21 août 2019

Accusé de fraudes, General Electric, l’acquéreur d’Alstom énergie, s’effondre en Bourse


Un lanceur d’alerte affirme que General Electric a dissimulé dans ses comptes 38 milliards de dollars de pertes. Le groupe dément, mais, colossalement endetté, il poursuit ses réductions d’effectifs en France et dans le monde.

Le géant industriel et financier américain General Electric (GE), acquéreur en 2015 de la branche Energie d’Alstom, est accusé de fraudes sur ses comptes par le lanceur d’alerte américain Harry Markopolos.

Cet expert-comptable, célèbre pour avoir été le premier à dénoncer les schémas frauduleux de Bernard Madoff, vient de publier un rapport de 175 pages dans lequel il affirme que le conglomérat a manipulé ses comptes pour dissimuler d’énormes trous de trésorerie.

Affectant surtout les activités d’assurance ainsi que pétrolières et gazières de GE, ces pertes masquées s’élèveraient à près de 38 milliards de dollars (34,4 milliards d'euros). «La fraude comptable de 38 milliards de dollars de GE représente plus de 40 % de la capitalisation boursière de GE, ce qui la rend bien plus grave que les fraudes comptables d’Enron ou de WorldCom», estime l’expert-comptable.

Le Wall Street Journal, référence de la presse financière américaine, a jugé suffisamment plausibles les accusations de Harry Markopolos pour les relayer dans un article mis en ligne le 15 août. Le groupe américain a toutefois immédiatement démenti et réagi dans un communiqué en déclarant : «Le rapport de Markopolos contient de fausses déclarations de faits, et ces affirmations auraient pu être corrigées s’il les avait vérifiées auprès de GE avant la publication du rapport.»

Cela n’a pas empêché l’action de GE de plonger de plus de 11%, sa chute la plus brutale depuis avril 2008. Lawrence Culp, actuel occupant du siège éjectable que constitue le poste de PDG de GE (4e PDG depuis le rachat d’Alstom), a depuis qualifié le rapport de Harry Markopolos de «manipulation de marché pure et simple». Pour montrer sa confiance dans l’entreprise, il a même rendu public un achat à titre personnel d’actions du groupe américain pour un montant de 2 millions de dollars (1,8 million d'euros).
Anathèmes contre le lanceur d'alerte rémunéré au cours de l'action

De nombreux dirigeants de fonds ont fustigé Harry Markopolos et recommandé aux investisseurs d’ignorer son rapport. John Hempton, le fondateur de Bronte Capital, cité le 18 août par le Financial Times, a jugé le rapport de Markopolos «stupide» et «totalement trompeur».

Pour sa part, le lanceur d’alerte n’a pas caché qu’il travaillait pour un fonds d’investissement auquel il a donné accès à ses études contre rémunération sur les gains potentiels des options de cet investisseur en cas de baisse du cours de GE à échéance des options. Il affirme aussi que ces informations ont été transmises à la SEC (Security Exchange Commission), autorité des marchés aux Etats-Unis, qui effectue déjà des contrôles de la comptabilité de GE, en parallèle avec le département américain de la Justice.

Réelles ou erronées, les révélations du dénonciateur de Bernard Madoff visent en tout cas un groupe connu pour être en grande difficulté depuis plus d’une décennie. Longtemps première valeur de la bourse de New York, General Electric ploie aujourd’hui sous un endettement de long terme de près de 92 milliards de dollars (82,8 milliards d'euros). C'est plus que sa valeur en bourse, tombée en dessous de 77 milliards de dollars (69,4 milliards d'euros) à la clôture de la séance du 16 août.

En France, le géant américain a racheté dans des conditions controversées la branche énergie du groupe industriel français Alstom en 2015, s’engageant à créer 1000 emplois d’ici la fin 2018. Mais GE n’a pas tenu ces engagements. Fin juillet, l'intersyndicale de General Electric à l’usine de turbines électriques de Belfort a annoncé avoir «mis en demeure» par courrier le ministre de l'Economie Bruno Le Maire d’agir pour contraindre General Electric à faire évoluer son plan de restructuration. En France, il prévoit la suppression d'un millier d'emplois, sur les sites GE de Belfort et en Bourgogne. Dans le monde, GE a annoncé un plan de suppression de près de 10 000 postes.

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