25 février 2020

Mises en quarantaine


Un peu de vrai et beaucoup de faux

Un grand battage médiatique avait été mené il y a quelques mois autour de la cigarette électronique quand fut relayée une épidémie de pneumopathies sévères. 1300 cas avaient été recensés chez des vapoteurs aux Usa. Ni les liquides vendus dans le commerce ni le dispositif du vapotage ne sont en cause. A chaque fois que l’analyse a été possible, il a été retrouvé du cannabis dans les liquides achetés à la sauvette par les sujets atteints. L’inquiétude suscitée par les journaux a provoqué au moment où ils titraient en une sur l’épidémie étasunienne une chute de vente des produits de vape de 30% alors que les ventes des cigarettes a connu une hausse de 7% environ.

Les fabricants de cigarettes avaient tout intérêt à nourrir la rumeur pour assurer la vente de leur drogue. L’addiction à la nicotine est une maladie chronique qui s’acquiert le plus souvent à l’adolescence au moment où le cerveau connaît une reconstruction de l’agencement neuronal. L’addiction s’installe par la multiplication de récepteurs à la nicotine. La nicotine consommée par le vapotage n’est pas une entrée dans la maladie et l’induction d’une dépendance est plus faible car ce mode de consommation délivre un taux de nicotine continu sans les pics de la cigarette qui favorisent l’addiction. De plus, ce mode exclue l’inhalation des toxiques, goudrons et additifs avec potentiels cancérigènes ou simplement ajoutés pour amplifier l’effet addictif. Il n’est donc pas nécessaire d’inventer un événement pour monter de façon presque incidente la ‘fausse nouvelle’ en faveur de groupes qui ont les moyens de ‘suggérer’ des articles de presse.

Les exemples abondent de ce type de couvertures de journaux qui exaltent un énoncé anxiogène et dissimulent des intérêts financiers qui peuvent tirer partie de données objectives et renforcer leur valeur « scientifique » par des interventions rémunérées de référents dans le domaine. Dans certains cas les intéressés fournissent à la presse toute la matière de l’information amplifiée et déformée. L’épisode de la grippe aviaire de 2005 est de ce type. Un risque pandémique fut proclamé par la directrice du Département Maladies Transmissibles de l’OMS. Margaret Chan avait alors sur-réagi alors que les critères virologiques et épidémiologiques n’étaient pas en faveur d’une telle menace. Elle fut accusée d’avoir répondu aux souhaits de l’industrie pharmaceutique. Début 2006, 171 personnes (chiffre dérisoire pour une épidémie de dimension planétaire) avaient été reconnues infectées dans le monde depuis 2003 et 93 en étaient mortes. 

La 5G, c’est mauvais pour la santé

Dans un premier temps, des scientifiques ont lancé une alerte sur les dangers potentiels de la future architecture du réseau 5G. Une anticipation sur les effets nocifs d’ondes courtes millimétriques a mis en garde contre leur risque sur la santé : effets cancérigènes, altération du système génétique et de la reproduction, accroissement du stress oxydant et production accrue de radicaux libres. Des perturbations du système neurologique et des déficits de la mémoire ont également été évoqués.

Une étude coordonnée par le Centre National de Toxicologie, programme fédéral qui regroupe et évalue les travaux de plusieurs agences dédiées à la toxicologie, a été menée pendant dix ans sur les effets d’ondes électromagnétiques dispensées à des souris et des rats (corps entiers). Les résultats en ont été publiés début 2018. Ils concluent à l’absence de nocivité sur la reproduction et la survie des rongeurs exposés au champ des radiofréquences expérimentées. Paradoxalement, il a été noté des anomalies dans les populations de rats mâles et de souris femelles non exposées.

Cependant, des opposants à la 5G lancent des pétitions sur des bases peu fondées scientifiquement. Des scientifiques et des médecins ont proposé un moratoire commun sur la 5G. Des milliers de papiers et d’articles ont été produits à charge sur la nocivité de la 5G par des experts en radiations non ionisantes sans avoir pu faire surclasser le risque carcinogène des réseaux 4G et les futurs 5G de potentiel (non impossible) à probable. 

