Professeur des universités, ancien directeur adjoint de l’environnement à l’OCDE, Rémy Prud’homme voit dans l’hystérie écologiste un caprice d’enfant gâté et une pulsion totalitaire.
Que vous inspire le personnage de Greta Thunberg ?
Qu’une adolescente suédoise autiste (Asperger), manipulée comme une marionnette par des parents militants, dise des sottises, cela peut malheureusement arriver. Il s’agit là d’un événement rare, aléatoire, qui appelle notre tristesse et notre compassion, mais qui n’a aucune signification. Ce qui a une signification, en revanche, c’est l’accueil extraordinaire fait dans le monde, ou en tout cas dans le monde occidental, à la personne de la jeune malade, à son discours irrationnel, à ses préconisations. Les plus hautes autorités civiles et religieuses, du président de la France au pape, la reçoivent, la prennent au sérieux, l’écoutent, la cajolent. Le Parlement européen est bien la seule institution à avoir, malgré les Verts qui y siègent, refusé de l’entendre proférer une adresse solennelle, en notant, avec un bon sens inhabituel, qu’un mardi matin, la place d’une gamine de 16 ans était sur les bancs de son école plutôt qu’à la tribune du Parlement. Mais partout ailleurs, pour des dizaines de millions de zélotes, chez les jeunes et même chez les moins jeunes, Greta est devenue une star, une icône, un modèle, un maître (on hésite à écrire : à penser), une sainte.
Comment expliquer cet incroyable succès ?
J’y vois trois raisons principales. Tout d’abord, ce succès a été savamment orchestré, avec des équipes de spécialistes et pas mal d’argent, comme on orchestre le lancement d’un nouvel iPhone ou d’une nouvelle lessive. Ensuite, il correspond sans doute à une demande sociale, au moins dans les pays riches.
Une demande de religion. De violence aussi : le désir de casser ses jouets est classique et puissant. Enfin, les gouvernements et les financiers y trouvent aussi leur compte. On a besoin de coercition, donc de pouvoir, et de financement, donc de profits.
Qu’est-ce que ce succès dit de notre jeunesse ?
Il en dit bien plus sur les adultes que sur la jeunesse. La capitulation des autorités morales et politiques (de Macron au pape) qui font semblant de prendre au sérieux toutes ces fariboles, et peut-être même les prennent au sérieux, et qui s’agenouillent devant ce pauvre pantin de Greta est le fait significatif. Qu’une partie de la jeunesse, la jeunesse riche, applaudisse lorsqu’on lui dit de sécher l’école n’a rien de très neuf.
Le catastrophisme écologique est-il en train de devenir une religion ?
Il en a tous les aspects. Il avait sa doctrine, son catéchisme, ses pontifes, ses clercs, ses processions, ses conciles, ses jésuites, ses banques. Il lui manquait ses saints. Il prétendait reposer sur la science, une science officielle, certes, mais une science tout de même.
Il jette cette béquille aux orties. Aucun responsable du GIEC, aucun député écologiste, n’a dit — et sans doute ne dira — que la capacité de Greta à « voir à l’œil nu » des rejets de CO2, repose sur du vent — le vent des éoliennes peut-être.
Le réchauffisme préfère maintenant s’appuyer sur les miracles de sainte Greta. Il a raison : c’est plus sûr. Une tournée d’apparitions de sainte Greta fait plus pour la cause que deux ou trois COP. À un coût en CO2, bien moindre, Malraux disait : « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas » ; il serait sans doute surpris de voir comment sa prédiction se réalise.
Discours de Greta Thunberg à la COP 24 : « Il n’y a pas d’espoir. Je veux que vous paniquiez. »
Quel regard sur la nature, sur la technique s’exprime ici ?
Le mépris de la science et de la technique, et plus généralement de la connaissance. Que le refus d’aller à l’école soit socialement accepté, justifié, encouragé (en Occident) est peut-être le point le plus significatif de cette affaire. Depuis toujours, l’école, symbole de la connaissance, était considérée comme le principal instrument de l’émancipation de l’individu et de la société (avec le suffrage universel, peut-être).
