27 juin 2020

France Soir : Comment l’industrie pharmaceutique a vendu son âme…



L'histoire du parcours d'un médicament n'est pas un long fleuve tranquille. Elle se raconte en trois actes. Le premier s'intéresse à la création du médicament : comment ? En combien de temps ? Qui ? Le second acte évoquera comment des financements peuvent intervenir au "bon moment". Enfin le troisième et dernier acte s'attardera sur les conflits d'intérêt en citant le scandale du LancetGate.

La recherche médicale avait jadis des objectifs louables :

Comprendre une maladie donnée, trouver un ou des traitements pour la soigner et mettre au point des techniques de prévention.

La finalité était le soin des patients, dans un contexte de bénéfice/risque et la mise au point de nouveaux médicaments pour une pathologie donnée ayant un ou des traitement(s) de référence avait pour seul objectif d’améliorer l’efficacité et/ou la tolérance du traitement.

En 30 ans, différents paramètres ont transformé l’industrie du médicament en un business mondialement organisé, si lucratif que l’éthique a totalement quitté ce champ de la médecine qui est désormais manipulé par des personnes et groupes d’intérêt dépourvus d’humanité et dont la santé des patients est le cadet des soucis.

Tout le monde n’en a pas conscience, il est urgent d’ouvrir les yeux !


La crise du coronavirus est un cas d’école.

Comment créer un médicament ?

La mise au point d’un médicament destiné à être utilisé chez l’homme est dans le champ de la recherche et du développement (R&D) et peut se résumer en deux grandes étapes : la recherche pré-clinique et la recherche clinique.

En pré-clinique, plusieurs aspects sont travaillés :

1/ la découverte d’un principe actif auquel on attribue un nom qui sera sa dénomination commune internationale (DCI),

2/ la galénique qui est la mise en forme du principe actif en fonction de la voie d’administration choisie (comprimé, gélule, ampoule, …),

3/ la mise en test in vitro si applicable pour la pathologie étudiée,

4/ la mise en test sur différentes espèces animales pour évaluer avant toute chose la toxicité, puis l’efficacité s’il y a des modèles animaux pertinents pour une pathologie donnée,

5/ l’évaluation de la stabilité du produit qui permet de définir ses conditions de conservation et de péremption.

En clinique, on passe en test chez l’être humain, en 4 phases. Ce développement a pour objectif d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans une indication clinique donnée. Exemple : traitement de la polyarthrite rhumatoïde

La Phase I analyse la tolérance du traitement. La « première administration chez l’homme » est réalisée sur un petit groupe de personnes, en général des volontaires sains, à différentes doses inspirées des informations recueillies lors des tests sur les animaux, en particulier, chez les singes (études réalisées par le passé).

La Phase II a pour objectif de trouver la dose la plus adaptée pour obtenir une efficacité thérapeutique dans un contexte de tolérance optimal eu égard au bénéfice/risque par rapport à la pathologie étudiée. Elle est réalisée chez des personnes malades.

Cette phase de recherche est complexe et prend beaucoup de temps quand elle est bien faite. C’est à ce stade que l’on doit également évaluer les interactions médicamenteuses possibles en cas de co-prescription et l’impact sur les comorbidités dont un patient peut souffrir, en particulier sur le sujet des insuffisances hépatiques et rénales, le foie et les reins étant les deux voies préférentielles d’élimination des médicaments.

La Phase III se résume en général à une grande étude sur une population de gens malades où le médicament va être testé soit contre placebo s’il n’existe pas encore de traitement de la pathologie, soit contre un produit faisant déjà référence, l’intérêt étant alors de prouver une meilleure efficacité et/ou une meilleure tolérance que l’existant.

Pour une évaluation objective, les études de phase III doivent être conduites « en double aveugle », c’est-à-dire que ni le patient, ni le médecin réalisant l’évaluation du traitement ne connaissent le produit administré. Pour ce faire, l’inclusion dans l’étude se fait par tirage au sort du traitement (randomisation) et les lots cliniques (médicaments ou placebo) doivent être identiques dans leur présentation.

La Phase IV concerne des études permettant d’approfondir la connaissance du médicament. Elles ont, avec le temps, perdu cet objectif et sont devenues des études de « prescription » pour inciter les médecins à tester le médicament une fois obtenue l’AMM.

Le développement correct d’un médicament dure entre 10 et 15 ans,

En fonction des difficultés rencontrées et pouvant survenir à tous les stades, qu’ils soient pré-cliniques ou cliniques. Cela nécessite des investissements très importants.