La 5G c’est l’universalité de la surveillance

Dès lors que l’opinion sur la nocivité des ondes courtes de la technologie 5G n’a pas été adoptée unanimement, le discours sur son intrusion dans la vie privée a été développé en direction du grand public et des responsables politiques. Puisque la rupture technologique induite par cette innovation est le fruit de la recherche d’une entreprise chinoise, la surveillance des utilisateurs sera assurée pour le compte du gouvernement de Chine Populaire. Or la massivité des données échangées sur les réseaux mobiles et la multiplication de leurs utilisateurs ont saturé la 4G. La cinquième génération garantit une rapidité sans latence d’un flux de communications au moins dix fois plus élevées qu’actuellement. Huawei qui emploie près de 40 000 scientifiques l’a mise au point avec une avance de plusieurs années sur ses concurrents.

Pendant que l’on suppute sur une éventualité, ont été oubliées les révélations d’Edward Snowden en 2013 à propos de l’intrusion avérée des agences de renseignement étasuniennes dans les grands axes chinois de communication et du taux de réussite de pénétration à 75%. En 2013 encore, on apprenait que 35 chefs d’Etat étaient mis sur écoute téléphonique par la NSA. Le scandale de Cambridge Analytica qui a utilisé les données de dizaines de millions de comptes Facebook avec le consentement de la firme de Zuckerberg pour influencer les intentions de vote aux présidentielles étasuniennes en faveur de clients n’est pas si lointain. Enfin, plus récemment, la plus importante entreprise étasunienne spécialisée dans le courtage de données financières ne respecte pas leur anonymisation. L’exploitation des transactions effectuées par cartes bancaires permet de tracer qui achète quoi, quand et où.

Nancy Pelosi, Speaker à la Chambre des Représentants, opposante démocrate responsable de la rédaction du mémoire pour la destitution Trump a exprimé la même défiance que son adversaire à la Maison Blanche vis-à-vis de la 5G de Huawei lors de la conférence de Munich sur la sécurité, sans grande surprise. La mise en place d’une architecture 5G pour les communications va priver les USA de ses grandes oreilles. L’espionnage à vaste échelle des hommes politiques y compris des nations alliées et des secrets industriels se trouvera privé de ses ressources.

Angela Merkel et Boris Johnson n’ont pas obtempéré aux injonctions dissuasives du grand allié protecteur étasunien, ils ont autorisé et continueront de le faire la construction du réseau 5G dans leurs pays respectifs. Interdite aux Usa, Huawei développe ses produits 5G dans plus de 170 pays en particulier en Afrique. 

Couronnement

L’avance technologique de la Chine en électronique et de la Russie dans l’armement est désormais impossible à ignorer par le monde entier. Elle met à mal le Pentagone dont la doctrine est d’empêcher par tout moyen une autre puissance d’être en position de rivaliser avec la domination économique, militaire et technologique des Usa.

La guerre commerciale ouverte déclarée par Trump à la Chine devait réduire le déficit des Usa dans ses échanges avec l’usine du monde. Il n’en a rien été, l’augmentation des taxes de certains produits importés n’a pas réduit l’excédent chinois qui s’est accru en 2018 de plus de 8%. Pour 2019, le déséquilibre a dû s’aggraver dans les mêmes proportions. Les mesures protectionnistes de Washington pénalisent des centaines de firmes étasuniennes importatrices de produits chinois qui se sont plaintes et ont adressé une lettre à l’administration Trump pour qu’elle cesse de frapper de tarifs douaniers exorbitants l’acier et l’aluminium dont elles ont besoin. En fin de course, le consommateur américain est pénalisé par une hausse des prix.

Les échanges mondiaux se sont ralentis en 2019 en partie en raison de cette politique.

L’épidémie de COVID-19 due au coronavirus SARS-CoV-2 qui a pris naissance dans la province de Hubei est en train de réaliser un choc dans la chaîne de production industrielle aux Usa.

