Pour en revenir, au MUCEM l’ordre du jour c’est Giono. Qu’est-ce qu’ils peuvent y comprendre, tous ces petits cons prétentiards, à Giono? Mince alors, ce n’est pas leur pointure, ça! Je crains le pire, d’autant que « l’exposition explore la symbolique cachée au plus profond de l’œuvre…à travers quatre installations d’art contemporain, créées spécialement… » Ho putain! Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte mais là, sans déconner, on va carrément au désastre! Des « installations d’art contemporain » et pour « explorer la symbolique etc... ». On cracherait sur sa tombe à Giono, je crois qu’on lui ferait moins de mal! Je boirai le calice jusqu’à la lie, j’irai voir, nom de dieu! Les « installations » en question, ça doit forcément dépasser le dégueulasse pour atteindre à l’atrocité, au bas mot! On peut toujours faire rimer Giono avec Bobo, cependant quand la rime n’est pas riche le poème ne vaut guère plus que de la merde, je vous raconterai peut être…peut être pas, inutile, au fond, je vous épargnerai cette purge, j’en ai déjà assez parlé!
En revanche, puisque nous y sommes, Giono je vous en dis deux mots, c’est le moins que je puisse faire. Moi, je l’ai découvert en 62, quand sortit son film Crésus, le seul qu’il ait intégralement et personnellement réalisé. J’en suis resté comme deux ronds de flan, dites donc, totalement sous le charme et depuis je n’en ai rien oublié, même sans le revoir jamais. Vous me direz, à cette époque quand on avait Fernandel en vedette on faisait nécessairement un carton, je pense que ce fut le cas, mais l’œuvre sort tellement de l’ordinaire qu’on n’a pas forcément bien compris. Crésus, contrairement aux apparences, c’est un film noir, la noirceur de l’âme humaine, le fond mauvais des hommes, tout cela traité comme une fable d’une irrésistible drôlerie, mais sarcastique, sardonique, sinistre autant que désopilante. Une pépite, je vous le recommande, ça vaut bien plus que tout ce que je pourrais vous en raconter…sauf que je ne l’ai trouvé, sur You Tube, qu’en italien sous-titré en Anglais, vous vous rendez compte! Il faudra sans doute lancer une recherche approfondie…
Giono, voyez vous, on ne le connaît pas, on n’en parle pas, on le regarde un peu comme l’écrivain provençal de service, dans l’ombre d’un Pagnol grandiose et éclatant, c’est une injustice criante! Ce type fait partie des très grands de la littérature française, un des quatre ou cinq auteurs majeurs du siècle passé, seulement il a fauté…
En gros, pour ne pas trop vous bassiner, Giono a subi la guerre de 14/18, toute la guerre, d’un bout à l’autre, et dans les tranchées, carrément, le pire, il l’a raconté dans Le grand troupeau. Il y parle aussi de ce qui se passait à la campagne, sans les hommes dont on apprenait, de temps à autre, la mort au Champ d’Honneur, au champ d’horreur! Par on ne sait trop quel miracle, il s’en est sorti sans blessure, « juste un peu gazé » mais pas de quoi y laisser complètement les soufflets. Donc sans blessure mais pas indemne, loin s’en faut, parce qu’on ne passe pas quatre années d’horreur absolue sans en être traumatisé à vie, c’était son cas, sans aucun doute.
A la sortie, on le retrouve pacifiste, ça se comprend aisément. On va même l’apercevoir débarquer un temps chez les communistes; toutefois, ayant rapidement flairé le piège à cons, il se retirera très vite dans sa maison de Manosque pour se consacrer à l’écriture, le seul vrai plaisir quand on en possède la passion et le génie. Sauf qu’il se faisait une idée très claire de la valeur relative des choses, ce brave homme, dans ses bouquins il mettait en avant la Terre Nourricière, la supériorité de la civilisation paysanne, l’enracinement, toutes choses qui aujourd’hui le colleraient d’autorité dans la catégorie détestable des nauséabonds! Et figurez vous qu’à la libération ils le lui ont fait payer, les vainqueurs de la vingt-cinquième heure. Au trou, ils l’ont collé, comme un criminel, comme tous les malheureux qui ont dû subir les foudres de l’épuration! On ne l’a pas fusillé comme Brasillach, Giono, il est passé moins près du peloton que Céline, certes, mais on l’a humilié, mortifié, embastillé… Vous pensez, entre ses écrits du genre Refus d’obéissance et ses déclarations comme « je préfère être un Allemand vivant qu’un Français mort » ils n’allaient pas le louper, ses anciens camarades éphémères. Sans compter qu’à cette époque affreuse, les héros de la Résistance d’après la bagarre avaient instauré le Comité National des Écrivains pour désigner ceux qui avaient le droit d’écrire et les autres, les puants! Notre homme se trouva opportunément dans la seconde catégorie, à l’instar des Montherlant, Guitry, Marcel Aymé, entre autres prétendus sales collabos, il s’est payé une belle traversée du désert pendant laquelle la plupart des copains d’avant l’ont lâché.
Voilà pourquoi, après tout, même si les petits mignons du MUCEM n’ont aucune chance de jamais rien comprendre à Jean Giono, je les remercie sincèrement de l’avoir ressorti du tiroir poussiéreux où il croupissait. Un peu de lumière lui fera du bien. En toute modestie j’ai plaisir à y participer dans la minuscule mesure de mes moyens, il est des nôtres!
Amitiés à tous.
Et merde pour qui ne me lira pas.
NOURATIN
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