« Ouvrir une école, c’est fermer une prison », disait Victor Hugo. Fermer une école, à la Greta, sera peut-être ouvrir une prison. On est passé en moins d’un siècle de la science glorieuse à la science officielle, et on bascule avec Greta dans l’antiscience. Mais, je le répète : en Occident, pas en Chine.
Arrêter de prendre l’avion, de manger de la viande, choisir la sobriété heureuse, la décroissance raisonnable... Que répondre à ces propositions qui semblent susciter une certaine adhésion, au moins médiatique ?
Que personne ne songe à les forcer à prendre l’avion, à manger de la viande, à avoir des enfants ; que personne ne songe non plus à les empêcher de donner la moitié de leurs manteaux à ceux qui ont froid, comme l’a fait saint Martin.
Mais qu’il est liberticide de vouloir imposer ces comportements aux autres, de créer une police des mœurs, avec délateurs, censeurs, châtiments. L’idée d’un comité de salut public qui délivrerait au cas par cas l’autorisation de prendre l’avion est aussi odieuse qu’impraticable.
Et puis, surtout, qu’il est indécent lorsqu’on est riche ou aisé de prêcher aux moins riches ou moins aisés de se serrer la ceinture. Cela s’appelle appauvrir les pauvres ; mais ces derniers ne se laisseront pas faire.
Quelle généalogie établiriez-vous de ces prophètes d’apocalypse ?
L’histoire de la collapsologie est vieille comme le monde. Cela commence par le Déluge, dans le premier chapitre de la Bible. Cela continue avec l’Apocalypse de saint Jean (les Grecs et les Romains ne sont pas tombés dans ce panneau-là).
Puis la grande peur de l’an mil. Puis Malthus. Et Jevons, sur l’épuisement des ressources. Et Rachel Carson dont l’ouvrage Printemps silencieux, publié en 1962, soutenait qu’il n’y aurait plus un oiseau vivant dans vingt ans. Puis le Club de Rome, qui rassemblait le gratin de l’industrie et de la politique. Ou encore Josué de Castro et Paul R. Ehrlich qui, à la fin des années soixante, prophétisaient, du fait de la surpopulation, des famines généralisées. Ce qui me frappe, c’est que les catastrophismes d’alors étaient portés par des gens intelligents et cultivés, alors qu’ils le sont aujourd’hui par des Greta Thunberg...
Que vous inspire le personnage de Greta Thunberg ?
Qu’une adolescente suédoise autiste (Asperger), manipulée comme une marionnette par des parents militants, dise des sottises, cela peut malheureusement arriver. Il s’agit là d’un événement rare, aléatoire, qui appelle notre tristesse et notre compassion, mais qui n’a aucune signification. Ce qui a une signification, en revanche, c’est l’accueil extraordinaire fait dans le monde, ou en tout cas dans le monde occidental, à la personne de la jeune malade, à son discours irrationnel, à ses préconisations. Les plus hautes autorités civiles et religieuses, du président de la France au pape, la reçoivent, la prennent au sérieux, l’écoutent, la cajolent. Le Parlement européen est bien la seule institution à avoir, malgré les Verts qui y siègent, refusé de l’entendre proférer une adresse solennelle, en notant, avec un bon sens inhabituel, qu’un mardi matin, la place d’une gamine de 16 ans était sur les bancs de son école plutôt qu’à la tribune du Parlement. Mais partout ailleurs, pour des dizaines de millions de zélotes, chez les jeunes et même chez les moins jeunes, Greta est devenue une star, une icône, un modèle, un maître (on hésite à écrire : à penser), une sainte.
Comment expliquer cet incroyable succès ?
J’y vois trois raisons principales. Tout d’abord, ce succès a été savamment orchestré, avec des équipes de spécialistes et pas mal d’argent, comme on orchestre le lancement d’un nouvel iPhone ou d’une nouvelle lessive. Ensuite, il correspond sans doute à une demande sociale, au moins dans les pays riches.
Une demande de religion. De violence aussi : le désir de casser ses jouets est classique et puissant. Enfin, les gouvernements et les financiers y trouvent aussi leur compte. On a besoin de coercition, donc de pouvoir, et de financement, donc de profits.
Qu’est-ce que ce succès dit de notre jeunesse ?