Le confinement des populations, la mise en quarantaine des malades suspects d’être porteurs a entraîné des effets très importants sur les principaux pays asiatiques, le Canada et les Usa du fait de la très forte intégration de la Chine dans l’économie mondiale. La dépendance des Usa pour la robotique grand public, l’électronique, les scanners optiques, des produits chimiques et pharmaceutiques d’usage courant est majeure. La Chine fournit au monde occidental des dispositifs médicaux et des médicaments comme l’aspirine, l’ibuprofen et le valsartan. Une contamination au cours du processus de fabrication par un dérivé à potentiel cancérigène du valsartan a été à l’origine d’une pénurie. A cette occasion, on a appris que génériqueurs et grands laboratoires le faisaient fabriquer en Chine.

Les chaînes d’assemblage chinoises des produits Apple ont été mises à l’arrêt ces dernières semaines et il semble que leur redémarrage sera plus long que prévu. L’action en bourse s’en ressent. Les indices du secteur technologique sont en recul en Europe comme au Japon et aux Usa. Le compartiment des matières premières est également pénalisé. 

COVID-19

On connaît un peu mieux ce virus ARN à l’origine de pneumopathies parfois sévères mortelles.

Sa transmission est facilitée en raison d’un temps d’incubation qui peut aller jusqu’à 14 jours où l’infection est silencieuse mais la maladie transmissible. Il peut survivre en dehors d’un organisme vivant sur une surface sèche à température ambiante jusqu’à 5 à 9 jours. Chaque sujet atteint et non mis en quarantaine contamine entre 4,7 et 6,6 personnes.

Il pénètre les cellules en se liant à un récepteur ACE2 (pour Angiotensin converting enzyme 2) qui joue un rôle dans la bronchoconstriction au même site donc que le virus du SARS de 2002-2003. Ce récepteur est surexprimé chez les fumeurs. Or les Chinois sont de gros consommateurs de cigarettes. 68% des hommes fument au moins occasionnellement et 49% consomment en moyenne 22 cigarettes par jour et seulement 3% des femmes fument occasionnellement et 3% régulièrement. Le ration des hommes atteint par rapport aux femmes semble élucidé. Le récepteur ACE2 est davantage présent dans les cellules alvéolaires des sujets asiatiques (2,5%) versus les sujets africains ou caucasiens (0,47%), expliquant la le foyer épidémique en Asie.

L’évolution des critères admis pour définir la maladie, élargis, oblige les chercheurs à revoir à la baisse le taux de mortalité initialement estimé à 3% qui sera sans doute ramené à 2 voire 1%. Il est donc nettement moins létal que le SARS-CoV-1 de 2003 avec un taux de 13% chez les moins de 60 ans et 42% chez les plus de 60 ans, mais bien plus contagieux.

L’émergence des récentes épidémies virales transformées rapidement en pandémies est lié aux modifications du mode de vie, au bouleversement des biotopes avec urbanisation accélérée et flux humains décuplés. Des virus jusque-là cantonnés à un réservoir animal s’adaptent à d’autres hôtes à la faveur de mutations qui surviennent lors de perturbations d’écosystèmes. Dans un contexte de véritable guerre commerciale, si le SARS-Cov-2 devait être un produit de laboratoire, il aurait pu avoir été disséminé depuis un laboratoire étasunien situé sur le sol des Usa ou de l’un des centaine de laboratoires installés dans différents pays du monde. Le chapitre du PNAC, Project for the New American Century, consacré à la reconstruction de la défense américaine, annonce un programme d’arme biologique ciblant un génotype humain particulier.

Le patient 0 n’est toujours pas connu. Les chercheurs chinois assurent désormais que le virus n’a pas émergé dans le marché de Wuhan qui n’aurait été qu’un vecteur de dissémination. Le Covid-19 serait-il un produit de laboratoire ? Mais alors lequel ? 

