Le marché REPO représente des milliers de milliards de dollars en prêts à un jour où les obligations (ou autres « actifs ») sont utilisées comme garantie pour des prêts à très court terme entre grandes banques. Théoriquement, ce flux de prêts supposément garantis agit comme un simple lubrifiant de fond pour le moteur de la finance, comme l’huile moteur qui circule dans votre Ford F-150. Vous ne la remarquez pas tant qu’elle est là, jusqu’à ce que, tout d’un coup, vous lancez des chevaux et ce satané véhicule se met à fumer sur le côté de la route.
L’étrange action sur la scène du REPO suggère que certaines grandes banques sont en grande difficulté, et probablement parce que les « investissements novateurs » qu’elles ont conçus – comme substitut aux véritables objectifs du capital, comme permettre la production de biens réels avec profit – s’avèrent une fois de plus n’être guère plus que des escroqueries et des fraudes, comme la dernière fois. Des choses comme les swaps de taux d’intérêt et des « assurances » contre le défaut de paiement. Tu clignes des yeux ? En fin de compte, il existe un potentiel impressionnant de pertes qui peuvent devenir critiques, se multiplier à la manière d’une chaine de causalité, tomber en cascade et commencer à détruire de vraies choses – comme les lignes d’approvisionnement de votre supermarché.
Lorsque vous coupez à travers toutes les conneries ésotériques, ce qui se cache probablement derrière tout cela est la dynamique d’un approvisionnement énergétique mondial abordable défaillant. Oui, c’est vrai. L’économie mondiale ne fonctionne plus, alors nous avons plutôt recours à des escroqueries et à des fraudes. Cela doit sembler fou, surtout aux Américains, qui regardent notre production record de pétrole de près de 13 millions de barils par jour maintenant et qui voient le ciel bleu de « l’indépendance énergétique » à perte de vue. Le problème, c’est que c’est l’hologramme d’un mirage au bout d’une chaîne de Ponzi. Il suffit de dire que l’huile de schiste ne rapporte tout simplement pas d’argent et que tout le reste du pétrole conventionnel dans le monde est de plus en plus difficile à obtenir. Une grande partie de ce pétrole là se trouve au Moyen-Orient.
Donc, beaucoup dépend de ce qui se passe au Moyen-Orient, qui est sans doute la région la plus confuse et la plus contrariée du monde sur le plan politique – même si l’Afrique centrale se bat peut être pour la 1ere place avec son chaos effroyable. En général, nous tolérons toute cette confusion tant que le pétrole continue de couler vers les marchés mondiaux, permettant le flux de tout le reste. Mais tout soupçon d’interruption envoie l’humanité et tous ses systèmes de signalisation – tels que les marchés financiers – dans une fugue psychotique. C’est ce dont nous approchons maintenant.
Les marchés financiers savent que beaucoup moins de nouveaux investissements seront désormais consacrés au pétrole de schiste, car il s’agissait d’un mauvais investissement au cours des dix dernières années, malgré toute l’admirable techno-virtuosité qui sous-tend cette production, et que d’ici peu, la puissante courbe en cloche du pétrole de schiste va se renverser, et tout ce qui est économique avec. Les gens qui font de la politique étrangère et des plans militaires peuvent le sentir aussi, peut-être de façon atténuée. Mais ils sont alors confrontés aux calculs mystifiants supplémentaires de toutes ces parties en conflit au Moyen-Orient qui se disputent les positions et les avantages, alors que les gros acteurs avides de pétrole du monde essaient désespérément de trouver comment maintenir ces flux de pétrole dans leur direction.
En fin de compte – et plus tôt que tard – les puissants flux de tout ce qui circule dans l’économie mondiale s’étranglereront, et le processus consistera probablement en de brusques chocs politiques et économiques plutôt qu’en une simple décélération. L’assassinat du général Qassim Suleimani a été un tel choc. Ses multiples activités dans tout le Moyen-Orient étaient en soi un symptôme de l’instabilité qui tenaille l’Iran alors que son économie vacille. Cela est dû en grande partie à la pression que les États-Unis exercent sur l’Iran par le biais de sanctions commerciales et de mouvements de devises. Et une grande partie de cela provient des événements d’il y a plus de quarante ans, lorsque les mollahs ont fait sortir le shah de la ville et ont pris en otage le personnel de l’ambassade américaine pendant plus d’un an. L’inimitié des deux côtés est large et profonde. [Et avant, le coup d’État contre Mossadegh, NdT]
Le voisin de l’Iran, l’Irak, est un morceau important en matière de pétrole, et l’Iran a fait des percées importantes en essayant de prendre le contrôle de ce pays brisé, même si les États-Unis y maintiennent leurs garnisons. La région de l’Irak la plus proche de l’Iran, Bassora, est à une écrasante majorité chiite, comme l’Iran, et produit une grande partie du pétrole irakien. Bagdad n’est pas si chaude pour y renoncer. Rappelez-vous, les deux pays ont joué des coudes tout au long des années 1980. Environ un quart de million de personnes sont mortes dans cette guerre. C’est sûrement une grande priorité pour les États-Unis de ne pas laisser le pétrole irakien glisser entre les mains de l’Iran. C’est un jeu à somme nulle, bien sûr, parce que même les abondantes réserves de pétrole de l’Irak ne sauveront pas le cul de l’économie mondiale, et encore moins celui de l’Iran.
Personne ne sait ce qui se passera ensuite. Les Iraniens sont furieux et veulent imposer le rythme. Ils ont fait de nombreuses farces ces deux dernières années, comme attaquer un important terminal pétrolier saoudien, capturer des marins américains, abattre des drones américains, saisir des pétroliers dans le golfe Persique et d’autres farces du même genre – tout cela sans aucune réaction de leurs ennemis, y compris de nous, jusqu’à la semaine dernière. Et, bien sûr, il y a la question de toutes les autres affaires tordues qu’ils ont menées autour de la Syrie, du Liban et même de la lointaine Libye, où le général Suleimani est entré en jeu. Les gens sérieux se demandent : l’Iran est-il assez fou maintenant pour essayer de fermer le détroit d’Ormuz ? Ou d’attaquer le complexe de Ras Tanura ?
Pour l’instant, la mise en accusation est en veilleuse. Nous sommes dans une double situation en ce premier mois des années 20, les tapageuses : carnage financier et quelque chose qui ressemble à une guerre. Ça va nous permettre de changer d’attitude.
James Howard Kunstler
Traduit par Hervé, relu par Kira pour le Saker Francophone
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