Il en dit bien plus sur les adultes que sur la jeunesse. La capitulation des autorités morales et politiques (de Macron au pape) qui font semblant de prendre au sérieux toutes ces fariboles, et peut-être même les prennent au sérieux, et qui s’agenouillent devant ce pauvre pantin de Greta est le fait significatif. Qu’une partie de la jeunesse, la jeunesse riche, applaudisse lorsqu’on lui dit de sécher l’école n’a rien de très neuf.
Le catastrophisme écologique est-il en train de devenir une religion ?
Il en a tous les aspects. Il avait sa doctrine, son catéchisme, ses pontifes, ses clercs, ses processions, ses conciles, ses jésuites, ses banques. Il lui manquait ses saints. Il prétendait reposer sur la science, une science officielle, certes, mais une science tout de même.
Il jette cette béquille aux orties. Aucun responsable du GIEC, aucun député écologiste, n’a dit — et sans doute ne dira — que la capacité de Greta à « voir à l’œil nu » des rejets de CO2, repose sur du vent — le vent des éoliennes peut-être.
Le réchauffisme préfère maintenant s’appuyer sur les miracles de sainte Greta. Il a raison : c’est plus sûr. Une tournée d’apparitions de sainte Greta fait plus pour la cause que deux ou trois COP. À un coût en CO2, bien moindre, Malraux disait : « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas » ; il serait sans doute surpris de voir comment sa prédiction se réalise.
Discours de Greta Thunberg à la COP 24 : « Il n’y a pas d’espoir. Je veux que vous paniquiez. »
Quel regard sur la nature, sur la technique s’exprime ici ?
Le mépris de la science et de la technique, et plus généralement de la connaissance. Que le refus d’aller à l’école soit socialement accepté, justifié, encouragé (en Occident) est peut-être le point le plus significatif de cette affaire. Depuis toujours, l’école, symbole de la connaissance, était considérée comme le principal instrument de l’émancipation de l’individu et de la société (avec le suffrage universel, peut-être).
« Ouvrir une école, c’est fermer une prison », disait Victor Hugo. Fermer une école, à la Greta, sera peut-être ouvrir une prison. On est passé en moins d’un siècle de la science glorieuse à la science officielle, et on bascule avec Greta dans l’antiscience. Mais, je le répète : en Occident, pas en Chine.
Arrêter de prendre l’avion, de manger de la viande, choisir la sobriété heureuse, la décroissance raisonnable... Que répondre à ces propositions qui semblent susciter une certaine adhésion, au moins médiatique ?
Que personne ne songe à les forcer à prendre l’avion, à manger de la viande, à avoir des enfants ; que personne ne songe non plus à les empêcher de donner la moitié de leurs manteaux à ceux qui ont froid, comme l’a fait saint Martin.
Mais qu’il est liberticide de vouloir imposer ces comportements aux autres, de créer une police des mœurs, avec délateurs, censeurs, châtiments. L’idée d’un comité de salut public qui délivrerait au cas par cas l’autorisation de prendre l’avion est aussi odieuse qu’impraticable.
Et puis, surtout, qu’il est indécent lorsqu’on est riche ou aisé de prêcher aux moins riches ou moins aisés de se serrer la ceinture. Cela s’appelle appauvrir les pauvres ; mais ces derniers ne se laisseront pas faire.
Quelle généalogie établiriez-vous de ces prophètes d’apocalypse ?
L’histoire de la collapsologie est vieille comme le monde. Cela commence par le Déluge, dans le premier chapitre de la Bible. Cela continue avec l’Apocalypse de saint Jean (les Grecs et les Romains ne sont pas tombés dans ce panneau-là).
Puis la grande peur de l’an mil. Puis Malthus. Et Jevons, sur l’épuisement des ressources. Et Rachel Carson dont l’ouvrage Printemps silencieux, publié en 1962, soutenait qu’il n’y aurait plus un oiseau vivant dans vingt ans. Puis le Club de Rome, qui rassemblait le gratin de l’industrie et de la politique. Ou encore Josué de Castro et Paul R. Ehrlich qui, à la fin des années soixante, prophétisaient, du fait de la surpopulation, des famines généralisées. Ce qui me frappe, c’est que les catastrophismes d’alors étaient portés par des gens intelligents et cultivés, alors qu’ils le sont aujourd’hui par des Greta Thunberg...
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