08 avril 2020

Du paludisme au COVID-19, l’espoir porté par la chloroquine

La chloroquine, une molécule médicamenteuse très répandue à travers le monde mais jusqu’alors inconnue du grand public, est aujourd’hui en France au cœur d’une polémique sanitaire. D’après son grand défenseur, le professeur Didier Raoult, elle diminuerait significativement la charge virale des patients atteints du COVID-19, améliorant ainsi leur état de santé. Voyons d’abord ce qu’est précisément la chloroquine, et son dérivé l’hydroxy-chloroquine. Puis observons comment cette molécule soigne du paludisme depuis plus d’un demi-siècle, et en quoi elle est porteuse d’espoir comme traitement efficace contre le virus SARS-CoV-2.

1/ De la quinine à l’hydroxy-chloroquine

La quinine, une substance naturelle issue d’un arbre appelé « quinquina », fut la première molécule de l’Histoire utilisée pour soigner le paludisme. [1]

La molécule de chloroquine (figure A) est un dérivé synthétique de la quinine, produite depuis 1934. Depuis 70 ans, la chloroquine constitue le traitement de référence dans le monde pour combattre le paludisme, en curatif comme en préventif.

L’hydroxy-chloroquine (figure B), très proche de la chloroquine, possède tout simplement un groupement hydroxyle (OH) en plus en bout de chaîne. Sous cette forme, la molécule est tout aussi efficace que la chloroquine classique et conserve ses effets antipaludéens. Toutefois, elle est bien moins toxique et peut être administrée à plus hautes doses aux patients. D’où l’utilisation très répandue aujourd’hui de la forme « hydroxy-chloroquine ». Par soucis de simplification, on utilisera le terme de « chloroquine » pour désigner l’une ou l’autre de ces deux structures moléculaires dans la suite de l’article.
La chloroquine est également utilisée comme anti-inflammatoire contre certaines maladies auto-immunes chroniques telles que la polyarthrite rhumatoïde et les lupus. Elle a aussi des effets bénéfiques face au cancer, notamment en potentialisant l’effet de certains traitements anticancéreux. Enfin, des études démontrent les effets thérapeutiques de la chloroquine dans le cas d’infections fongiques, bactériennes et virales. Dans un premier temps, le rôle premier de la chloroquine, antipaludéen, sera abordé. Dans un second temps, ses rôles potentiels dans le cas d’une infection au SARS-CoV-2, responsable de la maladie COVID-19, seront présentés.

2/ Le rôle antipaludéen de la chloroquine

Le schéma ci-dessus (figure C) représente le mode d’action antipaludéen de la chloroquine (CQ) [2]. On y voit en jaune le parasite : Plasmodium falciparum. Celui-ci se trouve à l’intérieur du globule rouge (érythrocyte) après l’avoir infecté. Le rôle du parasite est d’incorporer l’hémoglobine (Hb) du globule rouge et de la dégrader, un processus qui permet au parasite de « se nourrir ». L’hémoglobine est transportée jusque dans la vacuole du pathogène, appelée sur le schéma food vacuole. Elle est ensuite digérée, produisant in fine des acides aminés essentiels au parasite, et de l’hémozoïne (Hz sur le schéma). À terme, vidé de son stock d’hémoglobine, le globule rouge « meurt ».

C’est là que la chloroquine intervient, elle traverse les membranes du globule rouge et du pathogène, jusqu’à arriver à la vacuole du parasite. La molécule perturbe ce processus de digestion de l’hémoglobine en se fixant sur certains produits de dégradation. Les complexes macromoléculaires formés fragilisent la membrane de la vacuole. Celle-ci finit par se perforer. Le parasite, « bloqué » dans sa croissance, meurt alors par autodigestion de ses propres composants.

Ces dernières années, la capacité de la chloroquine à perturber le développement d’autres pathogènes a été examinée, notamment pour les virus. Dans le cas des virus, les études sont très encourageantes. En effet, les propriétés antivirales de la chloroquine sont déjà décrites pour une vingtaine de virus différents : à la fois pour des virus à ADN (exemple : virus de l’hépatite B) mais aussi pour des virus à ARN (exemples : virus du SIDA, ou encore certains coronavirus, comme le SARS-CoV-1, qui est, on le rappelle, à 80 % identique au SARS-CoV-2). Si bien que le Centre National de Chine pour le Développement de la Biotechnologie accorde à trois molécules, dont la chloroquine, un rôle prometteur dans le cadre de la recherche d’un traitement face au virus SARS- CoV-2. Ce virus est responsable d’une maladie infectieuse pulmonaire grave chez les personnes âgées et/ou affaiblis, appelée COVID-19.

3/ Les potentiels rôles antiviraux de la chloroquine

Le professeur Raoult et son équipe, dans une publication de mars 2020, exposent leurs hypothèses pour expliquer les premiers résultats encourageants de la chloroquine dans le traitement du COVID-19, et également pour inciter les chercheurs du monde entier à poursuivre les études sur cette molécule prometteuse. Voici quelques-unes de ces hypothèses [3] :


La figure D, issue de cette publication, permet de résumer l’espoir porté par la chloroquine pour combattre le SARS-CoV-2. Sur cette figure, une cellule animale est représentée, avec sur la droite la légende de ses composants intracellulaires.

Sur cette cellule on y voit les étapes de la réplication du virus en son sein. Le virus se fixe au récepteur cellulaire ACE2. La particule virale est alors endocytée par la cellule et transportée en direction du noyau (2). Le virus, dans la cellule, libère son ARN virale (3), qui commandera à la cellule de construire et d’assembler de nouveaux virus à l’aide de sa propre machinerie de synthèse protéique (4). Une fois les nouveaux virus assemblés, ils sortent de la cellule par une vésicule d’exocytose (5). Là où il y a des flèches rouges, ce sont les possibles effets de la chloroquine à plusieurs stades de la réplication virale. En 1, la chloroquine pourrait empêcher la bonne fixation du virus sur la cellule, en modifiant le récepteur cellulaire ACE2. En 2, quand le virus est dans l’endosome, des données montrent que la chloroquine a la capacité de modifier l’acidité dans cet endosome et donc de perturber le transport du virus et sa libération dans le cytoplasme cellulaire. En 3, la communication parasitaire entre la cellule et le virus peut être perturbée par la chloroquine à travers l’inhibition de certaines enzymes (exemple : MAP Kinase) qui aident à la réplication virale. Enfin, en 4, la chloroquine empêcherait la maturation d’une protéine virale : la protéine M, indispensable pour l’assemblage de nouveaux virus.

Il est impératif de soutenir le professeur Raoult, ce viking de la science, afin de sauver des milliers de vies.

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