J’ai eu plusieurs vies, j’ai beaucoup vu, beaucoup appris, et cela n’est pas fini, la connaissance étant infinie ou presque.
Lorsque j’étais plus jeune, j’ai fait un passage précieux et utile auprès d’un commissaire aux comptes. En quoi consistait le travail ? Globalement à éplucher des classeurs entiers de pièces comptables à la recherche de ce qui aurait pu ne pas aller. Alors je suis allé voir ce qui n’allait éventuellement pas dans des établissements financiers, mais aussi dans des sociétés industrielles, des compagnies d’assurance-vie, ou encore des banques.
Cela s’appelle la certification des comptes.
Le commissaire aux comptes, dont j’étais l’un des jeunes collaborateurs, avait pour habitude de regarder attentivement tous les changements importants par rapport à l’année d’avant, mais plus encore il faisait procéder systématiquement aux opérations de « circularisation » !
Charles kézako les opérations de « circularisation » ?
Très simple mes chers amis, très simple, comme à chaque fois, comme toujours en économie comme en finance, on se cache derrière des termes complexes et fumeux, pour désigner des choses tellement simples, logiques…
La circularisation c’est vérifier auprès des tiers que ce que vous dites est vrai ! Bon dit comme cela ce ne sera sans doute pas très clair pour tout le monde alors je vais prendre un exemple. J’ai une société. Charles SARL. Et dans mon bilan, dans mes comptes je dis que j’ai plein de clients qui me doivent des sous (en comptabilité cela s’appelle créances clients à recevoir). Je peux dire par exemple que Pierre, Paul et Jacques me doivent chacun 1 milliard d’euros ! Je vais donc mettre 3 milliards d’euros à recevoir dans mes comptes.
Avec une telle somme et une société qui va aussi bien, je vais donc me payer le luxe d’introduire ma start-up Charles SARL avec ses 3 milliards d’euros de comptes clients en bourse, car mes actions vont s’arracher, et je vais transformer le capital de ma sarl de 10 euros en 2 milliards en revendant mes actions…
Évidemment, la première chose que vont faire les commissaires aux comptes, c’est de vérifier si Pierre, Paul et Jacques sont tous les trois d’accord pour confirmer qu’ils me doivent bien chacun 1 milliard !
Stupeur et tremblement !
Le vérificateur se rend compte que Pierre, Paul et Jacques ne me connaissent même pas et qu’ils ne me doivent pas un milliard chacun ! C’est donc une fraude, un mensonge, une escroquerie.
Pour la démasquer, rien de plus facile, il fallait procéder aux opérations de circularisation… et demander aux tiers si ils confirmaient bien les positions ! Dans l’affaire Kerviel par exemple, ce sont des tiers qui voient les contreparties de la Société Générale gonfler dans leurs propres livres de comptes qui finissent par se dire… Mais la SG est-elle bien au courant de ce qu’il se passe ? C’est une circularisation à l’envers.
Bref, le camarade commissaire qui m’a formé m’a fait manger matin midi et soir de la « circularisation » !
Si une société dit qu’elle a un compte dans telle banque avec telle somme, on interroge la banque et l’on demande confirmation de la position de compte. C’est la base.
C’est la base.
C’est la base du bon sens, même si le mot est pompeux ! Remplacez circularisation par vérification et vous obtenez la même chose !
Pourquoi je vous raconte cette histoire aujourd’hui ?
Parce que l’on se fiche de notre gueule comme trop souvent encore une fois !
Le scandale allemand Wirecard
« L’action du groupe allemand de services financiers, qui a perdu 75 % de sa valeur depuis la clôture de mercredi, recule encore lundi de 47,5 % dans les premiers échanges à la Bourse de Francfort.
Wirecard, qui a repoussé jeudi dernier la publication de ses comptes 2019 faute de leur validation par le cabinet EY, a par ailleurs annoncé le retrait de ses résultats préliminaires 2019, ceux du premier trimestre 2020 et ses prévisions.
« Sur la base d’un examen plus approfondi, le directoire de Wirecard juge probable que les soldes des comptes en fiducie d’un montant de 1,9 milliard d’euros n’existent pas », écrit le groupe dans un communiqué. Ces soldes représentent le quart du bilan consolidé ».
Je reprends, il manquerait 2 milliards et personne ne l’a vu… Du coup…
« Le président du directoire de Wirecard, Markus Braun, a présenté vendredi sa démission et sera remplacé à titre temporaire par James Freis, actuel responsable de la « compliance » de la Bourse allemande Deutsche Börse ».
