14 août 2020

Le gouvernement va réautoriser l'utilisation d'un insecticide interdit en 2018


Le gouvernement veut autoriser les agriculteurs à utiliser dès 2021, sous “conditions strictes”, des semences de betteraves enrobées d’un insecticide interdit depuis 2018 afin de “pérenniser” la filière sucrière française, malgré l’opposition des défenseurs de l’environnement et des apiculteurs qui y voient un véritable “retour en arrière”.

Les insecticides en question — les néonicotinoïdes — s’attaquent au système nerveux des insectes et donc des pollinisateurs comme les abeilles. Ils ont été interdits de tout usage phytosanitaire en septembre 2018, date d’entrée en vigueur d’une loi votée en 2016 pendant le quinquennat Hollande.

À l’époque, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait salué une décision qui faisait de la France un pays “précurseur pour la protection des pollinisateurs, de l’environnement et de la santé”. Mais déjà, certaines voix discordantes s’étaient fait entendre au sein du gouvernement d’Édouard Philippe, et la loi n’avait pu entrer en vigueur que grâce à l’acharnement de Nicolas Hulot, qui n’avait pas hésité à s’opposer à son collègue du ministère de l’Agriculture. L’ex Premier ministre avait finalement arbitré en faveur du ministre de la Transition écologique.

Toutefois, un Premier ministre et un nouveau gouvernement plus tard, la mesure semble bel et bien en passe de prendre du plomb dans l’aile. Ce jeudi 6 août, le ministère de l’Agriculture a annoncé son intention d’obtenir “une modification législative cet automne” permettant de déroger à l’interdiction de certains néonicotinoïdes, au plus tard jusqu’en 2023. 

La filière sucrière finalement satisfaite...

La raison? Les alertes des planteurs de betteraves français au sujet de la situation de la filière sucrière, démunie selon eux face aux pucerons verts, presque immanquablement vecteurs du virus de la jaunisse qui fait s’effondrer les rendements.

La récolte est prévue cet automne. Mais le syndicat spécialisé CGB, affilié à la FNSEA, a déjà estimé que la France produirait “600.000 à 800.000 tonnes de sucre” en moins cette année faute de solution face à la jaunisse. Soutenu par des élus locaux et nationaux, le syndicat avait demandé de pouvoir recourir à nouveau aux néonicotinoïdes pour protéger les plantes des pucerons et garantir les rendements.

“Le gouvernement reconnaît l’impasse dans laquelle sont les agriculteurs. Il faut avancer maintenant très vite pour avoir une loi”, a réagi auprès de l’AFP le président de la CGB Franck Sander.

“Les producteurs se sont engagés pour que toutes les précautions soient prises afin que la dérogation soit circonscrite”, soulignent dans un communiqué les syndicats agricoles majoritaires FNSEA et Jeunes agriculteurs. “Il ne s’agit pas de remettre en question l’indispensable transition écologique. Il s’agit de nous permettre d’être les acteurs de cette transition et non les victimes”, assure de son côté Olivier de Bohan, président du sucrier Cristal Union (marque Daddy).
... au détriment de l’environnement

En face, le président de Générations futures François Veillerette dit sa “colère”. “La France avait été exemplaire et là, on recule”, a-t-il déploré auprès de l’AFP.

“Nous ne pouvons accepter un retour en arrière”, soutient également l’Union nationale des apiculteurs (Unaf), dans une lettre publiée juste avant l’annonce ministérielle. Autoriser les néonicotinoïdes serait “catastrophique pour la filière apicole et pour l’ensemble des insectes pollinisateurs déjà fortement fragilisés en France”, selon l’Unaf.

C’est un “premier échec” pour la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili et “une terrible nouvelle pour l’environnement”, estime sur Twitter l’ONG Greenpeace.

“La solution annoncée a été coordonnée avec le ministère de la Transition écologique”, a indiqué ce dernier à l’AFP. Pour le ministère de l’Agriculture, il y avait “urgence à agir”.

Dans le détail, il veut “permettre explicitement, pour la campagne 2021 et le cas échéant les deux campagnes suivantes tout au plus”, de déroger à l’interdiction. Ce sera “dans des conditions strictement encadrées” et “comme le font d’autres pays européens confrontés aux mêmes difficultés”, selon un communiqué.

Il est uniquement envisagé d’autoriser l’enrobage des semences par des néonicotinoïdes. Il restera interdit de pulvériser ces produits dans l’air. De plus, les agriculteurs ne pourront pas planter ensuite sur la même parcelle des cultures susceptibles d’attirer des pollinisateurs afin de ne pas les exposer “aux résidus éventuels”.

“Cette crise de la jaunisse fragilise l’ensemble du secteur sucrier et crée le risque d’un abandon massif de la betterave en 2021 par les agriculteurs au profit d’autres cultures. Or la France est le premier producteur de sucre européen. Le secteur concerne 46.000 emplois dont 25.000 agriculteurs et 21 sucreries”, fait valoir le ministère.

Le gouvernement prévoit par ailleurs de mobiliser “dès 2021 dans le cadre du plan de relance” cinq millions d’euros supplémentaires pour financer la recherche de solutions “alternatives véritablement efficaces” aux néonicotinoïdes, mais aussi d’indemniser les planteurs ayant subi en 2020 des “pertes importantes liées à cette crise de la jaunisse de la betterave”.

Un “plan de protection des pollinisateurs” doit être défini “d’ici fin 2020″, tandis que les agriculteurs devront travailler à se prémunir davantage des infestations de pucerons.



"Un “plan de protection des pollinisateurs” doit être défini “d’ici fin 2020″" : Fournir des masques et du gel aux abeilles ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.