Un suivi de la tolérance doit être effectué après la mise sur le marché, c’est ce que l’on appelle la pharmacovigilance. C’est une surveillance fondamentale, car l’utilisation à très grande échelle d’un médicament peut révéler de nouveaux effets indésirables, des événements peuvent n’être visibles qu’à grande distance de l’administration et les complications secondaires aux usages chroniques ne peuvent généralement pas être évalués sur les phases III dont la durée est limitée.

Trente années de dérive en R&D

Par le passé, chaque pays avait une agence du médicament, qui était responsable de l’évaluation des dossiers et attribuait les AMM. Les développements cliniques étaient alors faits pays par pays, en particulier les phases III. Ceci avait une pertinence puisque ces études étaient réalisées dans le contexte de soin du pays et avec une population représentative du pays.

On ne prend pas en charge de la même façon un patient souffrant d’un infarctus du myocarde en France, en Biélorussie et au Mali, par exemple, et les profils des patients ne sont pas les mêmes.

Trois éléments majeurs sont venus pervertir la R&D dans le secteur de l’industrie pharmaceutique : le profit, la mondialisation des études cliniques et la centralisation des AMM pour ce qui est de l’Europe.

Le profit

Dans une économie de court terme, 10-15 ans de R&D c’est trop long quand on veut un retour sur investissement rapide. A ce stade, il convient de rappeler, qu’à l’origine, les entreprises de « la pharma » furent créées le plus souvent par des pharmaciens ou des médecins et que leur développement était souvent familial. La plupart de ces laboratoires, où qualité du travail et éthique étaient deux valeurs essentielles, ont tous été vendus avec le temps pour devenir des entreprises cotées en bourse avec un objectif central de rentabilité. On assiste depuis à des phases de concentration et déconcentration de cette industrie aux airs de big bang/big crunch avec des stratégies d’externalisation maximales de la coûteuse R&D qui ont conduit à l’avènement des entreprises de « biotech » chargées de trouver de nouvelles molécules et des CRO (contract research organization) mandatées pour en assurer le développement.

Pour financer les screenings de molécules et débuter leur développement, les biotech recherchent des investisseurs et ne peuvent les attirer qu’avec des promesses de rentabilité faramineuses sous-tendues par des annonces de résultats prometteurs, pas toujours faciles à décrypter pour des non scientifiques. Mais, cela marche et biotech et laboratoires pharmaceutiques savent parfaitement manipuler les cours de bourses avec les annonces faites autour du mot presque magique de « PIPELINE », traduisez le nombre de molécules « dans le tuyau » du développement. Rien de mieux pour créer du mouvement en bourse que d’annoncer la fusion de structures, la création de joint-venture ou des partenariats de commercialisation alors qu’aucune certitude thérapeutique n’existe encore. Rien de mieux également pour créer du mouvement en bourse que l’annonce d’un arrêt de développement favorisant une OPA (offre publique d’achat) potentielle pour racheter un concurrent.

Un développement de 10 ans, c’est un peu long pour créer du mouvement, c’est là qu’interviennent les CRO.

Au 19e siècle la recherche était empirique puis s’est petit à petit structurée de telle sorte que chaque laboratoire conséquent disposait d’une équipe de R&D et assurait elle-même cette partie du « D » de façon consciencieuse. Des médecins étaient sollicités en tant qu’« investigateurs » pour tester les nouvelles molécules auprès des patients. L’avènement du recueil du consentement éclairé des patients a été très important pour garantir une transparence aux études faites sur le terrain et les Bonnes Pratiques Cliniques (BPC) ont apporté une démarche qualité très utile en recherche. Le métier d’attaché de recherche clinique (ARC) est né et les données cliniques recueillies auprès des investigateurs étaient soigneusement consignées dans des cahiers d’observation eux-mêmes soigneusement analysés par les médecins de R&D pour en vérifier la cohérence avant analyse statistique, ce travail générant souvent des allers-retours de questions entre médecins investigateurs et médecins de R&D. Les observations saisies étaient alors de bonne qualité, les informations de tolérance étaient correctement documentées, en aveugle.

On était à ce stade dans le bon côté du concept d’Evidence-Based Medicine de Gordon Guyatt avec prise en compte de l’expertise des cliniciens, du patient et de données cliniques fiables, recueillies avec transparence et éthique.

