Hamilton – Lincoln © Photo: Strategic Culture
Alors que certains spectateurs se sont retrouvés à applaudir cet effondrement imminent du «grand empire américain», je pense qu’il est plus sage d’adopter une approche plus mesurée de la tragédie qui se déroule actuellement en Amérique et dans toute la communauté transatlantique.
Après tout, à quoi s’attendrait-on dans des conditions de dissolution de l’union par une guerre civile et un effondrement économique ? Le danger de guerre disparaîtrait-il ? L’injustice économique disparaîtrait-elle alors que l’alliance multipolaire eurasienne parcourt le monde pour restaurer la paix et un développement gagnant-gagnant pour tous ?
J’ai tendance à penser qu’il s’agit d’un vœu pieux trop simpliste et il est beaucoup plus probable qu’une nouvelle forme plus virulente de fascisme se lèverait pour «rétablir l’ordre» dans les incendies chaotiques alors que le complexe militaro-industriel pousserait de plus en plus agressivement à la guerre avec la Russie, et la Chine. Les forces sociopathes qui tentent de diriger la communauté transatlantique, autrefois libre, sont après tout si idéologiquement engagées dans leur vision utopique unipolaire du gouvernement mondial, du dépeuplement et de l’hégémonie totale qu’elles préféreraient régner en enfer plutôt que de servir au paradis.
Alors, est-il trop tard, ou y a-t-il encore de l’espoir pour la république en difficulté ?
Dans mon dernier article, j’ai présenté la figure d’Alexander Hamilton, le premier secrétaire au Trésor et fondateur du système américain d’économie politique. J’ai passé en revue comment l’Amérique a été sauvée d’un démembrement précoce dans les premières années du chaos après la paix de Paris de 1783 qui a finalement mis fin à la guerre avec la Grande-Bretagne mais a laissé une nation divisée, économiquement en faillite et désespérément endettée sans capacité manufacturière ni réglementation nationale de la finance.
Dans l’article précité, j’ai comparé le système de Hamilton qui liait la valeur et le rôle de l’argent aux capacités de production croissantes d’une société par le biais de l’industrie et des améliorations domestiques, au système opposé du libre-échange britannique qui liait la valeur de l’argent aux impulsions hédonistes et au culte de Mammon.
Dans cet article, j’aimerais prendre un moment pour explorer un autre chapitre de l’histoire de l’Amérique qui a vu sa dissolution frôler la dissolution totale dans des conditions qui ne sont pas totalement différentes de celles auxquelles nous sommes confrontées aujourd’hui. Je parle ici de l’année 1861, alors qu’un Abraham Lincoln nouvellement élu a échappé, de peu, à plusieurs tentatives d’assassinat et est entré à la maison blanche.
J’ai tendance à penser qu’il s’agit d’un vœu pieux trop simpliste et il est beaucoup plus probable qu’une nouvelle forme plus virulente de fascisme se lèverait pour «rétablir l’ordre» dans les incendies chaotiques alors que le complexe militaro-industriel pousserait de plus en plus agressivement à la guerre avec la Russie, et la Chine. Les forces sociopathes qui tentent de diriger la communauté transatlantique, autrefois libre, sont après tout si idéologiquement engagées dans leur vision utopique unipolaire du gouvernement mondial, du dépeuplement et de l’hégémonie totale qu’elles préféreraient régner en enfer plutôt que de servir au paradis.
Alors, est-il trop tard, ou y a-t-il encore de l’espoir pour la république en difficulté ?
Dans mon dernier article, j’ai présenté la figure d’Alexander Hamilton, le premier secrétaire au Trésor et fondateur du système américain d’économie politique. J’ai passé en revue comment l’Amérique a été sauvée d’un démembrement précoce dans les premières années du chaos après la paix de Paris de 1783 qui a finalement mis fin à la guerre avec la Grande-Bretagne mais a laissé une nation divisée, économiquement en faillite et désespérément endettée sans capacité manufacturière ni réglementation nationale de la finance.
Dans l’article précité, j’ai comparé le système de Hamilton qui liait la valeur et le rôle de l’argent aux capacités de production croissantes d’une société par le biais de l’industrie et des améliorations domestiques, au système opposé du libre-échange britannique qui liait la valeur de l’argent aux impulsions hédonistes et au culte de Mammon.
Dans cet article, j’aimerais prendre un moment pour explorer un autre chapitre de l’histoire de l’Amérique qui a vu sa dissolution frôler la dissolution totale dans des conditions qui ne sont pas totalement différentes de celles auxquelles nous sommes confrontées aujourd’hui. Je parle ici de l’année 1861, alors qu’un Abraham Lincoln nouvellement élu a échappé, de peu, à plusieurs tentatives d’assassinat et est entré à la maison blanche.
