11 juin 2020

Sur demande du gouvernement, un fonds d'aide aux petites entreprises affectées par la crise du coronavirus est sur le point d'être interdit



Quand un coup de pouce se transforme en coup dur. Ainsi pourrait-on résumer l'histoire du fonds d'aide aux petites entreprises ardennaises. Adopté en mai par le Conseil départemental, ce dispositif de cinq millions d'euros devait épauler les entrepreneurs fragilisés par la crise sanitaire. Aujourd'hui, l'État demande son annulation devant le tribunal administratif de Charleville-Mézières.

"Nous sommes à la fois dans l'incompréhension et l'amertume, soupire Noël Bourgeois, président Les Républicains (LR) du Conseil départemental. Ce budget exceptionnel avait été voté à l'unanimité. Cela montrait bien son importance !" Notifiée le 25 mai dernier, la procédure engagée par l'État s'appuie sur la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) de 2015, qui avait retiré aux départements leur compétence économique. Si, juridiquement, Noël Bourgeois reconnaît que la démarche "se justifie", il déplore "un manque de bon sens et de discernement" : "Le président de la République n'a cessé de répéter que nous étions en guerre ! À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles !"

Un fonds d'aide pour les entreprises de deux salariés maximum

Pensé pour relancer l'économie ardennaise après le confinement, ce fonds d'aide se destinait aux "très petites entreprises" composées de moins de trois salariés. Il devait s'articuler autour de trois mesures. Premièrement, une aide de 3.000 euros maximum aurait été débloquée pour aider les artisans ou commerçants indépendants à reconstituer leurs fournitures ou leurs marchandises. "Typiquement, un fleuriste aurait pu se refaire tout un stock grâce à cette somme", explique Noël Bourgeois. Deuxièmement, une entreprise aurait pu toucher jusqu'à deux fois 500 euros pour la mise en place des mesures barrières ou l'achat de masques. Enfin, chaque enseigne jugée "indispensable à la vie des petites communes rurales" (celles comptant moins de 2.000 habitants) aurait bénéficié d'une aide de 2.000 euros. "Ce coup de main s'adressait, par exemple, au petit coiffeur situé dans le bourg d'un village", poursuit le président du Conseil départemental.

L'État nous interdit d'être dans le préventif (...) Il préfère que les départements restent dans le curatif

Pour les sociétés concernées, le dispositif présentait un avantage : les sommes versées auraient constitué des subventions directes, et non des avances. En d'autres termes : les patrons n'auraient pas eu à les rembourser. "Que voulez-vous ? L'État nous interdit d'être dans le préventif, d'intervenir en amont, dénonce Noël Bourgeois. Il préfère que les départements restent dans le curatif, à verser des prestations sociales. Avec les dégâts annoncés et toutes les personnes qui vont se retrouver sans emploi, les demandes de RSA vont exploser. On aurait pu éviter cela."

La colère de Noël Bourgeois trouve une résonance jusque dans les couloirs de l'Assemblée nationale. La semaine dernière, Pierre Cordier, député LR des Ardennes, a déposé une proposition de loi visant à autoriser, de façon exceptionnelle, les départements à intervenir en matière économique. Le texte fera l'objet d'un vote ce jeudi dans l'hémicycle, mais son auteur ne nourrit aucune illusion quant à l'issue des débats : "En commission, les députés de la majorité ont fait savoir qu'ils s'y opposeraient, raconte Pierre Cordier. Je suis stupéfait. C'est un scandale ! Toutes les idées qui ne viennent pas d'eux sont refusées !"

Si le parlementaire ardennais fulmine (il a notamment exprimé sa colère à travers son compte Twitter), c'est parce que sa proposition lui semblait "raisonnable" : "Depuis 2019, la loi autorise les départements à se mêler de l'économie en cas de catastrophe naturelle. Pourquoi ne pas faire pareil en cas de catastrophe sanitaire ? Le parallèle me paraît pertinent, d'autant que j'ai demandé que cette extension de compétences soit limitée dans le temps, qu'elle ne s'applique que jusqu'au 31 décembre !"

Parmi les aides spécifiquement accordées aux micro-entrepreneurs et petites entreprises, reste aujourd'hui le fonds "Résistance" de la région Grand Est. Créé pour accompagner les sociétés en leur accordant des avances remboursables, ce dispositif s'élève à 44 millions d'euros, dont 2,2 dévolus au département des Ardennes... qui y a lui-même contribué à hauteur de 550.000 euros. "Dans ce sens-là, cela n'a dérangé personne que le Conseil départemental consacre une partie de son budget à la relance économique, ironise Noël Bourgeois. Tout cela est absurde."

Le sort du fonds d'aide sera scellé dès que le tribunal administratif de Charleville-Mézières rendra son jugement.

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