27 juillet 2020

Horizons incertains



"Comme un nageur venant du profond de son plonge, tous sortent de la mort comme l'on sort d'un songe"
- Agrippa d'Aubigné

Le cœur humain est le point de départ et d’arrivée de toutes choses à la guerre. Devenir soldat, c’est se porter volontaire pour pénétrer dans des cercles de violence dont le centre est la mort. Comme un objet à très forte gravité qui déforme les lois de la physique à son approche, la présence de la mort transforme l’univers autour d’elle. Le monde n’est plus le même lorsqu’on sait que l’on peut tuer ou être tué dans les minutes qui viennent. Son aspect physique est différent, agrandi à certains endroits comme par une loupe et flou par ailleurs. Le temps ne s’écoule plus non plus de la même façon, accéléré parfois, ralenti souvent, sans que l’on ne sache jamais le mesurer correctement.

Tout cela n’est évidemment qu’illusion et il suffit que chacun décrive sa propre expérience au même endroit pour comprendre que l’on vient tous de vivre un mauvais rêve différent. Près de la mort, ce n’est pas le monde qui bouge mais l’homme qui danse de l’intérieur.

S’approcher de la mort c’est donc accepter d’être éventuellement frappé dans sa chair et d’être transformé à coup sûr dans son âme. S’en écarter, c’est essayer de reconstituer un être normal. Et puis, il faut recommencer, replonger, ressortir, et ainsi de suite, pendant des mois, parfois des années et sur des théâtres différents. À force de se plier et se déplier, cela finit parfois par casser. Nul n’est exempté de ce risque qu’ils soient jeunes ou vétérans, qu’il soit combattant, mais aussi médecin, car ce n’est pas parce que l’on veut éviter la mort et réduire les souffrances des autres qu’on les réduit forcément pour soi-même.

Commence alors une autre campagne, souvent plus longue encore que celle qui a causé la déchirure de l’âme et qui est surtout une campagne intérieure. Dans ce nouveau combat, les mots sont souvent des munitions pour repousser les démons. Autant qu’ils soient beaux, autant qu’ils soient forts. C’est le cas d’Horizons incertains qui doit se lire aussi comme une campagne intérieure ou comme un récit de voyage depuis le profond sombre jusqu’au retour à la surface de la vie. Sa publication est comme un bulletin de victoire. Un sombre et beau bulletin de victoire.

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