À quoi Lincoln a-t-il réellement fait face ?
Au-delà des dangers de la sécession, Lincoln a dû faire face aux financiers de Wall Street et aux familles anglophiles qui ont travaillé sans relâche pour saboter la capacité du président à acquérir les fonds nécessaires pour faire la guerre [contre les confédérés, NdT].
Pour aggraver les choses, la situation économique était impossible à gérer avec plus de 7 000 types de billets de banque en circulation aux États-Unis et plus de 1 496 banques émettant chacune plusieurs billets. Dans le cadre de ce système hautement déréglementé rendu possible par la liquidation de la banque nationale en 1836, des années plus tôt, sous Andrew Jackson et l’adoption de la loi de 1846 sur le Trésor indépendant, qui empêchait le gouvernement d’influencer les affaires économiques, chaque banque privée pouvait émettre des devises sans autorité fédérale. Avec une tel éparpillement des finances, aucun projet national n’était possible, les investissements internationaux étaient rares et le culte de l’argent et du marché libre était endémique. L’industrie s’effondrait, la spéculation prenait le dessus et la slavocratie [la classe sociale défendant l’esclavage, NdT] prenait de l’influence pendant la panique des banques de 1837 et 1860.
La ville de Londres n’était évidemment pas intéressée à permettre aux États-Unis de sortir la tête de l’eau. Avec la livre sterling adossée à l’or, elle a assuré la manipulation du prix de ce dernier et orchestré le rachat des réserves d’or américaines. Lorsque Lincoln a demandé des prêts pour faire la guerre, que ce soit auprès de Wall Street ou de banques internationales, les prêts n’étaient accordés qu’à des taux d’intérêt excessifs de 20 à 25%.
L’ambassadeur de Russie à Londres, de Brunow, fit part à Moscou du désir de l’Angleterre de briser l’Union en écrivant en janvier 1861 :
« Le gouvernement anglais, au fond de son cœur, a souhaité la séparation de l’Amérique du Nord en deux républiques, qui se regarderont jalousement et se contrebalanceront. Alors l’Angleterre, en termes de paix et de commerce avec les deux, n’aurait rien à craindre ni de l’une ni de l’autre ; car elle les dominerait, les restreignant par leurs ambitions rivales. »
L’historien Robert Ingraham a décrit cette situation impossible en 2002 :
«En janvier 1862, Gallatin [chef des banques associées de New York] présenta l’ultimatum des banquiers au Trésor :
1) payer l’effort de guerre par une augmentation massive des impôts directs de la population ;
2) déposer tout l’or du gouvernement américain dans les banques privées de New York et faire de ces banques le seul agent (monopoliste) pour la commercialisation de la dette du gouvernement américain (principalement des obligations vendues à Londres) ;
3) suspendre les «lois sur le sous-trésor» (réglementation gouvernementale des banques) ;
4) retirer toutes les devises papier émises par le gouvernement afin que seuls l’or et les billets de banque privés circulent comme monnaie. »
Bien que 150 ans de révisionnisme par les historiens aient obscurci le vrai Lincoln et la vraie nature de la guerre civile en tant qu’opération menée par les Britanniques pour annuler la révolution de 1776. Le président martyr a toujours été un opposant à l’esclavage et s’est toujours situé dans les traditions du système américain de Hamilton décrivant en 1832 une politique qu’il promulguera 30 ans plus tard : «Ma politique est courte et douce, comme une danse de vieille dame. Je suis pour une banque nationale. Je suis favorable au système d’amélioration domestique et à des barrières douanières protectrices élevées. Ce sont mes sentiments et mes principes politiques.»
À partir de cette période au Congrès, où il est devenu un allié de premier plan de John Quincy Adams, et a joué un rôle capital dans l’opposition à l’injuste guerre américano-mexicaine, Lincoln s’est constamment engagé à mettre fin non seulement à l’esclavage, mais aussi à toutes les structures de pouvoir héréditaires au niveau international, qu’il estimait lui être inextricablement liées en disant lors d’un débat de 1858 avec le juge Douglas, en slavocrate :
« C’est le problème qui continuera dans ce pays lorsque les pauvres langues des adeptes du juge Douglas, et de moi-même, se tairont. C’est la lutte éternelle entre deux principes – le bien et le mal – à travers le monde. Ce sont les deux principes qui se sont affrontés depuis le début des temps et qui continueront. L’un est le droit commun de l’humanité et l’autre le droit divin des rois. »
Les moyens nécessaires pour briser l’empire [britannique] et l’esclavage se trouvaient dans le système américain d’économie politique.