Sans blague…
En gros, dans leurs comptes ils disaient qu’ils avaient 2 milliards d’euros à l’abri et en sécurité dans deux établissements financiers philippins, BPI et BDO !
Et là… hahahahahahahahaha
hahahahahahahahahahahahaha
Imaginez une société sérieuse, cotée en bourse, surveillée par la BaFin en Allemagne, qui explique que pour mettre ses sous en sécurité elle les met à l’abri aux Philippines… Et que même pour plus de sécurité et éviter les risques de change, ils ont tout placé leurs sous en pesos philippins… si-si !
Si je vous explique cela normalement, si vous êtes sain de corps et d’esprit, bon le corps on s’en fiche, mais d’esprit votre réaction devrait être comme la mienne un immense hahahahahahahahahahahahahahahahahaha… on ne me l’avait jamais faite celle-là, mais comme je vous le disais la connaissance est infinie et l’on en apprend tous les jours.
Personne n’a donc rien trouvé à redire au fait qu’une société allemande cotée en bourse fiche ses milliards aux Philippines.
Surtout ne croyez pas que je méprise ce pays, simplement côté sûreté financière il y a mieux c’est tout, il y a pire également…
Bref, vendredi dernier les deux établissements financiers philippins ont publié un communiqué assurant qu’ils n’avaient aucun lien avec Wirecard et que les documents les incriminant étaient des faux.
Un « désastre complet » pour la BaFin
La BaFin c’est un peu l’AMF de chez nous en Allemagne et pour Felix Hufeld, « le patron de l’Autorité fédérale de supervision financière, cette affaire « est un désastre complet ». « C’est dommage que quelque chose comme ça soit arrivé… Cela commence par l’échec total d’une direction générale, malgré de très nombreux indices permettant de découvrir les faits. Cela continue avec les dizaines d’auditeurs qui n’ont pas pu déterrer la vérité et cela continue avec toute une série d’entités privées et publiques, y compris la mienne, qui n’ont pas été assez efficaces pour empêcher que quelque chose comme cela ne se produise », a affirmé le directeur de la BaFin ».
En fait disons même que personne n’a fait son travail !
Personne…
Et pourtant il y en a des auditeurs payés en pagaille à remplir des tableurs excel, à faire des réunions ou à éplucher des factures en détail…
Sauf qu’il se passe deux choses généralement. Soit ceux qui doivent voir ne veulent pas voir parce que la soupe est bonne, soit ils ne voient rien parce qu’ils sont nuls et qu’ils ont justement été choisis pour cela…
D’expérience, ne croyez pas que tous soient achetés, ils sont essentiellement choisis parce qu’ils sont nuls. Je le sais.
Je le sais, parce que j’ai fait partie de ceux qui ont été choisis parce qu’ils étaient nuls !!
Pourquoi croyez-vous que l’on mette des petits jeunes qui ne connaissent rien à la vie ?
C’est pour être sûr qu’ils n’apprennent pas aux vieux singes à faire la grimace !
Pour vous laisser sur une histoire « marrante », j’ai compris bien des années plus tard, moi, le gamin de la ville, comment je m’étais fait rouler dans la farine dans une banque qui avait fait un énorme crédit pour une plantation de framboisiers, mais vraiment énorme. Ce crédit était en impayé depuis plusieurs années, il fallait le provisionner, et le passer en perte mais la banque de voulait pas pour ne pas altérer ses comptes. On m’a donc expliqué que c’était normal mais que les framboisiers avaient gelé trois ans avant, et que d’ici 2 ans, ils donneraient à nouveau des framboises.
Entre temps le gamin de la ville a pris un peu d’expérience et l’air de la campagne.
Les framboisiers ça poussent bien. Vraiment très bien… Je m’étais fait empapaouter, parce que j’avais été choisi pour cela.
Morale de l’histoire ?
Le système choisit les plus nuls, les plus inexpérimentés, les plus naïfs, on leur met un beau costume, une belle cravate, on leur donne une belle carte de visite et un PC portable, un salaire qui rend fier papa maman, et on est sûr d’être à l’abri de la compétence.
On ne vire pas les vieux pour prendre des jeunes parce qu’ils coûtent moins chers.
On prend les jeunes parce qu’ils n’ont pas encore tout compris !
