Dans leurs descriptions de Qassem Soleimani, les médias américains omettent de mentionner que Soleimani et les États-Unis se sont battus dans le même camp. En 2001, l’Iran soutenait l’invasion américaine de l’Afghanistan. Il a utilisé ses bonnes relations avec la milice Hazara et l’Alliance du Nord anti-taliban, que la CIA et l’Iran avaient fournis pendant des années, pour soutenir l’opération américaine. L’article Wikipédia sur le soulèvement de 2001 à Herat nomme le général américain Tommy Franks et le général Qassem Soleimani comme commandants alliés.
La collaboration a pris fin en 2002, au moment où George W. Bush plaçait l’Iran dans la liste des pays faisant partis de l’« Axe du Mal« .
En 2015, les États-Unis et l’Iran ont de nouveau collaboré. Cette fois-ci pour vaincre État Islamique en Irak. Pendant la bataille pour la libération de Tikrit, l’armée de l’air américaine a volé au renfort des forces terrestres du général Soleimani. A cette époque, Newsweek rapportait : Alors que les nations occidentales, dont les États-Unis, ont été lentes à réagir à la marche de EI à travers le nord de l'Irak, Soleimani a été prompt à jouer un rôle public dans les efforts de Téhéran pour s'attaquer au groupe terroriste. Par exemple, le commandant a été vu en photo avec des miliciens dans la ville d'Amerli, dans le nord de l'Irak, lorsqu'elle a été reprise à EI en septembre dernier. ... Le général américain Martin Dempsey a déclaré que la participation de l'Iran à la lutte contre EI en Irak pourrait être une mesure positive, à condition que la situation ne dégénère pas en sectarisme, en raison des craintes entourant la façon dont les milices chiites pourraient traiter le reste de la population sunnite de Tikrit, si la ville était reprise. Le chef militaire a également affirmé que près des deux tiers des 30 000 personnes participant à l'offensive étaient des miliciens soutenus par l'Iran, ce qui signifie que sans l'aide de l'Iran et les conseils de Soleimani, l'offensive sur Tikrit n'aurait peut-être pas été possible.
Il est déplorable que les médias et les politiciens américains blâment Soleimani pour les pertes américaines lors de l’invasion de l’Irak. Les groupes chiites ont causé seulement 17% de toutes les pertes américaines et ont combattu, comme les Brigades de Sadr, sans le soutien de l’Iran. On entend aussi de nouveau dire que l’Iran a fourni à la résistance irakienne des Explosive Formed Penetrators (EFP) utilisés dans les bombes de bord de route. Mais cette thèse a été prouvée fausse il y a plus de 12 ans. L’histoire des « EFP iraniens » faisait partie d’une campagne américaine de PSYOPS pour cacher les vraies raisons de leur échec en Irak. Il y a eu des douzaines de rapports qui ont prouvé que les EFP étaient fabriquées en Irak et il n’y a jamais eu de preuve que l’Iran ait livré des armes ou quoi que ce soit d’autre à la résistance irakienne : La Grande-Bretagne, dont les forces sont responsables de la sécurité dans le sud-est de l'Irak depuis le début de la guerre, n'a rien trouvé pour étayer l'affirmation des Américains selon laquelle l'Iran fournissait armes et entraînement en Irak, ont déclaré plusieurs hauts responsables militaires. "Je n'ai moi-même vu aucune preuve - et je pense qu'il n'y en a aucune - de l'existence d'un soutien armé" soutenu ou instigué par le gouvernement iranien en Irak, a déclaré le ministre britannique de la défense, M. Des Browne, dans un entretien accordé à Bagdad à la fin du mois d'août.
L’Iran n’est pas responsable des pertes américaines en Irak. C’est George W. Bush qui l’est. Ce qui a rendu Soleimani « mauvais » aux yeux des États-Unis, c’est son soutien à la résistance contre l’occupation sioniste de la Palestine. C’est Israël qui voulait qu’il soit « éliminé ». Les médias qui cherchent à expliquer la décision de Trump oublient ce point.