Mais, la qualité a un coût et prend du temps, tous paramètres incompatibles avec un retour sur investissement (ROI - return on investment) rapide. La sous-traitance des études cliniques a débuté, les CRO sont nées avec pour objectif de faire plus vite et moins cher. Les cahiers d’observation des patients n’ont plus été analysés un par un par des médecins et les informations collectées ont été saisies dans des bases de données dont la cohérence est devenue douteuse.

La mondialisation des études cliniques

Recruter des patients pour une étude clinique est également un processus long, il a fallu trouver des solutions pour le raccourcir. On a motivé des investigateurs en les rémunérant fortement et on s’est mis à faire du développement multi-pays, en particulier dans des pays où les patients n’étaient pas pris en charge par des systèmes de santé efficients, comme ce fut le cas dans les années 90 en Europe centrale. Quand 10 patients pouvaient être recrutés par semaine en France dans une étude sur l’infarctus du myocarde, il était aisé d’en recruter 100 en Roumanie ou en Hongrie ; les investigateurs étaient motivés par la recherche, les possibilités offertes à leurs patients n’ayant pas accès aux soins et un précieux revenu.

L’industrie pharmaceutique a compris qu’en mondialisant ainsi la recherche, le temps de R&D pouvait être compressé et s’est donc mise à communiquer sur des « BLOCKBUSTER » de leur pipeline qui ont inéluctablement passionné les cours de bourse.

Mais, démontrer une meilleure efficacité et ou tolérance de produits existants, en particulier sur des marchés aussi lucratifs que les pathologies inflammatoires, les maladies coronariennes, l’hypertension artérielle ou le diabète, c’est extrêmement difficile. Sont donc nées les études de « non-infériorité » dans lesquelles il suffit d’obtenir une équivalence avec le(s) produit(s) référents, en arrivant à démontrer quelques micros avantages à prescrire cette nouvelle molécule, travail réalisé, entre autres, par les très actives structures de lobbying des laboratoires.

Deux objectifs à cela :

contrer la problématique des pertes de brevets sur les molécules originales et obtenir un meilleur prix de vente dans les négociations avec les Etats.

La centralisation des AMM

En Europe, un paramètre également fondamental à prendre en compte, a été la création de l’Agence Européenne du Médicament, EMEA, initialement basée à Londres. L’attribution d’une AMM a donc évolué sur plusieurs années, passant d’une AMM par pays à une procédure de reconnaissance mutuelle entre les pays européens pour finir par une procédure centralisée. Lors de l’instauration de la procédure centralisée, un laboratoire définissait de façon très stratégique à quel pays il allait confier l’évaluation de ses dossiers et les deux critères majeurs étaient la rapidité de réponse qui allait être donnée et le minimum de questions qui seraient posées, voire le minimum d’investigations complémentaires exigées. A cette période, la Suède est devenue la championne des enregistrements et la France a été quasiment exclue du processus.


Tout cela était bien sûr plus économique que scientifique et a conduit à de nombreuses dérives, toutes en défaveur des patients.

Le leurre des "belles" études randomisées

Outre les éléments signalés précédemment concernant l’altération de la qualité des données des études cliniques, il est important de savoir décrypter les failles de ces « belles » études vantées par certains adeptes de l’Evidence-Based Medicine (EBM) qui occultent expertise du clinicien et partenariat du patient dans la décision thérapeutique qui le concerne. Pendant cette crise COVID-19, qui a placé la planète en situation d’urgence sanitaire, certains ont perdu tout bon sens et totalement oublié ce qu’est la médecine : un art subtil.

Pour commencer, il est important de rappeler que chaque personne est unique et que parler à un patient de statistiques peut être dénué de sens. En effet, pour une personne donnée, il n’y a pas 14%, 28% ou 87% de chances de mourir de tel cancer, ce sera 0 (guérison) ou 100% (décès). La médecine est bien un art quand elle est pratiquée par des cliniciens qui savent adapter à chaque personne le meilleur traitement pour elle, à un temps t, dans la prise en compte de la globalité de cette personne.

Cela ne remet nullement en cause le concept d’études cliniques bien menées, idéalement prospectives, randomisées, en double aveugle.

Toutes les facettes de la recherche ont leur intérêt quand qualité et éthique sont présentes, et nombre de découvertes médicales cruciales pour l’humanité ont été empiriques, mais bien réelles.

Une étude de qualité débute par la rédaction d’un protocole de recherche avec des objectifs précis qui ne doivent pas changer en cours de route comme nous avons pu le constater sur une étude conduite chez des patients atteints de COVID-19, où subitement un nouveau « end-point » était ajouté. Ceci est bien sûr opportuniste car les critères initiaux ne permettaient pas de montrer d’efficacité du produit, et encore plus malvenu méthodologiquement puisque le nombre de patients devant être recrutés sur une étude est calculé en fonction d’une hypothèse statistique sur les critères d’évaluation préalablement définis.

