Qu’ont en commun l’Association des journalistes lesbiennes, gays, bi·e·s, trans et intersexes (AJL), la Société des Habous et des lieux saints de l’Islam (gestionnaire de l’Institut musulman de la Grande mosquée de Paris), l’Association pour la promotion des migrants de l’agglomération rouennaise, et Pilou pétanque à Canet-en-Roussillon? Elles ont toutes touché de l’argent public au titre de subventions.
En 2018, le montant de ces aides de l’État, reversées à la myriade d’associations qui constellent la vie sociale sur le territoire français, a atteint un record de 7,2 milliards d’euros. Une somme qui prend tout son sens au regard de son évolution depuis 2010: selon les informations compilées sur le site politologue.com, le montant global d’argent public alloué aux associations a explosé ces dernières années. En 2011, ces subventions s’élevaient à 1,3 milliard d’euros, en baisse par rapport à 2010. Sept ans plus tard, leur montant a été multiplié par plus de cinq. Comment expliquer une telle évolution exponentielle?
Le nombre d’associations subventionnées explose
Au seul regard des statistiques dressées par le travail du webmaster du site, qui reprend les informations des PLF (Projet de loi de finances) et recense 382.110 subventions sur la période 2010-2018, on constate que la générosité moyenne de l’État a été constante au fil des ans, mais que c’est le nombre de structures associatives qui s’est démultiplié. Le montant moyen des subventions par association n’a ainsi augmenté que de 6,5% en neuf ans, passant de 73.487 à 78.306 euros. Une évolution qui ne fut d’ailleurs pas constante, avec des points bas comme en 2011 et 2015. Même constat au niveau du montant médian: à quelques exceptions près, celui-ci oscille autour des 5.000 euros.
Mais, parallèlement, le nombre d’associations subventionnées a bondi. D’un peu plus de 20.000 en 2010, leur nombre est passé au-dessus de 92.000 en 2018, soit près de cinq fois plus. Plus marquant encore, cette explosion se concentre entre 2016 et 2018. Résultat: sur ces trois seules années, les dépenses ont été multipliées par quatre.
En tête des programmes recevant le plus de subventions, l’hébergement d’urgence, l’accès et le retour à l’emploi, ou encore la création. Au sein du top 20 dressé par le site, on observe de fortes disparités en matière d’évolution. Ainsi, l’hébergement d’urgence est soudainement passé d’une vingtaine de millions d’euros en moyenne à 1,2 milliard en 2016, puis 1,6 milliard en 2018.
Même évolution exponentielle pour la catégorie «inclusion sociale et protection des personnes»: d’une moyenne de dix millions d’euros par an entre 2013 et 2015, elle voit son montant multiplié par 45 à partir de 2016, bondissant à 594 millions d’euros. Un niveau annuel de subventions qui se maintiendrait depuis.
La catégorie «accès au droit et à la justice» passe quant à elle subitement de 29 millions d’euros en 2017 à 393 millions l’année suivante. «Immigration et asile», quasi inexistant avant 2016 avec moins d’un million d’euros de subventions par an, passe à 273 millions pour finalement atteindre près d’un demi-milliard d’euros en 2018. La politique de la ville suit également la tendance. De quelques millions avant 2016, les subventions abondent à partir de cette année-là à hauteur de 141 millions d’euros annuels.
Inversement, des catégories s’effondrent depuis quelques années, comme par exemple «accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi», dont le montant est divisé par plus de trois entre 2016 et 2017. Un constat qui interpelle alors que le chômage progresse. Enfin, d’autres catégories ne bougent pas: le patrimoine, la vie de l’élève, le sport, la création ou encore l’accès et le retour à l’emploi.
Paris, Eldorado des associations subventionnées
Point marquant, la répartition géographique des subventions: Paris est de très loin le département où se trouvent les associations cumulant le plus de subventions entre 2010 et 2018.
L’hébergement d’urgence en est une illustration criante, avec plus d’un milliard d’euros de subventions distribuées aux associations domiciliées dans la capitale, quatre fois plus que celles dans le département du Nord, en deuxième position. Idem avec la création: les associations parisiennes raflent 708 millions de subventions, six fois plus que le deuxième département de la catégorie, les Bouches-du-Rhône. Même cas de figure concernant les aides aux associations relatives à l’immigration et l’asile, qui à Paris cumulent 190 millions d’euros sur huit ans, contre 38 millions dans les Bouches-du-Rhône. Tendance encore plus marquée pour la catégorie «recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire», où les associations de la capitale obtiennent 418 millions d’euros sur neuf ans contre… douze dans le Nord.
Reste à savoir comment les largesses de cette générosité publique sont perçues par les Français. En effet, si l’État se montre relativement regardant quant aux entrées d’argent, il semble l’être beaucoup moins quand il s’agit de le dépenser. Un autre point, tout aussi sensible, concerne la tendance des pouvoirs publics à reposer sur certaines de ces associations, notamment dans les quartiers sensibles, pour se défausser de certaines de ses prérogatives. «Les associations ne sont pas un coût, un boulet, mais une chance» pour les pouvoirs publics, notamment grâce aux économies qu’elles permettraient à ces derniers de faire, déclarait fin octobre 2019 le transfuge socialiste Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, lors de son audition à l’Assemblée. Des propos qui avaient créé la polémique.
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