Tout le monde le sait, en tous cas, chez les vieux…
Quant aux Allemands, ils ne sont ni plus mauvais, ni bien meilleurs que les autres.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Charles SANNAT
Lorsque j’étais plus jeune, j’ai fait un passage précieux et utile auprès d’un commissaire aux comptes. En quoi consistait le travail ? Globalement à éplucher des classeurs entiers de pièces comptables à la recherche de ce qui aurait pu ne pas aller. Alors je suis allé voir ce qui n’allait éventuellement pas dans des établissements financiers, mais aussi dans des sociétés industrielles, des compagnies d’assurance-vie, ou encore des banques.
Cela s’appelle la certification des comptes.
Le commissaire aux comptes, dont j’étais l’un des jeunes collaborateurs, avait pour habitude de regarder attentivement tous les changements importants par rapport à l’année d’avant, mais plus encore il faisait procéder systématiquement aux opérations de « circularisation » !
Charles kézako les opérations de « circularisation » ?
Très simple mes chers amis, très simple, comme à chaque fois, comme toujours en économie comme en finance, on se cache derrière des termes complexes et fumeux, pour désigner des choses tellement simples, logiques…
La circularisation c’est vérifier auprès des tiers que ce que vous dites est vrai ! Bon dit comme cela ce ne sera sans doute pas très clair pour tout le monde alors je vais prendre un exemple. J’ai une société. Charles SARL. Et dans mon bilan, dans mes comptes je dis que j’ai plein de clients qui me doivent des sous (en comptabilité cela s’appelle créances clients à recevoir). Je peux dire par exemple que Pierre, Paul et Jacques me doivent chacun 1 milliard d’euros ! Je vais donc mettre 3 milliards d’euros à recevoir dans mes comptes.
Avec une telle somme et une société qui va aussi bien, je vais donc me payer le luxe d’introduire ma start-up Charles SARL avec ses 3 milliards d’euros de comptes clients en bourse, car mes actions vont s’arracher, et je vais transformer le capital de ma sarl de 10 euros en 2 milliards en revendant mes actions…
Évidemment, la première chose que vont faire les commissaires aux comptes, c’est de vérifier si Pierre, Paul et Jacques sont tous les trois d’accord pour confirmer qu’ils me doivent bien chacun 1 milliard !
Stupeur et tremblement !
Le vérificateur se rend compte que Pierre, Paul et Jacques ne me connaissent même pas et qu’ils ne me doivent pas un milliard chacun ! C’est donc une fraude, un mensonge, une escroquerie.
Pour la démasquer, rien de plus facile, il fallait procéder aux opérations de circularisation… et demander aux tiers si ils confirmaient bien les positions ! Dans l’affaire Kerviel par exemple, ce sont des tiers qui voient les contreparties de la Société Générale gonfler dans leurs propres livres de comptes qui finissent par se dire… Mais la SG est-elle bien au courant de ce qu’il se passe ? C’est une circularisation à l’envers.
Bref, le camarade commissaire qui m’a formé m’a fait manger matin midi et soir de la « circularisation » !
Si une société dit qu’elle a un compte dans telle banque avec telle somme, on interroge la banque et l’on demande confirmation de la position de compte. C’est la base.
C’est la base.
C’est la base du bon sens, même si le mot est pompeux ! Remplacez circularisation par vérification et vous obtenez la même chose !
Pourquoi je vous raconte cette histoire aujourd’hui ?
Parce que l’on se fiche de notre gueule comme trop souvent encore une fois !
Le scandale allemand Wirecard
« L’action du groupe allemand de services financiers, qui a perdu 75 % de sa valeur depuis la clôture de mercredi, recule encore lundi de 47,5 % dans les premiers échanges à la Bourse de Francfort.
Wirecard, qui a repoussé jeudi dernier la publication de ses comptes 2019 faute de leur validation par le cabinet EY, a par ailleurs annoncé le retrait de ses résultats préliminaires 2019, ceux du premier trimestre 2020 et ses prévisions.
« Sur la base d’un examen plus approfondi, le directoire de Wirecard juge probable que les soldes des comptes en fiducie d’un montant de 1,9 milliard d’euros n’existent pas », écrit le groupe dans un communiqué. Ces soldes représentent le quart du bilan consolidé ».
Je reprends, il manquerait 2 milliards et personne ne l’a vu… Du coup…
« Le président du directoire de Wirecard, Markus Braun, a présenté vendredi sa démission et sera remplacé à titre temporaire par James Freis, actuel responsable de la « compliance » de la Bourse allemande Deutsche Börse ».