Ensuite, il convient de recruter de vrais patients, ce qui n’est à l’évidence pas toujours le cas comme on a pu le constater dans l’étude de Mehra publiée par le Lancet.

En raison de la pression financière, le suivi des études est souvent réalisé par des personnes qui n’ont pas les qualifications nécessaires pour faire de la recherche et/ou n’ont pas les moyens de travailler correctement (exemple du nombre surréalistes d’études et dossiers confiés à un seul ARC par la majorité des CRO).

Les données ne sont plus analysées avant saisie, ce qui conduit à faire de l’analyse de big data provenant de sources multiformes souvent dépourvues de cohérence clinique.

On a ensuite vu l’émergence des DSMB (Data Safety Monitoring Board) pour « surveiller » ces études cliniques devenues des « megatrials » incluant des dizaines de milliers de patients, dont quelques dizaines dans chaque pays où l’on souhaite commercialiser le futur médicament pour satisfaire les autorités. Cela oblige à recruter des investigateurs dans chaque pays cible, de préférence « prestigieux », le prestige étant communément lié à un titre de Professeur. C’est ainsi qu’on a concentré petit à petit la recherche sur la médecine hospitalière au détriment de la médecine de ville, occultant le fait que les patients hospitalisés, en général, n’ont pas les mêmes profils que ceux de ville.

Les chefs de service ont très vite compris l’intérêt de ces études très lucratives, certains en faisant bénéficier toute leur équipe en des périodes de restriction budgétaires, d’autres dans leur intérêt personnel conduisant à de sérieux conflits d’intérêts.

En France, l’administration a rapidement voulu avoir une part du gâteau et mis en place des conventions financières pour récupérer des honoraires qui ont encore accru le coût des études et les ont ralenties. Certains hôpitaux ont même voulu tout gérer en créant leur propre structure de recherche clinique avec embauche d’ARC ou de préparateurs en pharmacie pour la gestion des lots cliniques. N’était l’importance du marché français, les laboratoires n’ouvriraient quasiment plus de centres d’investigation en France, vu les lourdeurs administratives imposées.

Mais revenons au DSMB ! Cette entité est « officiellement » une entité indépendante, constituée de scientifiques en capacité de regarder les données de l’étude au fur et à mesure de son déroulement afin de pouvoir donner des alertes en matière d’inefficacité ou d’événements indésirables. L’indépendance de ces structures est devenue avec le temps de plus en plus aléatoire… et sous tout cela…

Le financement des études en question

Le financeur s’octroie en général tous les droits ! On l’appelle le Promoteur.

La recherche telle qu’elle est imposée coûte cher, les études sur le médicament sont conduites dans l’immense majorité des cas par un promoteur du secteur de l’industrie pharmaceutique qui va devoir rendre compte à ses actionnaires de la pertinence de ses investissements. Les équipes de R&D sont sous pression, elles doivent aller vite et produire des résultats positifs. La recherche est structurée en équipe projets, dont le management est intéressé financièrement aux résultats, ce qui conduit dans certains cas à des dérives. Les DSMB sont financés par le promoteur et les investigateurs sont également rétribués par le promoteur, en général au prorata du nombre d’inclusions réalisées.

A tous les étages la tentation peut être grande… Reprenons dans l’ordre…

Inclusion de patients : le patient doit remplir des « critères d’inclusion » et ne pas souscrire aux « critères de non-inclusion ». Il faut donc trouver le patient idéal pour lequel l’observation clinique sera rémunérée plusieurs milliers d’euros. Pour avoir encadré par le passé de nombreuses études cliniques, je sais comment certains investigateurs peuvent avoir des conduites « border line » pour inclure à tout prix. Pendant la crise du coronavirus, je me suis par exemple demandé pourquoi une patiente de ma connaissance n’avait pas reçu d’oxygène lors des trois premiers jours d’hospitalisation en pneumologie alors qu’elle présentait une dyspnée (gêne respiratoire). Aurait-ce pu être pour atteindre un critère d’inclusion dans une étude en difficulté de recrutement ou par pure négligence ?

DSMB : compétence et éthique font parfois mauvais ménage avec l’intérêt du promoteur.

On peut citer l’exemple de l’étude anglaise Recovery et les réponses changeantes de son DSMB au gré des intérêts des laboratoires concernés, bousculant le planning préétabli des réunions.

