21 septembre 2019

Origine des comportements pathologiques


L’origine traumatique des névroses : une hypothèse longtemps censurée

Charcot et Janet ont été les premiers, à la fin du XIXe siècle, à évoquer une hypothèse traumatique pour les névroses qu’on appelait alors « hystériques ». Ils ont même été jusqu’à préciser que les traumatismes en cause étaient la plupart du temps des abus sexuels infantiles. Ils ont également décrit le processus de la dissociation post-traumatique, à l’origine des états schizophréniques ou bipolaires. Là-dessus est arrivé Freud, qui, après une courte période de confirmation de cette hypothèse, s’est mis en 1897 à adopter l’hypothèse inverse, celle de la perversion sexuelle infantile : le refoulement / défoulement de ces supposés désirs sexuels infantiles (inavouables parce qu’incestueux) était selon lui à l’origine de tous les comportements névrotiques, pervers, compulsifs, ou angoissés.

Cette théorie réussit à conquérir le monde malgré son invraisemblance flagrante et sa fausseté évidente (eu égard aux faits rapportés par les patients). Ceci ne fut possible que grâce à un lobbying intellectuel particulièrement efficace et insidieux, encouragé passivement par le déni social de l’inceste infantile.

Ce n’est que dans les années 1980 que l’hypothèse traumatique refit surface, notamment aux USA, grâce à des chercheurs comme David Finkelhor, à la suite d’innombrables témoignages et de récits d’abus sexuels infantiles (incestueux pour la plupart) recueillis auprès de patients souffrant de soi-disant « maladies mentales».

Dans les décennies qui suivirent, de nombreuses études statistiques confirmèrent que la pathologie mentale dans son ensemble (névroses phobiques ou obsessionnelles, psychoses, dépressions, perversions, addictions, etc…) était fortement corrélée (80 à 90 % des cas) à des antécédents d’abus sexuels infantiles. Mais pour passer de la corrélation à la causalité, c’est-à-dire pour prouver de façon indubitable que toutes ces manifestations cliniques étaient bien la conséquence de trauma sexuels infantiles, et de rien d’autre, il fallait en apporter une preuve irréfutable, c’est-à-dire une preuve logique, qui puisse mettre un terme définitif à toutes les théories négationnistes comme la psychanalyse et bien d’autres.

Or cette preuve existe. Je l’ai moi-même découverte et établie il y a déjà quelques années. Il suffit en effet de montrer qu’il existe un lien logique entre le symptôme précis du patient (phobie, fantasme, cauchemar, dégoût, croyance, blocage, compulsion, répulsion…) et l’acte qu’il a subi étant petit, pour prouver cette relation causale. Ce lien logique est en fait un lien analogique, c’est-à-dire que le symptôme pathologique n’est rien d’autre que le récit crypté (en langage essentiellement binaire) et transposé (dans la situation actuelle, dans un objet, ou dans une personne) de l’événement traumatique infantile.

Ce lien logique ne peut pas être fait par le patient lui-même. Il doit être fait par un thérapeute exercé à ce genre d’interprétation, qui demande de l’expérience et du savoir-faire. Il est même des cas où, le souvenir faisant défaut, on parvient à reconstituer l’événement traumatique à partir des symptômes, tout comme un policier reconstitue un crime à partir des indices matériels trouvés sur la scène de crime.

Cette technique s’inspire du principe de relèvement phénoménologique énoncé par René Thom, auteur de la théorie mathématique des « catastrophes ». L’histoire d’un système se lit dans sa structure, de même que l’histoire d’un patient se lit dans ses stéréotypies comportementales et ses rituels pathologiques. Le symptôme raconte ce qui est arrivé au patient, et non ses désirs secrets inavouables. On a donc là un véritable changement de paradigme.

Mais que signifie précisément le fait que le langage comportemental ou corporel dans lequel le trauma est codé est un langage binaire ? Cela veut tout simplement dire que son élément de base est toujours un couple de deux comportements contraires, du type anorexie / boulimie, mutisme / logorrhée, frigidité / nymphomanie, prostration / agitation, dépression / euphorie, anorgasmie / multiorgasmie, répulsion / attirance, altruisme / égoïsme, etc… Dans une telle logique, les contraires sont équivalents ou équipotents dans leur fonction à compenser et à représenter l’événement traumatique. Un traumatisme infantile peut générer à la fois un être extrêmement bon ou un être extrêmement mauvais, ou les deux à la fois (ambivalence). Ce sont donc les comportements paradoxaux ou contradictoires du patient qui donnent essentiellement l’indication de ce qu’il(elle) a subi.

Récemment, la découverte d’un marquage épigénétique laissé par les événements infantiles précoces est venue confirmer cette hypothèse traumatique. On sait en effet que l’expression génique est sous la dépendance d’un phénomène de méthylation plus ou moins importante de l’ADN, qui dépend lui-même de facteurs environnementaux (la méthylation bloquant l’expression des gènes).

Or plusieurs équipes de chercheurs en neuroscience ont mis en évidence le fait que la plupart des patients ayant subi des traumatismes infantiles précoces ont une hyper-méthylation du gène NR3C1 (responsable de la production des corticoïdes, hormones du stress), ce qui entraine des conséquences biochimiques en cascade, qui aboutissent à un dérèglement total du système de régulation du stress.

Il devient même possible de quantifier objectivement la gravité d’une maltraitance infantile, puisque le degré de méthylation du gène NR3C1 s’avère être directement proportionnel à la sévérité et à la durée de celle-ci. Une équipe de chercheurs a même proposé que le degré de méthylation de ce gène devienne un marqueur biologique de la sévérité des abus sexuels infantiles.

On est donc loin de la thèse de la perversion infantile et de la théorie du « complexe d’Œdipe », maintenue et enseignée pendant près d’un siècle en dépit des contradicteurs multiples. Reste cependant à résoudre le problème le plus important, celui de l’omerta sociale qui pèse encore aujourd’hui sur la violence faite aux enfants dans le secret des maisons familiales ou des institutions officielles

Mais ceci n’est pas un problème scientifique.

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