-« Partis comme nous voilà, je sens qu’ils vont aussi fermer les bistrots, vous savez! Ça ne saurait tarder, au train où vont les choses. Surtout qu’il l’a dit, le Macrounnet à sa mémère, c’est la plus grosse crise sanitaire depuis un siècle, tellement qu’on se demande même s’il ne faudrait pas remonter encore plus haut, vu que cent ans ça nous remet à peu près sur la « grippe espagnole ». Elle avait fait des millions de morts, bien sûr, mais pas autant causer les media, certes non, rien à voir! Et pour foutre la panique dans le landerneau, notre épidémie d’aujourd’hui n’a pas sa pareille, faudrait remonter au Déluge pour essayer de trouver le point de comparaison, et encore, je ne sais pas, vu qu’à l’époque on se noyait sans télé ni internet ce qui favorisait plus l’effet de surprise que la trouille à longue portée! Mais il y a de ça, on se trouve engloutis, comme aux vieux temps bibliques, par des kilomètres-cube de connerie ondulatoire, on ne respire plus, on engoule le flot ininterrompu des coronavirusseries médiatisées! On coule! Alors, vous savez, les troquets ça ne va pas faire un pli, profitons-en vite, c’est du peu au jus! »
Il ne pensait pas si bien dire, le vieux Maurice, lui qui survit par la transfusion quotidienne de sa quinzaine de demis-pression au comptoir de notre brave Thérèse. Vous lui enlevez ça, il claque aussi sûrement qu’une victime du Covid 19 dont on débrancherait la machine à respirer! Il sentait bien, le pauvre, que c’était du peu au jus. Depuis la veille on le constatait déjà en Belgique -une fois- ils ont tout fermé Vendredi, là bas, les bars, les restos, bref tout ce qui met un peu de convivialité joyeuse dans ce monde de zombies obnubilés par leur pandémie à la con, une vraie misère! Le pochetron semble en passe de devenir le paria de la crise virale! Les autres catégories, ma foi, une petite rasade de confinement ne peut pas leur faire beaucoup de mal; le pilier de comptoir, au contraire, vous lui retirez sa raison de vivre, son seul point d’appui, du coup c’est la chute assurée! Contraint de boire en suisse il sombrera dans l’alcoolisme morbide et l’abominable déchéance de l’ivrogne solitaire, la pire des avanies! Pour celui-là, mieux vaudrait encore choper le coronavirus!
Grauburle aussi, ça le paniquait grave!
-« Ho putain! Mais vous vous rendez compte, les mecs? Le rade fermé! Et je fais quoi, moi? Je reste à la maison? Avec Mémaine? Ou, la, la…mais c’est la mort sûre, elle m’aura la peau en moins d’une semaine! On est foutu, comme dit l’autre, faites quelque chose, mes potes, faut qu’on s’organise face à l’adversité sans quoi on va à l’apocalypse naoue! Peut être qu’on pourrait s’arranger, non? Prévoir une petite exception juste pour les amis, un arrangement quoi, un gentlemen agreement, pas vrai? Si jamais ça leur prenait comme ça, comme une envie de…oui enfin vous voyez, pareil que Macron quand il ferme les écoles tout à trac et sans préavis…ben qu’on se fasse une procédure de secours, un plan B, histoire de survivre tant bien que mal! Me laissez pas à la merci de ma femme, mes potes, ça je ne pourrai pas, plutôt le virus chinetoque! »
Alors germa l’idée, toute naturelle, de constituer un petit groupe de prévoyance sanitaire, une sorte de cellule de crise illicite, certes mais confidentielle. Autour de Thérèse, Jean Foupallour, Marcel Grauburle, le vieux Maurice et votre serviteur, nous continuerions en toute circonstance à faire vivre Derrière Napoléon, contre vents et marées! En douce, certes, mais dans la continuité et la préservation des traditions. On passera discrétos par la petite porte qui donne dans la cage d’escaliers, voilà tout.
Bien nous en prit! Pas plus tard qu’hier soir, en plein à l’heure de l’apéro, devant un public ébahi de picoleurs invétérés, l’ineffable Barabapoux, notre estimé Premier Ministre, annonçait froidement comme quoi finie la rigolade, vu qu’on n’est pas foutu dans ce pays de branleurs, d’appliquer correctement les consignes, ben on va voir ce qu’on va voir! On ferme! Tout! Les bars, les restos, les boutiques, les musées, les cinoches, j’en passe et des moins chiants! Dès aujourd’hui, ceinture! Démerdez vous avec ça! Et puis de toute façon on allait tous claquer sous peu, au rythme où ça se développe! Ben oui, quoi, si ça double tous les trois jours on se retrouve à cinq millions de malades à la fin du mois et la totalité de la population infectée jusqu’au trognon d’ici le 15 Avril! De quoi refiler des sueurs froides, ne croyez vous pas? Ça se voyait, d’ailleurs, qu’il ne bandait que d’une, hier soir, le futur maire du Havre -s’il arrive à passer dès le premier tour- et il y a de quoi vu qu’après tout ils se sont montrés un peu longs à la détente, nos chers dirigeants… Et même là, encore, quand pratiquement tous les pays un tant soit peu clairvoyants ferment leurs frontières, nous restons droits dans nos bottes bourrées de fumier en scandant la fière devise de Présipède « le virus n’a pas de passeport« ! Pauvre corniaud! C’est ainsi que depuis un mois, à Menton, on laisse entrer quotidiennement et sans le moindre contrôle, des milliers de Ritals dont forcément un pourcentage conséquent de coronavirussiques! Plus farce encore, ce sont les Italiens qui refoulent les Franchouilles à la frontière, des fois qu’on viendrait leur importer un petit chouya supplémentaire de Covid 19!
