Mais d’abord, l’objet du délit...Voici des extraits longs et importants du passage qui nous intéresse particulièrement (l’interview est beaucoup plus longue). C’est le Sakerfrancophone qui a traduit ces extraits, venus de l’article de MoonofAlabama [MoA] dont le Sakerfrancophone suit quotidiennement les publications. (Remerciements chaleureux de notre part à nos amis du Sakerfrancophone.)
« Qu'est-ce qui se passe en Occident ? Quelle est la raison du phénomène Trump, comme vous l'avez dit, aux États-Unis ? Que se passe-t-il également en Europe ? Les élites dirigeantes se sont éloignées du peuple.Le problème évident est l’écart entre les intérêts des élites et l’énorme majorité du peuple.
» Bien sûr, nous devons toujours garder cela à l'esprit. Une des choses que nous devons faire en Russie est de ne jamais oublier que le but du fonctionnement et de l’existence de tout gouvernement est de créer une vie stable, normale, sûre et prévisible pour le peuple et de travailler pour un meilleur avenir.
» Il y a aussi la prétendue idéologie libérale, qui a outrepassé son objectif.Nos partenaires occidentaux ont admis que certains éléments de cette idéologie, tels que le multiculturalisme, ne sont plus tenables.
» Quand le problème de la migration a pris de l'ampleur, beaucoup de gens ont admis que la politique du multiculturalisme n’était pas efficace et que les intérêts de la population de base devaient être pris en compte. Bien que ceux qui ont connu des difficultés à cause de problèmes politiques dans leur pays d’origine aient également besoin de notre aide. C’est très bien, mais qu’en est-il des intérêts de leur propre population lorsque le nombre de migrants qui se dirigent vers l’Europe occidentale n’est pas une poignée de personnes mais bien des milliers, voire des centaines de milliers ?...
» Où est-ce que je veux en venir ? Ceux qui s'inquiètent à ce sujet, les Américains ordinaires, l'examinent et disent : bon pour [Trump], au moins, il fait quelque chose, suggère des idées et cherche une solution.
» En ce qui concerne l'idéologie libérale, ses partisans ne font rien. Ils disent que tout va bien, que tout est comme il se doit. Mais est-ce comme ça ?Ils sont assis dans leurs bureaux confortables, tandis que ceux qui font face au problème tous les jours au Texas ou en Floride ne sont pas heureux, ils auront bientôt leurs propres problèmes. Est-ce que quelqu'un pense à eux ?
» La même chose se passe en Europe. J'ai discuté de cela avec beaucoup de mes collègues, mais personne n'a la réponse. Ils disent qu'ils ne peuvent pas poursuivre une politique intransigeante pour diverses raisons. Pourquoi exactement ? Juste parce que c'est comme ça, il y a la loi, disent-ils. Alors changez la loi !
» Nous avons également pas mal de problèmes dans ce domaine. ...
» En d’autres termes, la situation n’est pas simple en Russie non plus, mais nous avons commencé à travailler pour l’améliorer. Tandis que l'idée libérale présuppose que rien ne doit être fait. Les migrants peuvent tuer, piller et violer en toute impunité car leurs droits en tant que migrants doivent être protégés. Quels sont ces droits ? Chaque crime doit avoir sa punition.
» Ainsi, l'idéologie libérale est devenue obsolète. Elle est entrée en conflit avec les intérêts de l'écrasante majorité de la population et les valeurs traditionnelles. Je n'essaie pas d'insulter qui que ce soit, car nous avons été condamnés pour notre prétendue homophobie. Mais nous n'avons aucun problème avec les personnes LGBT. Dieu nous en préserve, laissez-les vivre comme ils le souhaitent. Mais certaines choses nous semblent excessives.
» Ils affirment maintenant que les enfants peuvent jouer cinq ou six rôles de genre. Je ne peux même pas dire exactement de quel genre il s'agit, je n'en ai aucune idée. Que tout le monde soit heureux, cela ne nous pose aucun problème. Mais cela ne doit pas occulter la culture, les traditions et les valeurs familiales traditionnelles des millions de personnes constituant le noyau de la population. [...]