Le New York Times expliquait hier que Trump avait choisi la « mauvaise option« dans la liste de plans d’action possibles que l’armée lui avait présentée. Cela ressemble à une connerie inventée pour ne pas accuser Trump et tout mettre sur le dos de l’armée.
Le Washington Post rapporte aujourd’hui que l’idée de tuer Soleimani est venue du Secrétaire d’Etat Pompeo : Pompeo a parlé pour la première fois à Trump de tuer Soleimani il y a des mois, a déclaré un haut responsable américain, mais ni le président ni les responsables du Pentagone n'étaient prêts à approuver une telle opération. ... Cette fois-ci, un facteur important a été la coordination de l'opération entre Pompeo et Esper, tous deux diplômés de la même promotion de l'Académie militaire des États-Unis, qui ont délibéré avant la réunion d'information avec Trump, ont déclaré de hauts responsables américains. M. Pence a également approuvé cette décision, mais il n'a pas assisté à la réunion en Floride.
Il est possible que le rapport soit correct, mais cela ressemble plus à une histoire arrangée pour mettre sur le dos de Pompeo les mauvaises conséquences que la décision de Trump entraînera.
Pendant sa campagne électorale, Trump ne savait même pas (vidéo) qui était Soleimani. Quelqu’un l’a endoctriné. L’idée d’assassiner Soleimani est venue très probablement de Netanyahou et a dû être plantée dans la tête de Trump il y a un certain temps. Israël aurait pu tuer Soleimani plusieurs fois quand il voyageait ouvertement en Syrie. Il a hésité à le faire car il en craignait (à juste titre) les conséquences. Maintenant, ce sont les États-Unis qui devront les subir.
Les conséquences continuent de s’accumuler.
La décision prise par le gouvernement et le parlement irakien de chasser toutes les troupes étrangères du pays laisse une certaine souplesse dans le calendrier. Les militaires américains et autres sont en Irak en vertu de simples accords qui ont été passés entre le ministère irakien des Affaires étrangères et les autres parties. Le ministère peut respecter la décision du Parlement en écrivant simplement des lettres déclarant que les accords prennent fin la semaine prochaine. Il pourrait aussi choisir d’attendre jusqu’à la fin de l’année. Mais le Premier ministre Adel Abdul Mahdi a déclaré publiquement qu’il ne peut plus garantir la sécurité des troupes étrangères sur le sol irakien. Cela rend la question urgente et il est probable que les troupes partiront assez rapidement.
Trump n’a pas aimé l’idée et a menacé l’Irak de sanctions : S'adressant aux journalistes, le président américain a déclaré : "S'ils nous demandent de partir, si nous ne traitons pas de manière amicale, nous leur imposerons des sanctions comme jamais auparavant. Les sanctions iraniennes auront l'air modeste en comparaison." "Nous avons une base aérienne extraordinairement chère qui se trouve là-bas. Sa construction a coûté des milliards de dollars. Construite bien avant mon époque. Nous ne partirons pas, à moins qu'ils nous la remboursent", a dit M. Trump. Le président a ajouté : "S'il y a de l'hostilité, s'ils font quoi que ce soit que nous jugeons inapproprié, nous allons imposer des sanctions à l'Irak, de très grosses sanctions."
Il y a aussi quelque 2 900 robots Twitter qui essaient de donner une apparence illégitime à la décision du Parlement en tweetant « Je suis Irakien et le Parlement ne me représente pas ». On ne sait pas s’il s’agit de robots saoudiens ou américains, mais leur comportement est inauthentique.
Il n’y a rien que Trump puisse faire pour garder ses troupes en Irak. Même si le gouvernement irakien ne leur avait pas dit de partir, les Forces de la Milice Populaire allaient de toutes façons attaquer les bases américaines et expulser l’armée américaine par la force. En assassinant Soleimani et le chef des PMU, al-Muhandis, les États-Unis ont rendu cette étape inévitable.