Sans blague…
En gros, dans leurs comptes ils disaient qu’ils avaient 2 milliards d’euros à l’abri et en sécurité dans deux établissements financiers philippins, BPI et BDO !
Et là… hahahahahahahahaha
hahahahahahahahahahahahaha
Imaginez une société sérieuse, cotée en bourse, surveillée par la BaFin en Allemagne, qui explique que pour mettre ses sous en sécurité elle les met à l’abri aux Philippines… Et que même pour plus de sécurité et éviter les risques de change, ils ont tout placé leurs sous en pesos philippins… si-si !
Si je vous explique cela normalement, si vous êtes sain de corps et d’esprit, bon le corps on s’en fiche, mais d’esprit votre réaction devrait être comme la mienne un immense hahahahahahahahahahahahahahahahahaha… on ne me l’avait jamais faite celle-là, mais comme je vous le disais la connaissance est infinie et l’on en apprend tous les jours.
Personne n’a donc rien trouvé à redire au fait qu’une société allemande cotée en bourse fiche ses milliards aux Philippines.
Surtout ne croyez pas que je méprise ce pays, simplement côté sûreté financière il y a mieux c’est tout, il y a pire également…
Bref, vendredi dernier les deux établissements financiers philippins ont publié un communiqué assurant qu’ils n’avaient aucun lien avec Wirecard et que les documents les incriminant étaient des faux.
Un « désastre complet » pour la BaFin
La BaFin c’est un peu l’AMF de chez nous en Allemagne et pour Felix Hufeld, « le patron de l’Autorité fédérale de supervision financière, cette affaire « est un désastre complet ». « C’est dommage que quelque chose comme ça soit arrivé… Cela commence par l’échec total d’une direction générale, malgré de très nombreux indices permettant de découvrir les faits. Cela continue avec les dizaines d’auditeurs qui n’ont pas pu déterrer la vérité et cela continue avec toute une série d’entités privées et publiques, y compris la mienne, qui n’ont pas été assez efficaces pour empêcher que quelque chose comme cela ne se produise », a affirmé le directeur de la BaFin ».
En fait disons même que personne n’a fait son travail !
Personne…
Et pourtant il y en a des auditeurs payés en pagaille à remplir des tableurs excel, à faire des réunions ou à éplucher des factures en détail…
Sauf qu’il se passe deux choses généralement. Soit ceux qui doivent voir ne veulent pas voir parce que la soupe est bonne, soit ils ne voient rien parce qu’ils sont nuls et qu’ils ont justement été choisis pour cela…
D’expérience, ne croyez pas que tous soient achetés, ils sont essentiellement choisis parce qu’ils sont nuls. Je le sais.
Je le sais, parce que j’ai fait partie de ceux qui ont été choisis parce qu’ils étaient nuls !!
Pourquoi croyez-vous que l’on mette des petits jeunes qui ne connaissent rien à la vie ?
C’est pour être sûr qu’ils n’apprennent pas aux vieux singes à faire la grimace !
Pour vous laisser sur une histoire « marrante », j’ai compris bien des années plus tard, moi, le gamin de la ville, comment je m’étais fait rouler dans la farine dans une banque qui avait fait un énorme crédit pour une plantation de framboisiers, mais vraiment énorme. Ce crédit était en impayé depuis plusieurs années, il fallait le provisionner, et le passer en perte mais la banque de voulait pas pour ne pas altérer ses comptes. On m’a donc expliqué que c’était normal mais que les framboisiers avaient gelé trois ans avant, et que d’ici 2 ans, ils donneraient à nouveau des framboises.
Entre temps le gamin de la ville a pris un peu d’expérience et l’air de la campagne.
Les framboisiers ça poussent bien. Vraiment très bien… Je m’étais fait empapaouter, parce que j’avais été choisi pour cela.
Morale de l’histoire ?
Le système choisit les plus nuls, les plus inexpérimentés, les plus naïfs, on leur met un beau costume, une belle cravate, on leur donne une belle carte de visite et un PC portable, un salaire qui rend fier papa maman, et on est sûr d’être à l’abri de la compétence.
On ne vire pas les vieux pour prendre des jeunes parce qu’ils coûtent moins chers.
On prend les jeunes parce qu’ils n’ont pas encore tout compris !
Tout le monde le sait, en tous cas, chez les vieux…
Quant aux Allemands, ils ne sont ni plus mauvais, ni bien meilleurs que les autres.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Charles SANNAT
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