30 juin 2020

Le plus gros porte-conteneurs français émet plus de CO2 que la totalité du parc automobile français



Il mesure 400 mètres de long pour 59 mètres de large et transporte plus de 20 000 conteneurs sur le pont : Antoine de Saint Exupéry est actuellement le plus grand porte-conteneurs sous pavillon français. Le navire, exploité depuis 2018 par l'entreprise française CMA CGM, traversait, jeudi 25 juin, le détroit de Gibraltar en direction de Southampton (Royaume-Uni).

Mais à quel niveau ce poids lourd des mers pollue-t-il ? Il émettrait autant de CO2 "que 55 millions de voitures", selon des chiffres qui circulent depuis plusieurs années, et relayés dans les médias ou sur les réseaux sociaux. "40 millions de voitures circulent en France. [...] Rapatrions plutôt quelques usines pour réduire les besoins de transport maritime !", s'exclamait ainsi, lundi, un utilisateur de Twitter remonté contre la très commentée proposition de la Convention citoyenne de réduire la vitesse sur autoroute à 110 km/h. Il y a effectivement 39,3 millions de véhicules en circulation en France et 52 millions immatriculés. Ce twitto précise ensuite en commentaire que cette comparaison avec les porte-conteneurs ne s'applique en fait pas au dioxyde de carbone (le CO2) mais au dioxyde de soufre (le SO2, qui fait partie du groupe des oxydes de soufre). Alors, vrai ou fake ? Quels sont les véritables chiffres des émissions de CO2 d'un si gros navire ? Parle-t-on de CO2 ou de SO2 ? On vous explique tout.

Posons le calcul pour les émissions de CO2. Selon les chiffres du constructeur transmis à France Bleu Normandie lors de son inauguration au Havre en septembre 2018, le porte-conteneurs Antoine de Saint Exupéry émet 30 grammes de dioxyde de carbone (CO2) par kilomètre et par "équivalent vingt pieds" (autrement dit, par conteneur de 6,1m de long). Sur le pont, le navire peut embarquer 20 600 de ces conteneurs. Par kilomètre, le porte-conteneurs émet donc 618 000 grammes (30 x 20 600) de CO2.

Qu'en est-il du côté des voitures ? Contactée par franceinfo, l'Agence de la transition écologique (Ademe) estime que le parc automobile français (neuf et ancien) émet en moyenne 193 g de CO2 par kilomètre et par voiture.

Ainsi, pour un kilomètre parcouru, le porte-conteneurs Antoine de Saint Exupéry émettrait autant de CO2 que 3 202 voitures. Soit plus de 17 000 fois moins que ce qu'indique l'affirmation de départ.

Cependant, comparer un porte-conteneurs à des voitures n'est pas pertinent : le premier transporte des marchandises lourdes, tandis que les secondes transportent des passagers et un chargement réduit. Pour y voir plus clair, jetons un œil aux émissions de CO2 par "tonne-kilomètre" (c'est-à-dire pour une tonne déplacée par kilomètre) afin de disposer d'une comparaison à charges égales.

Interrogée par franceinfo, la société CMA CGM affirme que le porte-conteneurs Antoine de Saint Exupéry "émet 3 grammes de CO2 par kilomètre et par tonne transportée". Sur la route, un camion porte-conteneurs articulé de 40 tonnes fabrique à lui seul 91,6 g de CO2 par tonne-kilomètre, estime l'Ademe dans un guide publié en 2012 (PDF), soit trente fois plus.

Le transport ferroviaire, de son côté, émet entre 1,47 et 34,9 g par tonne-kilomètre (selon la densité de la marchandise et la source d'énergie utilisée, précise toujours l'Ademe). Quant au transport aérien de fret, les chiffres des émissions s'envolent : entre 669 et 3 171 g de CO2 par tonne-kilomètre, en fonction des caractéristiques du vol.

Au total, c'est donc bien le transport routier qui émettrait le plus de CO2, avec 1 460 millions de tonnes rejetées dans l'atmosphère en 2015, contre 867 pour le transport fluvial et maritime de marchandises, indique un rapport du Forum international des transports (FIT) paru en 2019. Autrement dit, le fret routier causerait près de 57% des émissions mondiales de CO2 dues au transport de marchandises, contre 33,6% pour le fret maritime.

Nous l'avons dit, le plus gros porte-conteneurs français n'émet pas autant de dioxyde de carbone que "55 millions de voitures". Mais chercher l'origine de ces chiffres nous emmène sur la trace d'une autre pollution aussi dangereuse : celle causée par les oxydes de soufre (SOx), à commencer par le dioxyde de soufre (SO2) mentionné par l'auteur du tweet en commentaire. "Les émissions de soufre de ces transports [maritimes] à elles seules seraient responsables d’environ 50 000 morts prématurées par an en Europe", rapporte le regroupement d'associations France Nature Environnement.

En 2009, le Guardian (en anglais) ainsi que le Daily Mail (en anglais) écrivaient qu'une quinzaine de porte-conteneurs suffisaient à produire autant d'oxydes de soufre que les 760 millions de voitures en circulation sur la planète. Un calcul qui s'appuie sur le travail du professeur américain James Corbett, chercheur à l'université du Delaware. "Les voitures qui parcourent 15 000 km par an émettent approximativement 101 grammes d'oxyde de soufre pendant cette période", écrit le Guardian, contre "5 200 tonnes" pour les plus gros navires de la planète qui, eux, "opèrent environ 280 jours par an".

Un rapide calcul laisse donc entendre qu'un seul de ces quinze gros navires émettrait autant d'oxydes de soufre qu'environ 50 millions de voitures. On retombe, peu ou prou, sur les chiffres de notre infox, en y ajoutant la confusion SO2/CO2.

Néanmoins, une information d'importance doit être ajoutée. Comme le relatait la BBC (en anglais) en 2018, l'affirmation des journaux britanniques est également erronée. En cause : une mauvaise interprétation des travaux de James Corbett.

Ce dernier explique lui-même que ce calcul n'était qu'une hypothèse, imaginant quelle serait la situation "si les navires utilisaient un carburant de la pire qualité autorisée (...) et si toutes les voitures utilisaient l'essence la plus propre". James Corbett ne cache pas avoir recherché un certain sensationnalisme derrière un tel résultat. "C'était un calcul simpliste, affirme le chercheur à la BBC, pour attirer l'attention du public sur les débats visant à rendre les navires plus propres, afin que l'industrie navale reconnaisse [...] qu'il fallait améliorer les performances environnementales des bateaux et réduire la pollution de l'air provenant des navires."

Des évolutions ont eu lieu sous l'égide de l'Organisation maritime internationale. Des zones de contrôle des émissions ont été mises en place depuis les années 2010 pour diminuer la teneur en soufre du carburant des portes-conteneurs. Dans la mer Baltique, la mer du Nord et la Manche, le maximum autorisé est de 0,1% depuis 2015, rappelle Le Monde. Dans ce cas précis, les émissions de soufre d'un navire équivaudraient aujourd'hui à celles d'un million de voitures, ajoute le quotidien.


L'écologisme et sont cheval de bataille le CO2, servent à détourner l'attention des vrais problèmes de ce monde : la finance et ses corollaires, la pollution, la pauvreté, etc...

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