Voilà pourquoi notre cher Barbapoux se vit contraint, hier soir, de bousculer un peu le bouzbir ambiant pour tenter de limiter les dégâts et, surtout, de se dédouaner autant que possible face au désastre qui, désormais, nous pend au nez comme un sifflet de deux sous. Mais je vous rassure, hein, toujours pas de contrôle aux frontières…pour autant, je crois que désormais ce n’est plus la peine, un peu plus un peu moins…
Or donc, ce matin, dans la plus confidentielle des clandestinités, nous nous retrouvons à cinq, autour d’une lanterne sourde derrière le rade de Thérèse, rideau baissé, portes closes, invisibles de l’extérieur pour éviter tout emmerdement potentiel. Bien embêtés quand même, car l’atmosphère bistrotière s’accommode fort mal du confinement prophylactique. Bon, on prend l’apéro tout de même. Et puis on cause. Pas de problème pour le sujet de conversation, évidemment.
Thérèse, ce qui l’inquiète ce ne sont pas tellement les conséquences économiques de l’affaire, vu qu’on a tous compris le fond du problème: la planche à billets! Planche de salut salvatrice des pires vacheries, la bonne vieille dette, celle qui peut gonfler jusqu’à la fin de l’éternité, voyez-vous, le Saint-Esprit en conserve, avec taux d’intérêt quasi-négatifs n’en déplaise à la mère Lagarde (meurt pas, mais se rend de plus en plus ridicule)! De toute façon, on l’a bien senti dans le discours macronnesque de jeudi soir, on y va carrément, sans haine et sans crainte, quoi qu’il en coûte comme il répétait à l’envi… Quels qu’ils soient, ces politicards, dès qu’il dégottent une raison de se lâcher sur la dépense publique ils sautent dessus comme la misère sur les populations sub-sahariennes! Non, Thérèse se méfie manifestement de ce putain de coronavirus un peu comme s’il s’agissait de la peste-noire ou du choléra-morbus. Il faut rappeler, soyons francs, qu’au début, voilà un peu moins de deux mois, on le prenait presque à la rigolade ce petit virus chinetoque . Personne ne croyait vraiment à la dangerosité du phénomène, bref on n’avait rien vu arriver, c’est tout le problème! Parce que maintenant, comme dit la taulière, non seulement cette cochonnerie nous a tous mis dans le pétrin, mais encore risquons-nous réellement de la choper et en conséquence, vu nos âges, soit d’en crever, soit d’en rester mal foutus pendant au moins six mois, voire jusqu’à la fin de nos jours, laquelle en serait quelque peu précipitée sans l’ombre du moindre doute.
Alors, comme dit Jean Foupallour, levant bien haut son Ricard tintinnabulant de glaçons:
-« Mais non, jamais de la vie, vous faites pas de bile, ça va bien se passer, vous verrez! D’ailleurs, pas plus tard que ce matin, avant de venir ici, je suis passé voter…clairsemé, le bureau de vote, certes, mais bien en forme tout de même, avec des assesseurs tout guillerets, aspergés en permanence de machin hydroalcoolique…on en a de nouveau, vous voyez, ça va bien nous préserver, ça! Et puis, j’ai regardé dans le smartphone, « hydroalcoolique » ça veut dire de l’alcool avec de l’eau, pour zigouiller les virus y a pas mieux! Et c’est quoi, de l’alcool avec de l’eau, hein? Hé oui, les amibes, je ne vous le fais pas dire, c’est la formule même du pastaga! Alors, hein, elle est pas belle, la vie? Tu nous remets-ça, Thérèse, qu’on s’immunise à bloc! »
Croyez moi si vous voulez, mais si ça ne guérit pas du coronavirus, le pastis, en tout cas ça remonte vachement le moral, dès la cinq-sixième tournée on n’a plus peur de rien!
Faites bien attention tout de même, confinez vous à bloc et n’hésitez pas à taper dans la gourde (mais non, je ne parle pas de votre épouse, m’enfin!) si ça n’immunise pas, au moins ça rassure.
A Dimanche prochain pour les plus costauds!
Et merde pour qui ne me lira pas.
NOURATIN
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