28 mai 2020

Crocus Expo : La Procuratura vérifie l'étrange fonctionnement de cet "hôpital de campagne" dévorant le budget


Présentation par le gouverneur Vorobiev de l'hopital de campagne à Crocus Expo

Le coronavirus est un business très lucratif pour certains en Russie, mais pas seulement. Sans même parler du versement de 200 000 roubles par malade du coronavirus, plus rentable que d'autres maladies, et les 800 000 roubles par lit reprofilé, l'édification étonnante de structures dites "hôpitaux de campagne", dans lesquelles le personnel se plaint d'un manque des médicaments et d'appareils respiratoire, qui comptent peu de malades et surtout des malades victimes de pneumonie, a heureusement conduit la Procuratura à jeter un oeil sur cet étrange "Crocus Expo" dans la région de Moscou, surfinancé, et dont les services sont dirigés par des proches, pas forcément médecins et encore moins virologues, du gouverneur de la région Vorobiev et de son père sénateur, comme eux originaires de Krasnoïarsk. Espérons que la Procuratura aura la force de mener à son terme et avec toutes les conséquences juridiques le contrôle de ces étranges pratiques, rappelant à s'y méprendre les excès mafieux des années 90.

Nous avions déjà traité de l'étrange urgence à construire des hôpitaux de campagne et à reprofiler les hôpitaux existants, déstabilisant encore plus le système de santé déjà "rationalisé", alors que le Covid fait si peu de victimes en Russie (voir notre texte ici). La dimension lucrative de cette lutte acharnée "pour" le coronavirus conduit des députés à dénoncer ces manipulations financières et la Procuratura à y mettre le nez. Comme l'écrit le député communiste, pourtant habituellement systémique, Valéry Rachkine, la crise du coronavirus prendra fin quand le budget n'aura plus de fonds à verser. Malheureusement, il a peut-être raison. En attendant, l'opération est très lucrative, pas uniquement pour le système médical, mais aussi pour certains businessmen. Prenons l'exemple de la reconversion du centre d'exposition Crocus Expo, dans la région de Moscou, qui a ouvert le 12 mai, où 1 500 lits devaient être réservés aux malades du Covid, avec le nec plus ultra de la technologie, notamment des appareils respiratoires.

A cette occasion, Vorobiev, le gouverneur de la région de Moscou (qui est une entité fédérée distincte de la ville de Moscou) a déclaré à la presse qu'il s'est adressé à ses amis businessmen pour qu'ils apportent leur aide à la lutte contre le Covid et ses "amis" (je cite) ont répondu présents.

Et pour cause. Crocus expo est dirigé par le business man Agalarov, qui a conclu sans appel d'offre, sur directive du gouverneur de la région de Moscou, des contrats avec l'hôpital public de la région, qui sert de cocontractant, pour une somme d'environ 2 milliards de roubles, afin de reprofiler sa salle d'expo (à une époque où il n'y a de toute manière pas d'expos). Comment refuser son aide dans ces conditions ?



Alors que le propriétaire annonçait que cette somme comprenait également l'hébergement des médecins (qui ont été appelés d'autres régions) et la nourriture des patients, des contrats indépendants ont été conclus à cet effet. Par ailleurs, au 23 mai, il y a environ 500 patients, ce qui n'a pas empêché la conclusion d'un nouveau contrat, sans appel d'ofre, pour ajouter encore 1 000 lits quelques jours après l'ouverture. Le financement public ne cesse d'augmenter alors que l'hôpital n'est même pas rempli au tiers. Selon les déclarations de certains médecins y travaillant, les cas de coronavirus n'ont pas été confirmés, ce sont des malades de la pneumonie qui y sont principalement soignés.

Qui dirige cet "hôpital"? Comme le souligne le député Rachkine, l'on aurait pu s'attendre à y voir des grands spécialistes de la virologie. Que nenni, les "amis" sont beaucoup plus intéressants. Ainsi, l'on a vu apparaître les relations de la région d'origine du gouverneur Vorobiev, à savoir Krasnoïarsk. Si au moins le directeur de cette structure reprofilée est un médecin, urgentiste non virologue de Krasnoïarsk, mais médecin, le chef du service d'urgence est Alexandre Kangoune, business man en faillite de Krasoïarsk, qui possédait un salon automobile avant de se déclarer en faillite après avoir été accusé d'escroquerie et que ses biens furent saisis à hauteur de 250 millions de roubles. Maintenant, grâce au business du Covid et à ses relations politiques, il se porte merveille, cet "hôpital" aura au moins réussi cet exploit.

Sur le plan hôtelier, les patients sont satisfaits. En revanche, sur le plan médical, le projet est beaucoup moins réussi, si l'on en croit les déclarations du personnel soignant, dénonçant un manque de médicaments pour assurer le traitement normalement prévu, d'appareils respiratoires qui sont branchés à tour de rôle à différents patients momentanément débranchés et leurs contrats de travail n'a pas été signés et ils ont été menacé de voir leur salaire revu à la baisse s'ils se plaignent de leurs conditions de travail. Sans parler d'un problème d'aménagement, du fait que si les lits sont séparés par des plaques, l'espace reste commun sur toute la zone, ce qui rend nulle la différenciation en zones spécifiques.

Pour sa part, le Département de la santé de la région de Moscou a déclaré que l'hôpital ne manquait de rien. Ce qui, dans tous les cas, n'explique pas le choix très étrange des "amis".

Ce sont ces déclarations qui ont conduit finalement la Procuratura à se saisir de cette affaire. Espérons que l'enquête calmera la frénésie de ces pratiques claniques, qui rappellent dangereusement les heures sombres des années 90, dont l'on croyait la Russie sortie.

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