« Trump avait précédemment promis des représailles massives si l'Iran attaquait du personnel ou des installations américaines. [Parlant] entouré de son équipe de sécurité nationale, Trump a dû oublier cette menace, sachant très bien que s'il devait attaquer l'Iran, la réponse iranienne serait dévastatrice pour les États-Unis et leurs alliés régionaux, notamment Israël, l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis. Les États-Unis pourraient être en mesure d'infliger une dévastation inimaginable à l'Iran, mais le coût d’une telle opération serait trop élevé pour être acceptable... »
Sur le plan de sa position intérieure, Trump est passé en une volte rapide comme l’éclair, accompagnée de diverses fleurs de rhétorique sur la puissance US et la menace réaffirmée contre l’Iran, d’une position de belliciste déchaînée “hors de contrôle” à celle d’un gestionnaire de crise sachant se replier sous le couvert d’un déluge de feu communicationnel vantant ses propres vertus. Mais on commence à le connaître dans ce genre d’exercice. Il a fort peu trompé son monde sur ses capacités de simulacre, dans la rude bataille, la vraie de vraie, celle qui ne s’interrompt plus depuis 2015-2016, celle qui se poursuit à Washington D.C.-“D.C.-la-folle” et que n’a nullement interrompu l’épisode iranien ; bien au contraire, qui a été ragaillardi par l’épisode iranien...
Peut-être, sans doute sa volte a-t-elle satisfait les militaires qui la lui recommandaient avec fermeté. Pour le reste, la bataille fait rage plus que jamais à Washington, et Trump se retrouve singulièrement isolé et l’objet de la plupart des attaques, – mais c’est le genre de revers de circonstance dont il a l’habitude, ce qui ne signifie nullement qu’il ne succombera pas un jour... Ainsi “D.C.-la-folle” se manifeste-t-elle dans ces temps de désescalade :
• Les faucons de l’espèce-neocon, la clique des jusqu’auboutistes, reprochent sans pitié à Trump, directement ou indirectement, sa “reculade” honteuse. Le plus fort symbole de cette situation est la condamnation sans réserve de l’absence de riposte au tir de missiles iraniens prononcée par Lindsey Graham, pourtant ami du président, qui avait applaudi au moins des deux mains à l’assassinat de Soleimani.
• La Chambre des Représentants, elle, a voté hier selon les lignes d’une majorité démocrate qui poursuit sa croisade anti-Trump (224 voix démocrates contre 194 voix républicaines) une résolution qui rappelle l’existence du War Power Acts de 1973 ; ce rappel lui permettant d’ordonner « au président de “mettre fin à l’utilisation des forces armées des Etats-Unis” contre l’Iran sans l’autorisation du Congrès, à moins que cela ne soit nécessaire pour “se défendre contre une attaque armée imminente” ». La résolution est “non-binding” (non contraignante), donc non soumise au veto présidentiel qui aurait été mis sans aucun doute si elle avait été contraignante ; au reste, il est admis sans trop de débat qu’une législation similaire (contraignante) aurait été très probablement repoussée par le Sénat. Cela ne semble pas devoir être le cas pour cette version non-contraignante dans la mesure où certains républicains, qui ne veulent pas mettre leur président en mauvaise posture face aux démocrates mais qui mettent en cause l’interventionnisme extérieur, soutiendraient la résolution qui sera présentée par les démocrates la semaine prochaine :
« “Nous prenons cette voie parce qu’elle n’exige pas ... une signature du président” a déclaré avant le vote de jeudi la représentante Elissa Slotkin, qui a parrainé le projet de loi. “C’est une déclaration du Congrès des États-Unis, et je ne veux pas que cette déclaration soit discréditée par le veto du Président.”
