pour celui qu’Airbus présente comme «l’hélicoptère standard de l’Otan». «Les autres États partenaires à ce programme sont confrontés à des difficultés similaires», note le député, qui évoque le cas de la Belgique qui a décidé de limiter son utilisation.

Pour autant, son taux de disponibilité avoisine celui des 68 exemplaires du «récent» hélicoptère d’attaque Tigre, dont moins d’un tiers serait en état de prendre les airs (30%). Une proportion «quasi stable par rapport à 2018, malgré un parc en expansion», note le rapport. Toujours la même tendance du côté des 68 hélicoptères de transport Puma et Super Puma, avec une disponibilité de 32,6%, en hausse pour un nombre d’appareils en service ayant pourtant diminué.

«Bref, les deux tiers de ces différents hélicoptères sont en panne, faute de pièces détachées rapidement disponibles, ou déjà en réparation –et pas pour une petite avarie», résume pour sa part le Canard enchaîné.

En revanche, l’hélicoptère de transport Caracal bondit, avec une disponibilité passant de 26,5% à 42,7% en deux ans, sur toutefois un modeste parc inchangé de 18 appareils. Malgré cette série noire, les hélicoptères ne sont pas les aéronefs affichant les pires résultats au sein de l’armée de l’air. La vingtaine de patrouilleurs maritimes Atlantique 2, pour la plupart en rénovation, n’affichent que 28,9% de taux de disponibilité.

Avion-cargo, talon d’Achille de la projection française

Ce taux baisse encore dès lors que l’on touche aux avions de transport. Seul un quart des 16 avions-cargos A400M sont opérationnels, alors même que la France prévoit de porter leur flotte à 50 appareils. Quant aux C-130 Hercules, «indispensable au transport tactique de fret», «il y a urgence», estime le rapport. En cours de modernisation, seuls 17,5% des 14 appareils en service sont disponibles, soit environ deux appareils en état de vol à un instant T. Une faiblesse qui impose à l’armée française de se tourner vers des entreprises étrangères, en l’occurrence Russes et Ukrainiennes pour mener à bien ses opérations extérieures. Une situation qui s’est aggravée suite à la «défection» d’une compagnie russe qui a mis un terme à son partenariat avec l’Otan.

Du côté de la marine, si les navires affichent une disponibilité supérieure à 70% (à l’exception des frégates Horizon), les bâtiments sont également vieillissants, à l’image les bâtiments de commandement et de ravitaillement qui «peinent à se maintenir». Certains de leurs remplaçants accusent également des retards à la livraison.

C’est tout particulièrement le cas des frégates européennes multi-missions (FREMM), dont les dernières arriveront avec six années de retard par rapport au calendrier initial, et ce malgré une «réduction drastique» de la commande française. Initialement prévues au nombre de 17, la Marine nationale n’en disposera finalement que de 8. À ce titre, le député de la Haute-Marne estime que «le besoin en frégates dites de premier rang demeure pour affronter les défis maritimes».

Insuffisant également à ses yeux, le nombre de porte-hélicoptères amphibies (PHA). Si sur ce terrain la France n’est «pas absente» avec trois d’entre eux (Mistral, Tonnerre et Dixmude), elle «apparaît sous-équipée au regard de l’étendue de ses intérêts maritimes», note de député LR.

Sous-marins et porte-avions: des fleurons à quai

Un point sur lequel le rapport parlementaire appuie tout particulièrement est la disponibilité des cinq sous-marins nucléaires d’attaques (SNA). Partie intégrante de la force de dissuasion nucléaire française, ceux-ci n’affichent pourtant qu’une disponibilité de 66%, l’une des pires des bâtiments de la Marine. Un niveau d’opérabilité d’autant plus inquiétant qu’en 2019, un sixième sous-marin a été retiré du service, le «Saphir», après 35 ans de carrière. S’ajoute à cela l’incendie qui a partiellement détruit le «Perle» dans la rade de Toulon au mois de juin et qui n’est donc pas pris en compte dans ces chiffres. Pour être remis à flot, ce dernier recevra l’avant du «Saphir» en démantèlement.

Le sous-marin nucléaire d’attaque, endommagé par un incendie le 12 juin dernier alors qu’il était en chantier, est sorti le 24 novembre du bassin de radoub. Désormais amarré dans la darse de Missiessy, au cœur de la base navale de Toulon, il doit prochainement rejoindre Cherbourg pour y être réparé.

Dernier point qui fâche du côté de la Marine nationale, et non des moindres: son navire amiral. En l’occurrence, la manière dont mi-avril le Charles de Gaule et les 2.300 marins de son groupe aéronaval furent contraints de rentrer au port à cause d’une épidémie de Covid-19 à bord. «La surprise stratégique n’est pas venue ici d’une Marine adverse, mais d’un virus», assène François Cornut-Gentille, qui rappelle que le porte-avions tricolore était ainsi immobilisé au moment où les «tensions en Méditerranée orientale s’accroissaient et nécessitaient l’envoi sur ordre du Président de la République de bâtiments et d’avions de chasse sur zone.»

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