» Vous savez, il me semble que les idées purement libérales ou purement traditionnelles n’ont jamais existé. Elles ont probablement déjà existé dans l’histoire de l’humanité, mais tout finit très vite dans une impasse s’il n’y a pas de diversité. Tout finit par devenir extrême d'une manière ou d'une autre.
» Diverses idées et opinions devraient avoir une chance d'exister et de se manifester, mais en même temps, les intérêts du grand public, de ces millions de personnes et de leurs vies, ne devraient jamais être oubliés. C'est quelque chose qui ne devrait pas être négligé.
» Ensuite, il me semble que nous pourrions éviter les bouleversements politiques majeurs. Cela s'applique aussi à l'idéologie libérale. Cela ne signifie pas - je pense que cela cesse maintenant d’être un facteur dominant - qu’il doit être immédiatement détruit. Ce point de vue, cette position devrait également être traitée avec respect.
» Ils ne peuvent tout simplement pas dicter quoi que ce soit à qui que ce soit, tout comme ils ont essayé de le faire au cours des dernières décennies. On voit des diktat partout: dans les médias et dans la vie réelle. Il est même jugé indigne de mentionner certains sujets. Mais pourquoi ? »
Question sans réponse, sinon celle de l’absolutisme de la pensée libérale, littéralement enfermée dans une prison de l’esprit, celle de l’absence de « diversité » des idées, notamment pour imposer l’extrême diversité des communauté et des mœurs. (Poutine emploie le mot pour nous conduire à cette contradiction : « mais tout finit très vite dans une impasse s’il n’y a pas de diversité », car aucune diversité des idées n’est acceptée pour traiter de la diversité des communauté et des mœurs qui est imposée.)
La critique d’une telle attitude est évidente, et nous en laissons le soin à Simon Rite, dans un texte publié par RT.com. Rite le fait dans un style qui est celui des tenants de l’hyperlibéralisme, à la fois d’une absolue intransigeance et d’un esprit enfantin, celui d’un enfant qui refuse absolument toute remise en question de sa “pensée” réduite à quelques diktat dont l’aspect primaire le dispute à la puissance extraordinaire du caprice que rien ne saurait nuancer : pensée primaire, humeur intolérante, argument d’un totalitarisme infantile... Ainsi réagirent, selon Rite, les grands commentateurs devant cette déclaration sensationnelle et terrorisante à la fois du président russe : l’idée que quelque chose dans la doxa de fer du libéralisme pourrait être soumis à quelques éventuelles et aimables modifications, voire de rectifications.
« J'imagine un silence choqué descendant sur les salles de rédaction à travers le monde occidental ; peut-être qu'une perturbation dans le champ de force éveillé les avait prévenus à l'avance. Vladimir Poutine avait remis en question le libéralisme.
» Dans une interview accordée au Financial Times avant la réunion du G20 au Japon, le président russe a donné son point de vue sur “la soi-disant idée libérale, qui a survécu à son but”.
» Le choc dans les manchettes était palpable, car comment pourrait-on remettre en question la domination du libéralisme ? Les libéraux acceptent n'importe quoi (littéralement, c'est le but), mais ils deviennent totalement intolérants lorsque leurs croyances sont remises en question.
» Poutine estime que “l'idée libérale est devenue obsolète”, ce qui suggère qu'il n'a pas essayé d'obtenir un emploi dans les médias grand public récemment, où non seulement elle n'est pas obsolète, mais constitue un préalable sine qua non pour seulement pénétrer dans le bâtiment.
» La crise existentielle provoquée par le rejet du libéralisme par Poutine était telle que, dans un large entretien qui portait sur les dangers potentiels d'une course aux armements nucléaires, de la guerre entre les Etats-Unis et la Chine, et même de la saga de l'empoisonnement de Salisbury, le FT a choisi comme titre du scoop “Poutine dit que le libéralisme est devenu obsolète”.
» Vous avez peut-être remarqué que c'est la même structure de phrases que les petits enfants utilisent lorsqu'ils courent pour dire à leur mère ce que le grand garçon d'à côté vient de dire qui les a époustouflés. Vous ne me croyez pas ? “Maman, Poutine dit que le libéralisme est devenu obsolète !” Vous voyez ?... » [...]
