27 août 2019

Les États Unis se séparent de la Chine… Les autres pays devront se séparer des États Unis !



Les États-Unis s’éloignent de la Chine. Les effets de ce processus nuisent à toutes les économies du monde. Pour éviter trop de dégâts les autres pays n’auront pas d’autre choix que de se dissocier des États-Unis.


La une du Washington Post d’aujourd’hui porte un titre très trompeur :
  
La contre attaque de Trump entraîne la guerre commerciale contre la Chine dans une nouvelle phase

L’en-tête de l’article est également faux : « Trump riposte dans la guerre commerciale en augmentant les tarifs douaniers sur les importations chinoises et en demandant aux entreprises de rompre leurs liens avec la Chine. »

C’est la Chine, pas Trump, qui riposte. Ce dernier a réagi à cela par une tempête de tweets et en intensifiant la guerre commerciale qu’il a lui-même initiée.

L’article sous le titre trompeur le dit lui-même : Le président Trump a exigé que les entreprises américaines cessent de faire des affaires avec la Chine et a annoncé, vendredi, qu'il augmenterait le taux des taxes douanières, ce qui en fait l'une des journées les plus extraordinaires dans la longue guerre commerciale qui oppose les États-Unis et la Chine. ... La journée a commencé avec l'annonce par Pékin qu'elle imposerait de nouvelles taxes douanières sur 75 milliards de dollars de biens, et qu’elle rétablirait des taxes sur les produits automobiles, à compter de cet automne. La séance s'est terminée vendredi après-midi par un tweet de Trump qui annonçait qu'il augmenterait de 5 % le taux des droits de douane actuels prévus pour la Chine. Les mesures de rétorsion tarifaire de Pékin ont été annoncées à un moment crucial, juste quelques heures avant une importante allocution de Powell, alors que Trump se préparait à partir pour la réunion du G7 à Biarritz.

Après la réponse de Trump, les marchés boursiers ont décroché. Les guerres commerciales sont, du moins à court terme, mauvaises pour les affaires. L’économie américaine et l’économie mondiale sont encore stables, mais entreront bientôt en récession.

Cela ne gêne pas l’administration Trump. (Ni le créateur de Dilbert, Scott Adams (vidéo).

La grande stratégie des États-Unis est d’empêcher les autres puissances de les égaler et encore plus de les dépasser. La Chine, dont la population est quatre fois plus nombreuse que celle des États-Unis, est le pays prêt à le faire. Elle est déjà devenue une puissance économique et sa puissance militaire ne cesse d’augmenter.

La Chine est donc devenue une « ennemie » des États-Unis, même si Trump avait évité, jusqu’à hier, d’utiliser ce terme.

Au cours des vingt dernières années, les États-Unis ont importé de plus en plus de marchandises de Chine, et d’ailleurs, en réduisant leurs propres capacités de fabrication. Il est difficile de faire la guerre à un pays dont on dépend pour ses capacités de production. Les États-Unis doivent d’abord se dissocier de la Chine avant de pouvoir lancer une véritable guerre. La guerre commerciale de Trump avec la Chine vise à atteindre cet objectif. Comme l’a écrit Peter Lee quand les négociations commerciales avec la Chine ont échoué : La stratégie de découplage des va-t-en-guerre antichinois se déroule comme prévu. Et la souffrance économique est la caractéristique de cette stratégie, pas un problème. ... L'échec des négociations commerciales a été en grande partie provoquée par les exigences maximalistes de Lightizer [le négociateur commercial de Trump]. Et cela ne dérange pas les va-t-en-guerre antichinois. Parce que leur but ultime est de découpler les économies américaine et chinoise, d'affaiblir la Chine et de la rendre plus vulnérable à la déstabilisation intérieure et au contre coup de la récession mondiale. Si ce découplage réduit de quelques points le PIB mondial, nuit aux entreprises américaines, ou plonge le monde dans la récession, eh bien, c’est le prix de la liberté. Ou du moins le coût pour qu'IndoPACOM [le commandement militaire étatsunien pour la région Asie/Pacifique, NdT] puisse gagner le concours de la plus grande quéquette d’Asie Orientale, ce qui est le véritable enjeu.

Trump ne veut pas d’un nouvel accord commercial avec la Chine. Il veut découpler l’économie américaine du futur ennemi. Les guerres commerciales ont tendance à nuire à toutes les économies concernées. Pendant que le processus de découplage se poursuit, les États-Unis vont probablement souffrir d’une récession.