Lincoln fait revivre le système américain
La mise en œuvre de cette politique économique au plus fort de la guerre [de sécession] s’est déroulée dans le cadre d’une opération en trois étapes qui a commencé avec les lois bancaires et monétaires en 1862 et 1863. Ces lois, une fois établies, imposaient aux milliers de banques d’État locales une charte et une supervision fédérale pour la première fois depuis des décennies. En imposant une taxe fédérale de 10% sur les billets de banque d’État, les banques privées indépendantes sont passées de 1 466 en 1861 à seulement 297 en 1865 et plus de 1 630 banques nationales ont pris leur place.
La Loi sur les banques de 1863 a établi des réserves obligatoires pour la première fois et a également plafonné les taux d’intérêt afin d’éliminer l’usure au sein même de la nation. Afin de supprimer l’ingérence et la manipulation internationale de la part des financiers de Wall Street, le Bank Act a également contraint 75% de tous les directeurs de banque à résider dans l’État dans lequel la banque était située et tous les administrateurs devaient être des citoyens américains.
L’étape la plus importante dans cette lutte a été le contrôle souverain de l’émission du crédit qui, selon l’article 1, section 8 de la constitution américaine, ne peut être faite que par le Trésor américain – une leçon importante pour quiconque souhaite sérieusement mettre fin aux contrôles privés sur la Réserve fédérale aujourd’hui. Suivant ce principe constitutionnel, Lincoln a émis une nouvelle forme de monnaie appelée greenbacks – billets verts – qui ne pouvait être émise que contre des obligations d’État américaines. Ceux-ci ont commencé à être émis avec le Legal Tender Act de 1862 sur les offres légales.
Les banques à charte nationale étaient désormais obligées de déposer au Trésor fédéral un montant d’au moins un tiers de leur capital en échange de billets gouvernementaux émis par la Monnaie et le Trésor, afin de respecter la charte fédérale et éviter ainsi la taxe sur les activités des banques d’État privées, les banques se sont retrouvées à prêter au gouvernement, ce qui a permis à Lincoln d’éviter les prêts usuraires de Londres et de Wall Street.
De nouvelles obligations ont été émises dans le cadre de ce programme, appelées obligations 5:20 – en raison de leur échéance de 5 à 20 ans – que les citoyens ont achetées pour investir dans l’avenir de leur pays. Ces obligations qui unissaient «l’intérêt personnel» et le bien-être général de la nation permettaient des prêts à l’industrie et servaient de base à l’émission des billets verts. Mises en place par l’allié de Lincoln, Jay Cooke – un banquier patriote de Philadelphie – les obligations 5:20 ont été vendues en petites coupures à des citoyens moyens qui avaient alors tout intérêt à participer directement au sauvetage de leur nation. Entre 1862 et 1865, ces obligations représentaient 1,3 milliard de dollars. Lincoln a décrit le succès de cette nouvelle approche de la finance en disant :
«Le patriotisme du peuple a mis à la disposition du gouvernement les grands moyens qu’exigent les politiques publiques. Une grande partie de l’emprunt national a été souscrite par des citoyens de la classe ouvrière, dont la confiance dans la foi et le zèle de leur pays, pour le sauver du péril actuel, les a incités à contribuer au soutien du gouvernement avec leurs moyens limités. Ce fait impose des obligations particulières à l’économie en matière de dépenses et d’énergie dans l’action. »
Ces mesures étaient accompagnées de hauts tarifs de protection douanière pour développer également les industries américaines.
Au début de 1865, 450 millions de dollars de billets verts ont été émis, soit plus de la moitié de toutes les devises en circulation. Les billets verts et les obligations 5:20 ont financé non seulement l’armement, l’alimentation et les paiements aux soldats, mais aussi les programmes industriels et ferroviaires à grande échelle souvent négligés au plus fort de la guerre elle-même… à savoir le chemin de fer transcontinental, commencé en 1863 et achevé en 1869 reliant pour la première fois dans l’histoire les côtes Est en Ouest du continent. Cela a été financé par les subventions rendues possibles par les billets verts qui ont augmenté le pouvoir d’achat du gouvernement de 300 % !