Hier, l’Iran a pris la décision de dépasser le nombre de centrifugeuses qui sont autorisées à fonctionner en vertu de l’accord nucléaire du JCPOA, que les États-Unis ont abandonné. Cette décision était attendue et l’assassinat de Soleimani n’a fait que l’accélérer. L’Iran a pris la mesure prévue au §36 de l’accord qui permet à l’Iran de dépasser les limites si les autres parties de l’accord JCPOA ne respectaient pas leurs engagements. Cela signifie que l’Iran est toujours dans le cadre du JCPOA et que cette mesure est réversible. L’AIEA continuera d’avoir accès aux sites iraniens et continuera d’établir régulièrement un rapport sur le programme nucléaire civil.
Les cosignataires du JCPOA, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, ont publié aujourd’hui une déclaration très peu utile mettant toute la responsabilité sur l’Iran et ne mentionnant même pas l’assassinat de Soleimani.
L’Iran n’a pas annoncé quel genre d’opération il utilisera pour venger la mort de son héros national. Il s’agira probablement d’une opération asymétrique contre l’armée américaine quelque part dans le monde. Ce sera certainement une opération de grande envergure.
Le leader du Hezbollah Hassan Nasrallah, un ami cher de Soleimani, a annoncé hier que l’Axe de la Résistance prendra sa propre revanche, de son côté.
Voici des extraits tirés du discours assez long de Nasrallah (que je recommande de lire intégralement) : Aujourd'hui, nous commémorons la mort de Soleimani et al-Muhandis, deux grands commandants, et leurs compagnons irakiens et iraniens qui ont été martyrisés lors de ce récent crime. La date de l'assassinat de Soleimani est un point tournant dans l'histoire de la région, et pas seulement pour l'Iran ou l'Irak. C'est une nouvelle phase qui débute. ... L'assassinat de Soleimani n'est pas un incident isolé. C'est le début d'une nouvelle stratégie américaine dans la région. Les États-Unis ont soigneusement pesé les mesures qu'ils pourraient prendre pour inverser tous leurs échecs précédents. Mais pas une guerre contre l'Iran. Trump sait qu'une guerre contre l'Iran serait difficile et dangereuse. Alors, que pouvaient-ils faire qui ne mènerait pas à une guerre contre l'Iran ? Ils ont décidé de tuer Qassem Soleimani, une figure centrale de l'Axe de la Résistance. ... Qassem Soleimani était le ciment de l'Axe de la Résistance, et ils ont donc décidé de le tuer, et de le tuer ouvertement, ce qui aura aussi son impact psychologique. ... Notre responsabilité dans l'Axe de la Résistance porte sur trois points. 1 - Le but de Trump était de nous terrifier et de nous subjuguer. La direction de la Résistance ne vacillera pas et ne reculera pas d’un poil. Au contraire, le martyr de Soleimani et de Muhandis ne fera que renforcer notre motivation. 2 - La Résistance doit se coordonner et se rapprocher, pour se renforcer et renforcer ses capacités, car la région entre dans une nouvelle phase. 3 -En termes de réponse, nous devons envisager un châtiment juste. En ce qui concerne ce crime, celui qui l'a commis est connu et doit être puni. Soleimani n'est pas seulement une affaire iranienne, c’est celle de tout l'Axe de la Résistance - la Palestine, le Liban, la Syrie, le Yémen, l'Afghanistan, et tous les pays qui ont des partisans et des amoureux de la Résistance. L'oumma. Ce n'est pas seulement une affaire iranienne. L'Iran peut aussi répondre comme il lui plaît, mais cette réponse n'exempte pas l'Axe de la Résistance de répondre de son côté. L'Iran ne vous demandera rien - d'agir ou de ne pas agir. Les forces de l'Axe de la Résistance doivent donc décider elles-mêmes comment traiter la mort de Soleimani. Donc, si une faction de l'Axe de la Résistance venge sa mort, c'est leur décision, et pas celle de l'Iran. L'Iran ne demandera rien. C'est à nous de décider comment répondre. Nous contentons-nous de faire le deuil et l'éloge funèbre ? Nous devons tous nous diriger vers un juste châtiment. Qu'entendons-nous par juste punition ? Certains disent que cela doit être quelqu'un du même niveau que Qassem Soleimani - comme le président des chefs d'état-major, le chef du @CENTCOM, mais il n'y a personne au niveau de Soleimani ou de