Peut-on parler de Marion-Maréchal-mania ? En retrait du jeu politique depuis la présidentielle de 2017, se lançant en 2018 dans un projet entrepreneurial lié à une école, l'Issep, l'ancien député FN du Vaucluse Marion Maréchal est, depuis les élections européennes, devenue l'égérie d'une certaine droite.
Alors qu'elle soutient mordicus ne pas vouloir revenir à court et moyen terme dans le combat politique, les médias lui font les yeux doux. LCI a organisé la première grande interview de la nièce de Marine Le Pen le 2 juin. Depuis, les commentateurs s'emballent sur un éventuel retour de Marion Maréchal. BFM TV ou Causeur font partie des privilégiés ayant eu droit à leur entretien exclusif. La presse audiovisuelle et écrite s'est également rendue en nombre à la conférence de presse de la directrice de l'Issep le 14 juin.
Pourquoi cette fascination soudaine pour celle qui ne possède plus de mandat électoral depuis 2017 et s'est très officiellement éloignée de ses responsabilités au sein du Rassemblement national ?
Pour comprendre l'engouement autour de Marion Maréchal, sans doute faut-il comprendre le personnage. Son retrait politique en 2017 en avait surpris plus d'un, y compris dans son propre camp. Elue députée à seulement 23 ans en 2012, elle semblait logiquement promise à une longue carrière politique. Reste que cette retraite anticipée a aussi provoqué une certaine frustration pour ses soutiens. Ceux-ci pouvaient voir en elle la meilleure représentante de sa famille politique en 2022, après l'échec de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017. L'actuelle présidente du RN avait été fortement critiquée en interne pour le débat raté de l'entre-deux tours face à Emmanuel Macron. Marion Maréchal, par sa jeunesse et sa fraîcheur politique, pouvait représenter l'avenir naturel du RN.
A regarder de plus près, Marion Maréchal veut briser les codes et tenter d'introduire un style macroniste dans l'univers du Rassemblement national et des mouvements qui gravitent autour de ce dernier. En se retirant de la vie politique et en ouvrant son école de sciences politiques, elle a choisi de tisser un réseau d'entrepreneurs et d'associatifs, avec plus ou moins de succès. A Sputnik, elle déclarait récemment qu'ils étaient une centaine à avoir accepté un partenariat avec l'école «de sensibilité conservatrice». Elle espère d'ailleurs doubler prochainement le nombre de ses partenaires et donc son réseau.
Un lobbying pour s'imposer naturellement à droite
Ce réseau-là pourrait être précieux dans le cadre d'un retour. Sa (sur-)médiatisation récente semble aussi concorder avec un constat directement lié aux européennes. Après leur déroute électorale, Les Républicains sont en décomposition totale.
Marion Maréchal répète à l'envi que «l'alliance LR/RN est inévitable». Cette alliance, elle le confesse par ailleurs, est «une course de fond.» Elle critique en outre ouvertement les positionnements ambigus de la droite, évoque une stratégie pour le Rassemblement national, etc. Autant d'indices qui laissent entendre qu'elle cherche à se poser comme l'artisan de cette alliance, qui doit mener à l'émergence d'une nouvelle droite. Une droite qui serait «et libérale, et conservatrice», comme Emmanuel Macron a souhaité faire un consensus autour du «et gauche, et droite».
Autour d'elle, on semble s'activer pour organiser son retour. Son père, Samuel Maréchal, ex-dirigeant des jeunes du FN, et son ancien conseiller parlementaire Arnaud Stephan, ont créé une association nommée Alliance pour la France. Cette organisation veut faire «se rencontrer des personnalités de droite». L'objectif : créer les conditions pour battre Emmanuel Macron en 2022. Ils soutiennent que Marion Maréchal n'est pas associée à cette initiative. Mais, dans le même temps, Marion Maréchal répète que le projet auquel elle se destine dépassera le cadre d'un seul parti... et donc du RN.
En attendant de revenir, Marion Maréchal distille avec soin plusieurs idées au gré de ses entretiens dans la presse, laissant entrevoir une amorce de programme. Et ce dernier semble bel et bien conçu pour rassurer une partie de l'électorat d'une droite plus «modérée» que le RN : elle refuse l'idée du Frexit, propose que la France soit «la plus exemplaire possible sur le plan économique», en réduisant la dette, ou développe des idées conservatrices sur le plan sociétal. Enfin, Marion Maréchal n'est plus Maréchal-Le Pen. En coupant le cordon, elle semble également vouloir faire tomber le cordon sanitaire tendu entre la droite et le parti dont elle est issue, et qu'elle semble aujourd'hui vouloir dépasser.
Bastien Gouly
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