22 juillet 2020

"Chicago-sur-Garonne” : l’ensauvagement de Bordeaux



Jour de fête nationale, vers 23h, la célébration tourne au pugilat près du miroir d’eau, reflet troublé d’une ville réputée si paisible. Un homme prend la fuite, direction la Garonne. A ses trousses, une horde enragée le pourchasse, le contexte est nébuleux. Ahuri, un témoin raconte à Valeurs actuelles : « Je les ai vu débouler, ils étaient environ une centaine. Le gars s’est réfugié derrière la barrière (qui sépare le quai du fleuve, ndlr) puis il a sauté à l’eau. Plus tard les pompiers sont arrivés et lui ont jeté une bouée. »
La scène, évoquée ici pour la première fois, est à l’image du cadre, autrefois idyllique, maintenant ensauvagé. Les quais de Bordeaux : hier hangars et parkings désaffectés, aujourd’hui lieu arboré de flâneries estivales, demain terrain privilégié de la délinquance ? Les agressions, souvent le fait d'immigrés, s’y multiplient de manière inquiétante, à l’image d’une violente rixe où la police était intervenue, sans succès, comme nous le révélions fin juin. Le 18 juillet, un homme y était encore gazé puis poignardé au thorax, pour avoir pris la défense d’une femme frappée au sol. « Je suis né à Bordeaux il y a 44 ans. Je n’ai jamais connu ma ville si violente », dira-t-il.

Parvenu au Palais Rohan, dans un inattendu hold-up électoral, le maire EELV Pierre Hurmic, fait montre, en la matière, d’un silence assourdissant. « On ne peut pas se disperser sur tous les sujets d’actualité brûlante en ce moment », excusait son directeur de cabinet. La première adresse de l’édile à la population bordelaise, sera bien à la vigilance… quant au regain de la pandémie de coronavirus dans la région. Sa première profession de foi : « un moratoire sur la 5G », « l’encadrement des loyers » ou « le retour en régie de l’eau », alors que sitôt élu, il avait décrété l’impalpable « état d’urgence écologique » dans la ville, en état d’insécurité bien palpable.

De son côté, la droite bordelaise, édulcorée par son jeu d'alliance pré-électoral avec LREM, n’est guère plus audible.
« Vous pensez bien que chez les Verts, les écologistes, on n’est pas très favorables au tout répressif ».

Indifférent à Valeurs actuelles depuis son élection, Pierre Hurmic est plus prolixe dans Sud-Ouest, l’institution locale, qui l’interrogeait sur le sujet : « J’ai été très souvent alerté là-dessus durant la campagne électorale. Mais les questions de sécurité ne se règlent pas d’un coup de baguette magique ou par des déclarations publiques tonitruantes », expliquait le maire, qui, quelques jours après, contrevenait pourtant, force communiqué et tweet, à son ambition chevillée : « Je n’ai pas envie de parler pour parler ». Dans un entretien à la radio locale La clé des Ondes, le candidat Hurmic donnait alors une clé de compréhension de son logiciel politique : « Vous pensez bien que chez les Verts, les écologistes, on n’est pas très favorables au tout répressif. »

De son côté, la droite bordelaise, édulcorée par son jeu d’alliance pré-électoral avec LREM, n’est guère plus audible. « Un abattement profond et une forme de renonciation », explique-t-on, dans l’entourage de Nicolas Florian, le successeur déchu d’Alain Juppé. « Est-ce qu’on a fait si bien que ça sur la sécurité ? », s’interroge un autre, qui confie aujourd’hui sa « déception quotidienne ». Rare rescapé de la recomposition, retiré dans l’opposition, Pierre de Gaëtan Njikam tempête : « Je n’ai jamais vu dans toutes nos réunions de quartier les colistiers de Pierre Hurmic s’exprimer sur ces questions. Les délinquants considèrent que licence leur est donnée. Il faut très vite annoncer des choses », pour enrayer l’ensauvagement de feu « la Belle endormie », appelant au renforcement du « partenariat entre le Parquet et la Police nationale. »

Feu la bourgeoise « belle endormie », se réveille groggy

C’est dans cette optique qu’un Groupe local de traitement de la délinquance (GLTD) a été implanté, quartier Saint-Michel, haut lieu du trafic de drogue bordelais. Repérable à des kilomètres, à sa flèche attenante de la basilique, l’endroit subit l’essor décomplexé d’agressions déjà monnaie courante. En début de soirée, ce 14 juillet, les clients d’une terrasse, place Meynard, sont horrifiés par un passage à tabac au milieu des tables. « L’agresseur était armé d’une barre de fer. Il semblait déchaîné et aurait pu tuer l’homme à terre. Les clients du restaurant ont hurlé, il est reparti », assurait dans Sud-Ouest un témoin. Appelés à deux reprises, les policiers ne se déplaceront pas, trop occupés par la maîtrise d’un rassemblement non autorisé sur les quais, à quelques pas, et par la recherche d’un individu aux troubles psychiatriques, enfuit de l’hôpital.

La triple tentative de viols qu'ont subit trois jeunes femmes, par un Lybien de 20 ans en situation irrégulière, dans la nuit du 28 au 29 juin dernier, a durablement marqué les esprits.

« Le rapport policiers/population est largement déficitaire à Bordeaux », regrette Philippe Rolland, secrétaire régional du syndicat Unité SGP Police FO. « Cela fait des années qu’on demande plus d’effectifs. Nous contestons l’outil statistique qu’est l’EDFA (Effectif départemental de fonctionnement annuel, qui détermine le nombre de policiers affectés, ndlr) », nous explique-t-il. Un acronyme barbare pour une politique de maintien de l’ordre qui l’est tout autant, d’après cet ancien brigadier de la région parisienne.

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