» Le Sénat devrait adopter une résolution similaire la semaine prochaine, qui serait parrainée par le sénateur Tim Kaine, de la Virginie. Alors que les républicains de Trump contrôlent le Sénat, plusieurs d’entre eux ont indiqué leur volonté de soutenir la résolution, dont Rand Paul et Mike Lee. »
Comme on le voit, la séquence n’est pas finie, et l’est d’autant moins qu’est intervenue cette affaire du Boeing 737 ukrainien (International Ukrainian Airlines [IUA], vol 752) qui s’est écrasé peu après son décollage de l’aéroport de Téhéran, dans les heures où avait lieu le tir de missiles iraniens. Il est assez intéressant, sociologiquement et pathologiquement, de voir le réflexe pavlovien de la communauté internationale réduite aux acquêts du bloc-BAO, principalement dans sa composante anglophone. Cela fait qu’il y a deux narrative concernant les suites du sort tragique du vol 752, dont personne des passagers ni de l’équipage n’a survécu :
• Le vol 752 s’est écrasé peu après le décollage. Une enquête devra déterminer les circonstances du drame.
• Les Iraniens ont abattu avec un missile, – ce serait bien s’il était de fabrication russe, – un 737 ukrainien (comme ça se trouve). Le tir s’est fait par erreur, – si l’on est indulgent, – ou peut-être de façon délibérée (un méchant n’est jamais trop méchant).
Un nouveau “front” s’est donc ouvert, dont Nabojsa Malic nous entretient avec malice, dans RT.com. Du jeune Trudeau nous sont arrivés deux nouvelles : 1) il s’est laissé pousser la barbe et 2) il a reçu « des renseignements de multiples sources » annonçant que le vol 752 a été abattu par un missile iranien (peut-être de fabrication russe ?).
Les Iraniens se débattent dans les méandres gluants et collants de cette nouvelle offensive de “psychological warfare” qui ressemble désespérément aux précédentes, en tonnes de simulacres et de bidouilleries; ils ont donné une version puis une autre, désormais ils envisagent de demander à des experts français ou canadiens(agréés par Trudeau ?) de les aider à décrypter la “boite noire”. Washington avait généreusement proposé de s’en charger, arguant du fait que Boeing est spécialiste de ce travail comme on le voit chaque jour avec le 737Max (« conçus par des clowns surveillés par des singes ») ; les Iraniens l’ont refusée, chose dont on conviendra qu’elle est tout à fait surprenante et alimente les soupçons déjà confirmés par “de multiples sources” à la barbe de Trudeau.
Comme on le voit, la désescalade de la séquence se fait dans le désordre et rencontre de multiples obstacles tout en alimentant d’autres crises intérieures, notamment aux USA. Les contestations et les mécontentements sont multiples, toujours selon la même recette où le bouffe se mélange au tragique, et le risque d’une ré-escalade existe bel et bien sans qu’on sache d’ailleurs dans quel élément crisique du tourbillon crisique elle pourrait se développer. A nouveau intervient le constat de l’importance de cet “assassinat métahistorique” comme nous l’avons désigné, du général Soleimani.
Mis à part l’inconnue que représente l’accident du vol 752 quant à ses développements qui peuvent être variés et aller dans tous les sens, le fait significatif est le vote de la Chambre avec le possible soutien du Sénat pour parvenir à une résolution du Congrès qui constituerait symboliquement une mise en cause des pouvoirs de guerre du président. (Le même événement de l’opposition du Congrès avait failli survenir contre Obama lors de l’intervention en Libye en 2011, et contribuant à empêcher l’attaque contre la Syrie de septembre 2013.) Il faut en effet le labyrinthe colossal et compliqué des affrontements en cours au sein du pouvoir du système de l’américanisme pour parvenir à cet étrange artefact dialectique d’une position du Congrès contre un interventionnisme belliciste que le Congrès, “en temps normal”, soutient à fond, parfois au-delà des vœux du président en place ou de ceux du Pentagone ; et, ce faisant, conduisant à une situation où apparaît possible un nouvel ébranlement de la structure déjà bouleversée du pouvoir du Système...
On retrouve le même phénomène qui se reproduit depuis qu’il peut être jugé que l’assassinat de Soleimani est un événement objectivement métahistorique, – c’est-à-dire nullement un événement partisan ou idéologique, mais un événement qui fait sortir de l’ontologie médiocre de l’enchaînement historique : « Ainsi est effectivement interrompu “l’enchaînement cohérent des épisodes d’un récit, selon les lois de la rhétorique” au profit des « lois de la vie » répondant à l’événement métahistorique… »
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