Oh, bien sûr, il y aura un « après la crise du Covid19 ».
Oh, bien sûr, on aura très évidemment des décès à déplorer, des corps à enterrer ou, plus probablement, à incinérer. On devra faire avec le silence compact et gêné de ceux qui répétaient, il y a encore un mois, que tout ceci n’était qu’une petite grippe, que les prophète d’apocalypse se trompaient, qu’il n’y aurait que quelques morts ici ou là parmi quelques personnes âgées grabataires. Nous n’aurons même pas besoin d’attendre la fin d’année pour voir la bosse de surmortalité que cette « petite grippe » va faire sous le tapis de statistiques qu’on va nous jeter en pâture pour occuper nos esprits…
Oh bien sûr, l’économie sera quelque peu bousculée. Timidement, l’INSEE prévoit quelques soubresauts. Bruno Le Maire, ce véritable « as du volant » et cette « roue increvable » dans le jeu des Mille Bornes vers le grand néant intellectuel du Ministère de l’Économie français, a fait ses petits calculs et prévoit d’ores et déjà un petit 1% de récession, ce qui laisse raisonnablement entendre que la catastrophe sera plusieurs fois plus massive.
Oh bien sûr, il y aura des séquelles dans les familles, dans la société, dans les entreprises et au plus haut de l’État, mais, rassurez-vous, nous survivrons et nous nous remettrons au travail.
Haut les cœurs !
Cependant, alors que nous relèverons la tête, ce sont les étapes juste après cette crise qui seront probablement les plus intéressantes.
Bien évidemment, on peut déjà parier sur la foule des frétillants Pas-Assez-Anonymes qui se lèveront, les mains encore moites et les fesses pas très propres, pour s’écrier que l’heure n’est pas à la recherche des coupables mais à la reconstruction nationale, que le moment n’est surtout pas de faire l’aggiornamento des uns et des autres pour leurs fautes et leurs errements dans la gestion (on son absence, disons) de cette crise.
On peut parier sur Emmanuel Le Président, droit comme le « i » de Républiiiiiique, qui s’adressera à la Nation avec des trémolos dans la voix pour bien faire comprendre qu’il va tous nous falloir agir, tous, tous, tous (dans son coude) ensemble, pour faire corps, pour remettre de l’ordre, pour refaire partir la machine économique, et hop, regardez en avant, bien en avant, surtout pas sur les côtés et surtout pas derrière, dans l’ombre où se sont réfugiés ceux qui ont pourtant tout commis pour aggraver la situation d’alors.
Non, regardez devant, décidément : c’est que l’État n’attend pas, voyons ! Les taxes et les impôts doivent rentrer si on veut que les prestations sociales soient versées, qui maintiennent correctement notre vibrant tissus social et notre vivrensemble indépassable permettant aux uns de calmer les quartiers émotifs, aux autres de maintenir leur niveau de vie loin des contingences du petit peuple ! Que diable, reprenons-nous et oublions le passé, tsoin tsoin…
Il en sera donc décidé ainsi, fermement : la crise a (forcément) été gérée du mieux possible, il n’y a pas de responsabilité, seulement des malentendus et des leçons à apprendre, des « retours d’expérience » comme on dit de nos jours.
Voilà. C’est dit. Circulez, il n’y aura rien à voir et personne à blâmer, et surtout, aucun grand ménage à faire.
Mais c’est dommage, quand on y pense : après tout, c’est grâce à ce genre de crise qu’on peut jauger de ce qui est vraiment indispensable et de ce qui ne l’est pas tant que ça, de ce qui nous aide, et de ce qui nous encombre…
Par exemple, il y aurait certainement du ménage à faire chez ces responsables (mais pas coupables), ces administrations qui ont – par exemple – laissé les forces de l’ordre démunies de toute protection sanitaire et qui les ont ainsi transformées en vecteurs efficaces de la pandémie en France.
On pourra trouver pire encore avec ceux et celles qui ont laissé les soignants, en première ligne dans cette crise, sans protection non plus…
Par exemple, question ménage, il y aurait certainement fort à faire dans les myriades d’administrations et de procédures, notamment pour celles qui ont des mis des bâtons dans les roues de toutes les bonnes volontés en France, surtout lorsqu’elles étaient privées.
Ainsi, qui tapera sur les doigts des petits ronds de cuir confits de leur petit pouvoir de nuisance, responsables des lourdeurs administratives subies par certains labos de dépistage comme celui du CHRU de Lille ?
Ainsi, qui expliquera à ces bureaucrates consternants l’importance de la souplesse en temps de crise, quitte à leur faire rentrer cette notion essentielle à coup de pieds dans un arrière-train méritant largement la découverte de l’orbite géostationnaire ? Il faut en effet se pincer lorsqu’on lit que le règlement RGPD complique la distribution de masques de protection aux professionnels de santé…
On pourrait multiplier les exemples de la sorte, comme celui-ci, fourni par un lecteur.
Un de ses collègues, spécialisé dans l’import de matériel médical, a contacté une usine chinoise disposant actuellement d’un excédent de matériel (des respirateurs artificiels) suite à sa réactivité industrielle et à la baisse de la demande locale. 400 appareils se trouvent ainsi en stock, de type agréé par les hôpitaux chinois et qui sont actuellement vendus au prix unitaire d’environ 400 dollars américains.
Un CHU du Nord de la France, contacté, s’est déclaré tout simplement… non intéressé, même à prix coûtant.
Étonné mais ne renonçant pas à améliorer le sort de ses concitoyens français, l’importateur têtu décide alors de contacter une grande entreprise (du CAC40) qui, enthousiaste, lui propose d’acheter tout le stock afin de l’offrir aux hôpitaux français.
Malheureusement, ce matériel, apte à sauver des vies, disponible tout de suite et « gratuitement » (ou disons, « offert par le Grand Capital »), ne possède pas tous les tampons de certification. À ce motif, l’APHP refuse donc tout import…
La crise passera et les plaies se panseront. La société surmontera cette épreuve et son économie s’en remettra.
Mais vraiment, même lorsque les clowns qui nous gouvernent brailleront que le temps n’est pas à la désignation des coupables, non, décidément, on ne pourra pas s’affranchir de faire un bon gros ménage.
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