Mais certains DSMB font le travail, et ce n’est pas toujours du goût du laboratoire, comme je l’ai vécu à titre personnel en tant que Directeur Médical. J’ai en effet dû contraindre le laboratoire à arrêter le développement d’un produit avec deux études en cours de 12 000 patients chacune et ce au prix de difficultés extrêmes et de menaces à peine voilées qui m’ont fait comprendre comment certaines personnes dénonçant ce type de problèmes s’étaient pris une balle dans le crâne.

Analyse des données par le promoteur : l’équipe projet du laboratoire est la première à avoir les conclusions des statisticiens, eux-mêmes rémunérés par le promoteur quand l’analyse est externalisée. Participant à ce type de réunion dans un certain laboratoire, en pré-rédaction du rapport de l’étude « pivot » (phase III) d’un dossier d’AMM, quelle ne fut ma surprise de constater des modifications substantielles de données à quinze jours d’intervalle, et ce en vue d’obtenir une différence plus statistiquement significative entre les deux groupes de traitement. Ces réunions « internes » servent à finaliser le dossier qui va être présenté aux coordinateurs de l’étude, souvent au nombre d’un par pays, qui représente également les investigateurs du pays en question et que l’on mettra en valeur lors du lancement du produit. Il faut ajouter que ce médecin, en général professeur, reçoit à ce titre des honoraires de coordination conséquents, chiffrés le plus souvent en plusieurs dizaines de milliers d’euros, et que ces honoraires échappent en général à la soulte prélevée par l’administration hospitalière.

La commercialisation des médicaments se faisant de plus en plus dans une dynamique mondiale, on assiste à des co-marketing et/ou à des partages de marché permettant de diminuer les risques inhérents à la recherche. Il existe donc une solidarité de fait des laboratoires ayant souvent de multiples partenaires. Il convient également de souligner que certaines agences du médicament ne sont pas totalement neutres dans leurs évaluations lorsqu’il s’agit d’un laboratoire national.

Travailler les anciennes molécules n’intéresse personne, développer des indications dans des maladies orphelines n’intéresse pas non plus car pas assez lucratif.

Et pourtant, il y aurait des choses pertinentes à faire ! Par exemple, pour l’hydroxychloroquine, un laboratoire aurait pu avoir l’intelligence de développer une forme galénique monoprise à libération prolongée, qui aurait eu le mérite de la faire bénéficier d’un nouveau brevet protecteur, permettant, dans une stratégie de vente de volume, le maintien d’un coût de traitement journalier acceptable sur toute la planète et une rentabilité correcte pour le laboratoire portant le projet. Un deal win/win pour le labo et pour les patients !


Rentabilité à tout prix, sans avoir le souci du soin, voici ce qui conduit à des actes dont certains sont clairement criminels.

Il est temps d’être lucide et d’arrêter de promouvoir aveuglément une Evidence-Based Medicine dévoyée de ses objectifs initiaux.

Ce devrait être le rôle des Etats de financer certaines recherches fondamentales pour les citoyens, sans que l’on bascule non plus dans le tout étatique et les freins administratifs. C’est ce qu’aurait dû faire l’Etat français pendant cette pandémie pour évaluer l’association hydroxychloroquine + azithromycine en phase précoce du COVID-19. C’est une grave faute de ne pas l’avoir fait et d’avoir dépensé des sommes colossales dans des études inappropriées, de surcroit non abouties pour la plupart.

Certains évoqueront les carences de budgets de recherche. Un moyen de les renforcer consisterait, entre autres, à vérifier avec soin les crédits impôts recherche alloués aux laboratoires, censés être dépensés sur le territoire français et dont certains profitent allègrement aux pays d’origine des laboratoires concernés.

Enfin, il serait important que les citoyens aient conscience de l’obsolescence programmée des médicaments. En effet, depuis quelques années, la date de péremption maximale des médicaments est de 3 ans, alors que nombre de produits sont stables beaucoup plus longtemps. C’est une façon de faire du chiffre d’affaires et cela permet de ne pas conduire les études de stabilité des produits sur des années, comme on le faisait auparavant en recherche pré-clinique.

La suite paraitra demain !


Dr Violaine GUERIN pour FranceSoir

Sources :

http://www.francesoir.fr/societe-sante/comment-lindustrie-pharmaceutique-vendu-son-ame-pour-comprendre-la-crise-du

http://www.francesoir.fr/societe-sante/comment-lindustrie-pharmaceutique-vendu-son-ame-acte-ii


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