Dans son essai de 1865, « Comment surpasser l’Angleterre sans la combattre », le conseiller économique de Lincoln, Henry C Carey, a déclaré : « Le billet vert s’est posé sur le pays comme la rosée du matin, apportant du bien à tous, et ne heurtant personne. »
Malheureusement, la subversion du système américain de Lincoln a commencé rapidement après le meurtre de celui-ci, ourdi par les services de renseignement confédérés, à partir d’opérations menées au Canada britannique. Plutôt que d’imposer une reconstruction complète du sud vaincu après la guerre, comme le prévoyait Lincoln, une nouvelle guerre a été menée contre les billets verts, dirigée depuis Londres et ses agents américains à Wall Street, ce qui a finalement renversé le crédit productif américain avec le Specie Resumption Act de 1871. Cette loi a tué les billets verts et lié la monnaie de la république à l’or, soumettant la nation aux contrôles spéculatifs de Londres tout en réduisant les crédits pour les grands projets d’infrastructure à long terme.
Dans son discours inaugural de 1865, le perfide vice-président de Lincoln, Andrew Johnson, a attaqué le protectionnisme et déclaré : «Le libre-échange avec tous les marchés du monde est la véritable théorie du gouvernement.»
Considérant la portée internationale de la guerre civile, Lincoln déclara en 1862 :
« Chers citoyens, nous ne pouvons pas échapper à l’histoire. Nous, ce Congrès et cette administration, resterons dans les mémoires malgré nous. Aucune importance, ou insignifiance, individuelle n’épargnera l’un ou l’autre d’entre nous. L’épreuve ardente par laquelle nous passons, nous éclairera, dans l’honneur ou le déshonneur, jusqu’à la dernière génération. Nous disons que nous sommes pour l’Union. Le monde n’oubliera pas que nous disons cela. Nous savons comment sauver l’Union. Le monde sait que nous savons comment le sauver. Nous mêmes, ici, détenons le pouvoir et portons la responsabilité. En donnant la liberté à l’esclave, nous assurons la liberté de tous les gens honorables aussi bien dans ce que nous donnons que dans ce que nous préservons. Nous sauverons noblement, ou perdrons ignoblement, le dernier et le meilleur espoir de la terre. D’autres voies peuvent réussir, celle-ci ne peut échouer. Elle est simple, pacifique, généreuse et juste – une voie que, si elle est suivie, le monde applaudira, et Dieu devra la bénir à jamais… Si nous faisons cela, nous n’aurons pas seulement sauvé l’Union, mais nous l’aurons ainsi sauvée de manière à la garder, à jamais, digne d’avoir été sauvée. Nous l’aurons sauvée au point que les millions de personnes libres et heureuses qui se succéderont dans le monde entier se lèveront et nous appelleront bienheureux, pour les dernières générations. »
Une dernière chance …
Comme Lincoln, le président Trump fait face aujourd’hui à de nombreuses menaces à la fois au sein de sa propre administration infestée de néoconservateurs et au sein de l’État profond dirigé par les Britanniques qui ont pris le contrôle du parti Démocrate depuis le meurtre de JFK.
Mais malgré ces problèmes, il est le premier président à invoquer publiquement le système américain de Lincoln par son nom, depuis l’assassinat du président McKinley en 1901. Son récent discours à la convention du parti républicain le 27 août a invoqué à plusieurs reprises le nom de Lincoln tout en appelant à un parti nouvellement reconstitué sans le poison de la dynastie Bush – la famille Bush a complètement boycotté la convention. Au cours du discours, Trump a déclaré :
«Le parti Républicain, le parti d’Abraham Lincoln, va de l’avant uni, déterminé et prêt à accueillir des millions de Démocrates, d’indépendants et quiconque croit en la grandeur de l’Amérique et au cœur vertueux du peuple américain.»
Dans un discours antérieur, au Kentucky en 2017, Trump a invoqué le «modèle américain» et a déclaré : « C’est le système que nos fondateurs voulaient. Nos plus grands dirigeants américains – dont George Washington, Hamilton, Jackson, Lincoln – sont tous convenu que pour que l’Amérique soit une nation forte, elle doit aussi être une grande nation manufacturière. »
Trump aura-t-il la force de faire subir aux vipères néoconservatrices de son cabinet le traitement de Bolton avant qu’elles ne déclenchent la guerre avec la Russie et la Chine ? Sera-t-il en mesure d’éviter une nouvelle crise économique, une guerre civile et un coup d’État avant 2021 ? Le système de Lincoln sera-t-il relancé à la fois en Amérique et aux côtés d’autres pays comme la Russie et la Chine avant qu’une catastrophe mondiale ne nous arrive ? Ces questions restent en suspens.
Matthew Ehret
Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone
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