Le PS a demandé le 22 mars au gouvernement d’agir plus “clairement”, selon Le Monde. Le 27 mars, le député socialiste Olivier Faure était plus clair, affirmant à France Info que “l’on manque de tout”. Le sénateur LR Bruno Retailleau estime lui avoir eu le sentiment que “la stratégie sanitaire n’obéissait pas aux bonnes pratiques, mais que c’est la pénurie qui l’inspirait”.
Et les doutes ne se trouvent pas uniquement dans l’opposition. Dans notre étude hebdomadaire réalisée par l’institut YouGov, 59% des personnes interrogées les 26 et 27 mars estiment que le gouvernement gère mal l’épidémie de coronavirus. Une hausse de 18 points en une semaine. Ces critiques trouvent de plus un écho ces derniers jours via la comparaison avec nos voisins allemands, qui ont opté pour une stratégie différente, notamment sur les tests de dépistage, et où le faible taux de mortalité interroge (même s’il pourrait s’aggraver).
Ordres contraires
Les ratés de la communication française peuvent s’analyser par deux prismes, en réalité intimement imbriqués. Le premier, c’est que l’État français n’a dans un premier temps pas suivi la stratégie du dépistage massif prônée par l’OMS. Le second est dû aux incessants revirements du gouvernement. Sur la fermeture des écoles, le confinement, le besoin de tests et de masques, l’exécutif a toujours commencé par estimer que ces stratégies n’étaient pas nécessaires pour finalement, quelques jours plus tard, s’y résoudre.
“Au-delà des contradictions permanentes, sinon la cacophonie au gouvernement, qui ne peut qu’entamer la confiance dans ce qui est dit, cette politique donne le sentiment d’être toujours en retard d’une mesure”, affirme au HuffPost François Buton, directeur de recherche au CNRS en science politique, spécialiste de la surveillance épidémiologique. Qui estime également que le vocabulaire guerrier du président n’est d’ailleurs pas adapté: “la ‘guerre’ au virus n’est pas ‘la guerre’, ou alors il faudrait vraiment réquisitionner bien davantage, par exemple l’industrie pharmaceutique, que ne le fait le gouvernement”. Et c’est justement le problème.
À l’inverse, l’Allemagne et la Corée du Sud ont très rapidement suivi la recommandation de l’OMS en multipliant les tests, en isolant les malades et en traçant les contacts de ces derniers. L’Allemagne pratique aujourd’hui près de 300.000 à 500.000 tests par semaine contre 35.000 à 85.000 en France.
Changer son fusil d’épaule
L’État français a expliqué ces derniers jours que c’est ce qu’il se préparait à faire en vue de la fin du confinement. Olivier Véran a annoncé samedi 28 mars que la capacité de tests classiques (PCR) passera de 12.000 à 30.000 par jour d’ici “une grosse semaine”, puis devrait être portée à 50.000 fin avril. En complément, 5 millions de tests rapides ont été commandés, de quoi “augmenter les capacités de 30.000 tests supplémentaires par jour en avril, 60.000 en mai et 100.000 en juin”.
Mais il n’y avait pas besoin d’attendre pour savoir que c’était une piste intéressante. Dès le 28 février, les épidémiologistes de l’OMS revenus de Chine estimaient que ces méthodes, bien plus que le confinement massif, semblaient les plus efficaces face à l’épidémie de Covid-19.
“Une politique de dépistage massive et répétée aurait pu laisser espérer un confinement mieux ciblé, à condition d’être accompagnée d’explications de cette politique: se confiner quand on est positif, au moins 14 jours, mais faire attention quand on est négatif”, estime François Buton.
Si la France n’a pas suivi cette stratégie dans un premier temps, c’est tout simplement car “nous en sommes incapables”. Voici ce qu’affirmait au Monde le 20 mars Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique sur le Covid-19. “Nous ne possédons pas les capacités de tester à la même échelle que la Corée du Sud”, expliquait-il.
L’Allemagne en pointe sur les tests
Il faut dire que la Corée du Sud était bien plus préparée que nous. Park June, Vice-président de Bio sensor, une entreprise sud-coréenne de biodiagnostic, explique dans la vidéo ci-dessous que le pays a pu mettre au point ces kits très rapidement “grâce à notre expérience passée [...] lors des épidémies précédentes de Mers et Sars”.
Et en Allemagne? Ici, il faut bien comprendre que nos voisins ont été en pointe face au Sars Cov2. Sur les 8 protocoles de tests recommandés par l’OMS, le tout premier fut développé par une équipe allemande le 17 janvier, avant même le protocole chinois (24 janvier). À CNN, le directeur du laboratoire à l’origine de ce test, Olfert Landt, estime qu’il avait déjà produit fin février 4 millions de tests. Depuis, 1,5 million sont produits chaque semaine.
À l’inverse, la France semble avoir pris du retard. D’ailleurs, l’Institut Pasteur n’a rejoint la liste de l’OMS que le 2 mars. “On est totalement incapables de tester à très grande échelle parce qu’il n’y a pas d’industrie de biologie moléculaire en France”, déplore Michel Bendahan, un pharmacien biologiste qui dirige un laboratoire clinique, interrogé par L’Opinion.
Problème administratif
Autre différence notable: en France, les tests ne pouvaient être effectués que dans des hôpitaux correctement équipés et non en laboratoires. En Allemagne, les choses sont différentes, précise la NPR. “Nous avons une culture ici en Allemagne qui ne soutient pas un système de diagnostic centralisé”, explique Christian Drosten, directeur de l’institut de virologie de l’hôpital de la Charité de Berlin.
Ainsi, il n’y a pas d’autorité de santé globale qui restreint les autres laboratoires de réaliser des tests. “Donc nous avons un marché ouvert depuis le début”, précise-t-il. Une différence de taille. La France n’a pris que le 7 mars un décret autorisant les laboratoires privés à réaliser des tests de dépistage du coronavirus.
Une fois le test effectué, encore faut-il l’analyser. Pour être rapide, le diagnostic est réalisé sur une machine spéciale, un “automate”. Ici aussi, la France a du retard, note L’Opinion: sur les 900 machines du laboratoire Roche actuellement en service dans le monde, seules 12 fonctionnent en France contre une centaine en Allemagne. Ici aussi, l’État français devrait acquérir plus d’automates dans les jours à venir.
Face à la pénurie, la France a donc utilisé la carte du confinement, qui n’est “pas la meilleure des solutions, mais la moins mauvaise” au vu de “l’état actuel des ressources”, selon Jean-François Delfraissy. Une fois la propagation de l’épidémie endiguée, l’augmentation du nombre de tests et un suivi des cas devraient permettre au pays de contrôler la propagation du coronavirus tout en permettant à la population de vivre plus normalement. En tout cas, si tout se passe comme prévu et si les plans ne changent pas encore une fois.
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