Couronnement de la crise des crédits

Dans l’équation complexe qui lie les économies chinoise et étasunienne figure en arrière-plan les bons du Trésor US détenus par Pékin. En 2019, la Chine a été vendeur net. La vitesse de ses cessions conditionne la possibilité d’une remontée des taux d’intérêts étasuniens avec le risque d’évènements en cascade tant l’Etat fédéral, les entreprises et les ménages sont endettés. La menace jamais proférée d’une vente massive permet de maintenir le yen à un taux favorable aux exportations chinoises.

Les investissements dans les infrastructures de la Route et Ceinture de la Soie constituent une orientation alternative des excédents commerciaux chinois.

Le PIB chinois s’est accru de 5,9% en 2019 d’après les chiffres du FMI ce qui au regard des taux des années du début du rattrapage est faible mais comparée à la croissance mondiale (moins de 3%) reste vigoureux. Les dirigeants chinois n’ont pas attendu les tensions avec les Usa pour orienter l’économie vers la consommation intérieure. Le faible niveau de chômage et la progression des revenus disponibles (malgré des disparités régionales et entre catégories sociales) soutiennent la consommation avec un léger tassement, l’épargne est favorisée dans les couches à revenu les plus faibles en l’absence de dépenses suffisantes de l’Etat dans le secteur de la Sécurité sociale dans une population vieillissante.

On ignore encore quand surviendra le pic de l’épidémie en Chine, peut-être a-t-il été déjà atteint. Assurément, le PIB chinois connaîtra une contraction sévère au premier trimestre 2020, ce qui affectera directement et indirectement la croissance mondiale.

L’économie des Usa, un enchevêtrement de dettes, évolue dans un équilibre métastable. Va-t-elle résister à l’étranglement qu’elle subit par l’arrêt brutal de l’importation des intrants chinois nécessaires à sa production manufacturière ? Le fabricant de téléphones mobiles Apple était passé en 4ème position mondiale dès septembre 2019 derrière Samsung, Huawei et Oppo. Les chaînes d’assemblage chinoises des produits Apple ont été mises à l’arrêt ces dernières semaines et il semble que leur redémarrage sera plus long que prévu. L’action en bourse s’en ressent. Le redressement prévu pour le premier trimestre n’aura pas lieu, faute de composants. Les indices du secteur technologique sont en recul en Europe comme au Japon et aux Usa. Le compartiment des matières premières est également pénalisé, les compagnies aériennes, le secteur touristique et les industries de luxe sont déjà pénalisées.

Que vont devenir les autres champions de la capitalisation boursière ? Les profits d’Amazon se réduisent alors qu’il continue de gonfler en éliminant la concurrence, de multiplier les entrepôts pour vendre essentiellement des produits fabriqués dans l’usine du monde. Une enquête de la Federal Trade Commission a été ouverte sur la position monopolistique et anti-concurrentielle de Google et Facebook qui connaissent tout des utilisateurs de leurs plateformes et en tirent grand profit. L’essentiel de leurs revenus provient de la publicité en ligne. Huawei a mis au point un nouveau système d’exploitation HarmonyOS qui détrônera Android, un dérivé de Linux racheté par Google, disséminé dans la majorité des téléphones mobiles et les tablettes.

Ne peut pas mener une politique protectionniste qui veut. L’épidémie du Covid-19 n’est pas jugulable par l’impression de papier monnaie émis par les Banques Centrales et une économie ne se mesure pas au cours des actions d’entreprises cotées en bourse.

Une correction magistrale risque d’être portée à l’inflation arrogante des marchés boursiers.

Le nombre de décès remonte à 2000 à la date du 22 février pour près de trois mois d’épidémie du Covid-19 dans l’immense Chine, à mettre en rapport avec les 1100 décès par la grippe en France pour l’hiver 2018-2019 et les 4000 morts pour l’hiver précédent. Les accidents de la voie publique ont tué 3248 personnes pour l’année 2018. La gravité de l’épidémie actuelle est peut-être surestimée. L’impact sur les économies en particulier occidentales des mises en quarantaine lui est réel et surtout son retentissement à terme sur l’équilibre des puissances encore indécidable même s’il est permis de s’en faire une petite idée.

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