La salle était comble, les organisateurs avaient refusé du monde, Nantes faisait sa Nantes, déterminée, concentrée; Nantes voulait se raconter, et s’écouter.
Dans le public, un jeune homme élancé se tient debout, le regard fixe, tout en noir, sauf le regard, ni tout à fait sombre, ni tout à fait perdu.
Adrien, signalement Allo Place Beauvau 197
Le samedi 29 décembre 2018, cours des 50 otages, Adrien a reçu un tir de LBD sur le crâne. C’est l’acte VII des Gilets Jaunes, la seconde manifestation de sa vie, Adrien s’écroule.
Puis c’est le matraquage au sol par les forces de l’ordre, les sirènes, les cris, et les pompiers, et les jours et les nuits (cinq) au service de réanimation du CHU de la ville. On dit qu’il a frôlé la mort. Au réveil, c’est fracture du crâne, fracture de la mâchoire, de l’orbite, hémorragie cérébrale.
Hier soir, dans la salle associative de PolN, Adrien a fini par contourner l’estrade et accomplir l’impossible. Il a tiré une chaise, lui qui a tant de mal à rester assis. Il a fixé le public, lui qui vit dans la peur désormais.
Personne ne s’y attendait.
D’un léger sourire, Adrien s’est débattu. Voix blanche contre trou noir.
Dans le public, un jeune homme élancé se tient debout, le regard fixe, tout en noir, sauf le regard, ni tout à fait sombre, ni tout à fait perdu.
Adrien, signalement Allo Place Beauvau 197
Le samedi 29 décembre 2018, cours des 50 otages, Adrien a reçu un tir de LBD sur le crâne. C’est l’acte VII des Gilets Jaunes, la seconde manifestation de sa vie, Adrien s’écroule.
Puis c’est le matraquage au sol par les forces de l’ordre, les sirènes, les cris, et les pompiers, et les jours et les nuits (cinq) au service de réanimation du CHU de la ville. On dit qu’il a frôlé la mort. Au réveil, c’est fracture du crâne, fracture de la mâchoire, de l’orbite, hémorragie cérébrale.
Hier soir, dans la salle associative de PolN, Adrien a fini par contourner l’estrade et accomplir l’impossible. Il a tiré une chaise, lui qui a tant de mal à rester assis. Il a fixé le public, lui qui vit dans la peur désormais.
Personne ne s’y attendait.
D’un léger sourire, Adrien s’est débattu. Voix blanche contre trou noir.
« Ce qui me manque ? Un bout de crâne. Depuis un an, ça se dégrade, si on peut dire...
Je vais de moins en moins bien. Avant, j’avais une vie un peu tranquille. Maintenant, je ne ne dors plus, je fais des crises épileptiques.
J’ai même peur de traîner dans la rue, je suis obligé de sortir au moins accompagné, je ne peux plus voir ni ce qui est pompier, urgences, flics.
Mes crises d’épilepsie, elles sont violentes. De jour en jour. c’est de plus en plus dur. J’ai été faire des radios il y a un mois...
Là haut, j’ai un fluide qui passe dans la tête, sauf que ce fluide là, il va former un caillou, sauf que ce caillou, au bout d’un moment, il va péter. Donc, je vais faire un arrêt cérébral. Je n’ai que 23 ans, si ça continue, à 26-27 ans, je ne suis plus là... à cause de cette merde...
Je ne peux plus travailler... J’ai du mal à parler parce qu’ils m’ont pété la mâchoire... Je veux plus rien faire, en fait... Même le vélo, courir, monter des escaliers, je peux pas... »
Photo (cc-by-nc-sa) Valk
Quand Adrien a terminé, la salle a hésité. Une seconde ; puis deux, puis trois, de silence anxieux et regards croisés. Puis le public l’a acclamé. Tonnerre d’applaudissements. Adrien a souri, des amis l’ont embrassé, et Nantes était Nantes.
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