Twitter annonce continuer sa lutte "pour la transparence". Qui peut être contre la "transparence"? Cette "transparence" orwellienne doit concerner le financement et la tenue de la ligne éditoriale des médias par les États. Enfin, pas tous les Etats. La Russie. Car elle fait de l'ingérence, paraît-il, sa ligne de conduite. A la différence bien connue de la BBC ou La Voix de l'Amérique qui, selon Twitter, sont "indépendants". En effet, les Etats qui les financent, eux, déstabilisent les pays au nom de la démocratie, ce ne peut pas être de l'ingérence. Autrement dit, maintenant, il n'est plus nécessaire de sauver les apparences. Dans le monde global, il est possible de déclarer ouvertement restreindre les médias tenant un discours alternatif, qui ne sont pas dans la ligne du discours formaté. RT a été "marqué". Pour que le bon peuple n'ait pas de doute : les médias russes, à la différence de l'AFP, la BBC ou autres médias financés par les Etats alignés, peuvent avoir une influence dangereuse sur la tranquillité publique en donnant accès à un point de vue différent. Ne l'oubliez pas si vous prenez le risque de sortir de la douce voie balisée par la propagande officielle. Pardons, par les médias indépendants - selon Twitter. Bref, la guerre de l'information continue, la guerre pour la représentation du monde.
Une étape a encore été franchie dans le processus de formatage du discours global, donc de la manière de penser le monde. Après l'action de Youtube contre certains médias russes (voir notre texte ici), c'est au tour de Twitter de prendre le relai.
Twitter a annoncé sans ambages et sans rougir, non seulement signaler les médias affiliés à un Etat, financièrement ou éditorialement, mais également ne plus les mettre en avant dans ses algorithmes. Ces mesures vont également concerner les comptes des officiels, des rédacteurs en chef, des journalistes éminents, bref de toute personne qui oserait diffuser un discours "déviant" (c'est-à-dire non conforme à la ligne globaliste) et qui aurait les moyens de le faire savoir.
Pour autant, semble se réjouir l'AFP, ces mesures ne vont pas concerner tous les médias financés par les Etats. Concrètement, à ce jour, cela concerne essentiellement les médias russes. Car comme le rappelle Le Monde reprenant le texte de l'AFP - en toute indépendance éditoriale, la Russie est accusée d'ingérence dans les affaires politiques du Monde libre. Citation de ce monument de propagande "indépendante":
"Les médias financés par les institutions étatiques mais jouissant d’une « indépendance éditoriale », comme la BBC ou NPR (National Public Radio, un média américain), ne seront pas concernés, précise Twitter. En France, les médias RT (pour Russia Today) et Sputnik ont été marqués comme affiliés à l’Etat russe, soupçonnés d’être des instruments d’influence téléguidé par le Kremlin." "Soupçonnés".
Donc, les restrictions ne concerneront pas tous les officiels. Vous pourrez vous regorger de la bonne pensance des Macron and Co, parfaitement utile à la diffusion de la pensée unique, en revanche, pour lire Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, ce sera plus difficile.
Ici deux questions.
Qui, chez Twitter, va être en mesure d'apprécier objectivement l'indépendance de la ligne éditoriale d'un média financé par l'Etat? Personne. Donc, finalement, Twitter, en fidèle chien de son maître, va mordre sur commande. Ainsi, certains Etats ont le droit de financer des médias et la politique de transparence n'oblige pas à prévenir les lecteurs. Sauf lorsqu'il s'agit de médias non-alignés. Comme RT ou Sputnik. Dont il faut par ailleurs restreindre la diffusion - au nom de la transparence ?
Qui vous dit que des médias financés par quelques grands groupes privés sont plus "indépendants" que les médias financés par les Etats? Exemple : si un groupe investi dans différents secteurs, au nombre desquels l'on trouve des labos, des médias, etc., en cas de crise sanitaire, quel sera le discours obligé ? Ou bien quand le responsable de ce groupe s'engage en politique, ses médias ne vont-ils pas servir les intérêts de son clan ? D'une manière générale, les grands groupes qui tiennent les médias défendent leurs intérêts et leur vision du monde, pourquoi ne pas signaler l'appartenance de chaque média, en précisant les différentes composantes du groupe ? Le devoir de transparence permettrait alors aux lecteurs et auditeurs de mieux comprendre l'étendue de la concentration médiatique et le formatage du discours qui en découle.
Mais non, cela est impossible, car c'est la Russie est accusée d'ingérence, pas la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis. Eux, font œuvre de "démocratisation", pas d'ingérence, c'est bien connu. Et comme ce sont eux qui tiennent les grands moyens de communication, ils ne vont pas se restreindre eux-même.
L'on en revient toujours à la même conclusion : l'on ne joue pas sur le terrain de l'autre sans être perdant, puisque l'on ne maîtrise pas les règles du jeu. Et sur le terrain de la maîtrise des outils de communication, le monde global est en position de force. En revanche, sa faiblesse est qu'il devient obligé de lutter contre toute dissidence, au risque de ne plus être global.+
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.