La débâcle du Covid-19 représente précisément un tel ensemble de dilemmes et d’énigmes. Pour de nombreuses personnes confites en quarantaine, le virus n’est qu’un autre fantôme maléfique tapi dans la zone crépusculaire permanente de la télévision, et même là, parmi les fictions familières qui jacassent, il y a peu d’accord à ce sujet. Les projections statistiques changent chaque semaine. Ce n’est pas pire que n’importe quelle grippe annuelle… C’est une maladie sauvage qui attaque tous les organes du corps, laisse les survivants mutilés, et vous pouvez même l’attraper à nouveau… Les confinements sont impératifs … Les confinements sont un suicide économique … Il n’y a rien à trier dans tout ça, et l’incertitude elle-même est intolérable.
La seule certitude est que la plupart des personnes confinées vont faire faillite. Selon toutes les règles ordinaires, ils sont cuits. Ils ne peuvent même plus prétendre continuer, comme avant, à jongler avec tous ces paiements mensuels du loyer ou des hypothèques, de la nourriture, des voitures, de l’assurance médicale, de l’électricité, du câble, et ainsi de suite. Les chèques de $1 200 d’argent magique promis par l’oncle Sam sont une faible consolation pour cela, et les «prêts» aux petites entreprises – si vous pouvez même sauter à travers tous les cerceaux exaspérants pour les obtenir – empilent simplement une couche supplémentaire d’obligations dans une vie asservie par les dettes. Vous n’avez pas à faire mentalement beaucoup de chemin pour imaginer une ruine personnelle totale en bas de la côte. Et que se passera-t-il si des millions d’autres se sentent essorés par les mêmes forces fantômes de la maladie et de la finance ?
Une réalité bien établie est la suivante : le système d’endettement mondial qui soutenait l’économie mondiale en mode turbo se désintégrait gravement au début de l’automne 2019, menaçant tous les actifs financiers – et les marchés qui faisaient semblant de les gérer – ainsi que toutes les opérations de la vie quotidienne moderne qu’ils représentaient. Nulle part sur terre le fardeau de la dette n’était plus incontrôlable qu’en Chine, où la fraude comptable des banques n’était soumise à aucune contrainte, car ils ne répondaient qu’au parti au pouvoir, qui n’avait qu’une politique générale : continuer à gouverner.
Et la plus grande fiction économique de toutes était que la Chine pouvait maintenir ses taux de croissance surnaturels dans un monde qui avait effectivement atteint les limites de la croissance. Les guerres commerciales de Trump ont fait trembler le système. Beaucoup de créances douteuses étaient sur le point d’être évacuées. Partout ailleurs, les banques ont également ressenti les vibrations, vous pouvez en être sûr. Le virus de Wuhan était, au moins, une distraction très pratique de tout cela. Et puis, le sacré truc s’est déchaîné à travers le monde grâce aux innombrables déplacements en avion.
Le virus corona Covid-19 n’a pas déclenché les troubles financiers du moment aux États-Unis et en Europe, mais il a assuré qu’il n’y aurait pas une autre apparence de «reprise» comme à la suite des interventions de la banque centrale de 2008-2009. Ce qu’il annonce, c’est un voyage accéléré vers une toute nouvelle disposition des choses : d’abord, pendant un certain temps, une société plus dure, plus affamée, plus en colère devant les promesses non tenues et les attentes déçues ; puis l’adaptation lorsqu’un consensus se dégagera pour constater que l’ensemble des faits à portée de main équivaut à une nouvelle réalité. En attendant, nous vivons … dans l’attente, ce qui n’est pas un endroit confortable.
L’argent n’est pas l’économie. L’argent est un moyen d’échange au sein d’une économie où les gens font pousser des choses, les fabriquent, les déplacent et se rendent service entre eux de nombreuses façons. Nous n’allons pas remplacer toutes ces cultures, produits, mouvements et services en donnant simplement de l’argent aux gens. L’argent peut produire plus d’argent par la magie des intérêts composés, mais l’argent n’est pas nécessairement de la richesse, il représente simplement notre idée de la richesse, et l’intérêt cesse de s’accumuler, quoi qu’il arrive, lorsque la tendance est clairement à la réduction de tout : la croissance, la production, les déplacements et les services. C’est exactement la raison qui fait disparaître le capital, et la manière dont ça se passe. Le tour de passe-passe de la Théorie monétaire moderne ne peut que prétendre contourner cette réalité.
Le monde n’a jamais atteint un tel niveau d’activité que lors de l’explosion de 2008, et il a continué sur sa lancée pendant une décennie. Maintenant il est arrêté, il ne reste plus que la loi de la gravitation pour le faire tomber, c’est aussi simple que ça. La «richesse» acquise au cours de la décennie, par le soi-disant «1 %» a été chargée dans la soute d’un avion défectueux, comme un Boeing 737-MAX, et une immense partie de cette richesse va s’écraser sur terre maintenant que l’avion est en panne sèche. Leurs agents et gardes prétoriens à Wall Street travaillent fiévreusement pour conjurer cet atterrissage brutal, comme un gang de magiciens, ils jettent des sorts sur le sol, tandis que ce gros morceau de métal trépidant part en vrille. Attendez que le printemps apporte une nouvelle vie au pays, et que des choses encore jamais vues auparavant viennent ravir la vedette sur la scène.
James Howard Kunstler
Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone
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