Muhandis. La chaussure de Soleimani vaut plus que la tête de Trump, donc il n'y a personne que je puisse désigner pour dire que c'est la personne que nous devons cibler. Un juste châtiment doit s'exercer sur la présence militaire américaine dans la région, les bases militaires américaines, les navires militaires américains, chaque officier et soldat américain dans nos pays et régions. L'armée américaine est celle qui a tué Soleimani et Muhandis, et elle en paiera le prix. C'est l'équation. Je veux être très clair, nous ne parlons pas de citoyens ou de ressortissants américains. Il y a beaucoup d'Américains dans notre région. Nous ne voulons pas les attaquer, et il n’est pas bien de leur faire du mal. Attaquer des civils américains n'importe où sert les intérêts de Trump. L'institution militaire américaine s'est mise au milieu de la bataille en commettant cet assassinat. Certains diront que j'exagère les choses. Ce n'est pas le cas. Je vois les choses comme elles sont. Nous n'accepterons pas que notre région, ses lieux saints et ses ressources naturelles soient remis aux sionistes. Si l'Axe de la Résistance va dans cette direction, les Américains quitteront notre région, humiliés, vaincus et terrifiés. Les martyrs suicidaires qui ont forcé les USA à quitter la région auparavant restent. Si les peuples de notre région se dirigent dans cette direction, les cercueils des soldats et des officiers américains qui sont arrivés verticalement reviendront horizontalement, Trump et son administration sauront qu'ils ont perdu la région, et ils perdront les élections. La réponse au sang de Soleimani et d'Al-Muhandis doit être l'expulsion de toutes les forces américaines de la région. Lorsque nous aurons atteint ce but, la libération de la Palestine deviendra imminente. Lorsque les forces américaines quitteront la région, les sionistes feront leurs valises et partiront, sans avoir besoin d'une bataille contre Israël.
Le général Esmail Qaani, celui qui a remplacé Soleimani au poste de commandant de la brigade Quds, a approuvé la proposition de Nasrallah : Going Underground on RT @Underground_RT - 00:14 UTC - 6 janv. 2020 Esmail Qaani, le nouveau chef de la Force Quds de l'IRGC en Iran : "Notre promesse est de continuer le chemin du martyr Soleimani. En raison du martyre de #Soleimani, notre promesse sera l'expulsion des USA de la région, en différentes étapes."
Ce ne sont pas des menaces vides de sens mais un projet militaire qui se déroulera dans les prochaines années. Je ne parierais pas sur les États-Unis comme vainqueurs de cette guerre.
Il y avait des millions d’Iraniens dans les rues de Téhéran aujourd’hui pour pleurer Qassem Soleimani. Le Guide suprême, l’Ayatollah Khamenei, a versé des larmes en récitant la prière funéraire (vidéo). Comme l’a dit un jour l’ayatollah Khomeini : « Ils nous appellent une nation de larmes, mais avec ces larmes nous avons renversé un empire. » Fereshteh Sadeghi فرشته صادقی @fresh_sadegh - 5:15 UTC - Jan 6, 2020 Cette affiche m'a été donnée ce soir par 2 jeunes hommes à côté d'un stand qui offrait du thé et des dattes aux automobilistes (les dattes en signe de deuil en Iran), je veux la coller sur la vitre arrière de ma voiture. On peut y lire : Un monde vous vengera, avec le hashtag #réponse écrasante.
Il y aura des centaines de milliers de volontaires au cas où l’Iran aurait besoin d’eux pour venger Soleimani. C’est pourquoi nous avons prédit que les États-Unis en viendraient à regretter leur mauvaise action.
Et bien que la situation puisse être raisonnablement comparée à l’époque de la préparation de la guerre contre l’Irak, je ne vois pas de guerre se produire. Les guerres sont très risquées car l’ennemi a le droit de riposte. Toute guerre contre l’Iran entraînerait probablement dix mille pertes américaines. Trump n’est probablement pas assez stupide pour lancer une telle guerre et certainement pas pendant une année électorale.
Pendant sa campagne, Trump a dit qu’il voulait que l’armée américaine quitte le Moyen-Orient. L’Iran et ses alliés l’aideront à tenir cette promesse.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone
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