Il y a un mois environ, le 25 mars, le Haut commissariat des droits de l'homme de l'ONU lance un appel poignant, qui peut se traduire ainsi :
En ces temps de pandémie terrible, pensons à nos pauvres amis, qui sont privés de liberté dans des geôles souvent infâmes des divers Etats et qui risquent leur vie, pour avoir commis une erreur, sans commune mesure avec la condamnation à mort du Covid. Libérons les faibles, les personnes âgées, les enfants, les femmes, libérons, libérons, libérons!
Les appels se sont multipliés. Et ciblés. Par exemple, les Etats-Unis en ont profité pour immédiatement demander la libération des détenus en Syrie, rappelons que ce sont les "terroristes modérés pro-occidentaux" qui luttaient contre Assad, donc des p'tits gars sympas. C'était quand même l'occasion à ne pas rater pour récupérer les siens ...
Des ONG, comme Human Rights Watch, en ont profité pour reprendre leur cheval de bataille contre les prisonniers politiques, innocents, bref tous les combattants du "monde libre". Rappelons que cette catégorie ne comprend pas Assange, par exemple. Amen. Une petite déclaration adressée à l'Egypte, dont la formulation est intéressante :
"Parmi les mesures urgentes recommandées par Human Rights Watch aux gouvernements des pays touchés par le coronavirus figure la libération conditionnelle de prisonniers injustement détenus. En Égypte, ceci concernerait des milliers de personnes emprisonnées simplement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits."
La question étant de savoir qui va décider de quel prisonnier est "justement" et quel prisonnier est "injustement" détenu ? Pourquoi ne s'arrêter qu'à l'Egypte ? La France connaît aussi des cas de personnes poursuivies pour avoir manifesté ... Va-t-on ouvrir un grand tribunal global, qui va "objectivement", selon sa vision des choses, et "indépendamment" - de l'Etat évidemment - décider du bienfondé des décisions de justice prises dans les pays ? A moins que cela ne concerne que "certains" Etats ... C'est en tout cas la souveraineté de l'Etat qui est en jeu. Et donc notre liberté réelle.
D'une manière générale, l'appel a été suivi, docilement, par les Etats. La France, après avoir immédiatement annoncé - heureusement - refuser toute libération de masse des personnes en détention provisoire (en attente de jugement), une circulaire a été adoptée demandant de différer l'exécution des peines courtes et de réduire le recours à la détention provisoire pour les cas les plus graves (ce qui aurait pu être imaginé indépendamment de la crise politico-sanitaire du coronavirus). Bref, un peu plus de 10.000 personnes ont été libérées entre le 16 mars et le 13 avril, généralement en fin de peine. Les Etats-Unis ouvrent également les portes, chaque Etat décide : 20% dans les prisons de Chicago, 4.000 en Californie, etc. Ce qui est intéressant, c'est que des manifestations sont organisées par des ONG pour obliger à la libération des détenus. Belle organisation ... En Turquie, près de 90.000 détenus se préparent à sortir. En Iran, c'est 40% de la population carcérale qui a été remise en liberté.
Alors que l'on ne cesse de parler de l'hécatombe aux Etats-Unis, la population carcérale, qui s'élève en tout à plus de 2 millions de détenus dans les différents cricuits de prisons, n'est pourtant que très peu touchée. Si l'on prend les chiffres concernant les prisons fédérales, qui au 21 avril, comptaient 143.600 détenus, il n'y a que 540 personnes touchées par le coronavirus. En ce qui concerne le personnel pénitentier, soit quelques dizaine de milliers de personnes - 323 cas. En France, les statistiques sont du même ordre : sur une population carcérale de 62 650 personnes au 13 avril ... 76 détenus ont été testés positifs au coronavirus.
Bref, ici comme ailleurs, les mesures adoptées sont sans commune mesure avec le risque réel. Ce qui laisse supposer une instrumentalisation. Dans la logique néolibérale, qui est celle sous-tendue par cette nouvelle caste globaliste dirigeante, la lutte contre l'Etat est une cible principale - le transfert du pouvoir doit être finalisé.
En l'occurrence, l'obligation devant laquelle se trouvent les structures étatiques de remettre en cause les jugements de condamnation (puisque les gens sont libérés par anticipation ou ne sont pas incarcérés), de remettre en cause ainsi l'appréciation du risque social (puisque la libération est décidée en fonction d'un diktat global qui ne correspond à aucun impératif national) remet en question la légitimité même de l'Etat.
En effet, s'il est possible de libérer ces personnes avant la fin de leur peine ou de les dispenser de peine, alors pourquoi, en principe, les avoir condamnées à une privation de liberté ? Ce n'est pas un acte anodin, que de priver un être humain de sa liberté, il faut que la décision soit pesée pour être non seulement légale, mais également légitime. Ici, la légitimité de tout le système pénal est remise en cause.
Par ailleurs, si la décision de privation de liberté était justifiée, alors pourquoi les libérer avant la fin de leur peine ou leur permettre de ne pas exécuter leur peine ... sous pression des organes globaux sous couvert de coronavirus ? L'Etat n'est donc plus en mesure d'assurer la protection de l'ordre public ? Quelle est alors la légitimité de cette institution ? L'Etat n'existe pas en soi et pour soi, mais parce qu'il peut protéger la société, l'organiser, lui permettre de se développer. Pas parce qu'il incarcère sa population civile, libère sa population pénale, sur injonction d'organisations internationales.
C'est bien toute la légitimité de l'Etat qui est en cause. Et je ne suis pas certaine qu'un monde global nous donne plus de liberté et de sécurité. En tout cas, c'est un doute légitime en regardant par la fenêtre ... puisque la porte est fermée.
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