Trump craint qu’un ralentissement aux États-Unis ne réduise ses chances de réélection. C’est pourquoi il veut utiliser la FED pour injecter plus d’argent dans l’économie sans se soucier des conséquences à long terme. C’est la raison pour laquelle la première partie de son tweet d’hier était dirigée contre le chef de la Fed, Jay Powell : Après son ordre de retrait des entreprises étasuniennes de Chine, certains proches de l'administration pensent que le président est en train de se rallier aux appels au découplage économique lancés par les faucons au sein de son administration. La preuve la plus évidente de ce changement pourrait bien se voir dans ce tweet de 14 mots dans lequel Trump semble considérer Xi comme un "ennemi". "Ma seule question est de savoir qui est notre plus grand ennemi, Jay Powell ou le président Xi", a-t-il dit dans un tweet posté après que Powell ait prononcé un discours à Jackson Hole dans lequel il critiquait implicitement les politiques commerciales de Trump et leur impact sur les économies américaine et mondiale.

Jay Powell ne veut pas baisser le taux d’intérêt de la Fed. Il ne veut pas augmenter les achats d’obligations, c’est-à-dire l’assouplissement quantitatif. Les taux d’intérêt sont déjà trop bas et les abaisser davantage a son propre danger. La dernière fois que la Fed a mené une politique de taux d’intérêt trop bas, elle a provoqué le krach de 2008 et une dépression mondiale.

Attendez-vous à ce que Trump vire Powell s’il n’est pas prêt à suivre ses ordres. Les États-Unis pousseront leurs marchés à la hausse quoi qu’il arrive.

Du point de vue de Powell, il y a un autre danger à baisser les taux d’intérêt aux États-Unis. Si ceux-ci appliquent des politiques économiques et monétaires insensées, les alliés américains voudront aussi se découpler – non pas de la Chine, mais des États-Unis. L’expérience de 2008 a démontré que le dollar américain en tant que réserve mondiale et principale monnaie commerciale est dangereux pour tous ceux qui l’utilisent. Actuellement, toute reprise de l’économie américaine entraîne des récessions à grande échelle ailleurs.

C’est pourquoi même l’allié le plus ancien des États-Unis, la Grande-Bretagne, met en garde contre un tel danger et cherche une issue : Le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, s'est attaqué vendredi au rôle "déstabilisateur" du dollar américain dans l'économie mondiale et a déclaré que les banques centrales pourraient devoir se réunir pour créer leur propre monnaie de réserve de remplacement. La domination du dollar sur le système financier mondial a accru les risques d'un piège à liquidité caractérisé par des taux d'intérêt extrêmement bas et une faible croissance, a déclaré Carney aux banquiers centraux du monde entier réunis à Jackson Hole, au Wyoming, aux États-Unis. ... Carney a averti que les taux d'intérêt d'équilibre très bas avaient coïncidé dans le passé avec des guerres, des crises financières et des changements brusques dans le système bancaire. ... Le yuan chinois représenterait le candidat le plus probable pour devenir une monnaie de réserve pour égaler le dollar, mais il lui reste encore un long chemin à parcourir avant d'être prêt. La meilleure solution serait un système financier multipolaire diversifié, quelque chose qui pourrait être fourni par la technologie, a expliqué Carney.

Carney parle d’une « nouvelle monnaie hégémonique synthétique (SHC) » qui, sous une forme purement électronique, pourrait être créée par un contrat entre les banques centrales de la plupart ou de tous les pays. Il remplacerait le dollar comme principale monnaie commerciale et réduirait le risque que d’autres économies soient infectées par les crises – et les manipulations – étasuniennes.

Carney n’a pas développé plus avant, mais c’est un concept intéressant. Le diable sera, comme toujours, dans les détails. Sera-t-il possible de payer ses impôts dans cette monnaie ? Comment la valeur de chaque devise souveraine par rapport au SHC sera-t-elle déterminée ?

Que le dollar américain soit utilisé comme monnaie de réserve mondiale dans le cadre du système de Bretton Woods est, selon les termes de l’ancien ministre français des Finances, Valéry Giscard d’Estaing, un « privilège exorbitant ». S’ils veulent conserver ce privilège, ils devront revenir à des politiques économiques et monétaires saines. Sinon, l’économie mondiale n’aura d’autre choix que de se dissocier d’eux.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

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