« “Quant à l'idée libérale, ses partisans ne font rien. Ils disent que tout va bien, que tout est comme il se doit. L'idée libérale est devenue obsolète. Elle est entrée en conflit avec les intérêts de l'écrasante majorité de la population”, [dit Poutine].
» Objectivement parlant, s'il y a vraiment une vague de populisme politique dans le monde occidental, c'est probablement l'échec du consensus libéral qui est en grande partie à blâmer. Les gens pensent qu'on les laisse tomber et ils blâment l'idéologie du libéralisme. Beaucoup de gens s'inquiètent de l'impact que l'immigration a eu sur leur vie ; ou ils sont confus au sujet des nouvelles règles du genre, ou ils ont le sentiment que personne ne les représente et que les élites s'éloignent de plus en plus. Si les libéraux ne sont pas capables de tenir compte de tout cela, les électeurs trouveront quelqu'un qui le pourra.
» Plus tard dans l'interview, Poutine a déclaré : “Diverses idées et diverses opinions devraient avoir une chance d'exister... cela ne signifie pas que [l'idée libérale]doive être immédiatement détruite. Ce point de vue, cette position doit également être traitée avec respect”. Désolé, Monsieur le Président, les libéraux ne sont pas là pour permettre des points de vue différents.
» Un point de vue extérieur pourrait-il conduire à une réflexion, une discussion sur la question de savoir si le libéralisme est devenu un dogme idéologique qui ne fonctionne pas toujours lorsqu'il est confronté à la réalité ?
» Eh bien, non, Poutine est le croquemitaine choisi et, parce que c'est lui qui l'a dit, les libéraux vont prendre cela comme un signe qu'ils sont sur la bonne voie... »
Aucune chance, littéralement aucune chance de quoi que ce soit qui puisse amener à une certaine relativisation de l’idéologie hyperlibérale. Cette idéologie pèse comme une prison de fer sur les esprits. Elle n’a aucun espace disponible, ni aucune volonté d’en user, pour une certaine relativisation, et certainement pas selon les conseils de sagesse de Poutine de la nuancer de certaines structures telles que famille, tradition, etc. Alors, dans ce cas la sagesse n’est pas dans ce conseil de sens commun que suggère le président russe, qui est pulvérisé en mille morceaux sur le mur intraitable de l’idéologie, de la religion hyperlibérale, de l’extrémisme radical de la croyance ; la sagesse est dans l’audace intraitable de la volonté calculée, froide et intraitable, de pousser à l’effondrement de l’édifice hyperlibéral (ce que nous nommons “Système”) ; lequel n’est pas loin de ne demander que cela.
Le véritable intérêt de cette intervention de Poutine est d’avoir fait souffler, à côté de la preuve une fois de plus assénée que rien ne bougera, un véritable vent de terreur chez ces croyants de l’hyperlibéralisme. Poutine, le monstre conchiée et véritable diable incarné, est détestée et voué aux gémonies pour sa dialectique d’hérétique absolument atroce ; il est aussi immensément craint, véritablement terrorisant, pour la même raison, parce qu’il a eu l’audace de mettre en cause la chose sacrée, et que cette audace est le signe de sa toute-puissance diabolique. Poutine, avec ce mot et parce qu’il est ce qu’il est dans le simulacre de notre représentation du monde, a renforcé leur volonté de ne rien changer à l’objet de leur foi, et “en même temps” (sacrénom) il a installé du fait de la puissance de ses manigances supposées une terreur épouvantable s’ils ne changent rien à l’objet de leur foi. Poutine est pour les croyants de la foi hyperlibérale un étrange objet de leurs sentiments, d’une puissance considérable qui les fascine : objet de haine par ses délicates mises en cause, objet de terreur parce qu’une telle puissance propose ces délicates mises en cause.
Quoi qu’on pense de Poutine et quoi qu’en veuille Poutine, qui est un modéré remarquable et appuyé pour une part libérale de lui-même malgré l’apparence-simulacre, il ne réalise pas que sa véritable sagesse dans cette occurrence est l’audace terrible qu’il a involontairement déployée, qui littéralement terrorise les croyants. Ceux-ci, les croyants, sont aussi fragiles qu’ils paraissent intraitables et figés dans leur croyance, car l’on sait bien que ceci qui est si rigide mais infecté de toutes parts par les termites du doute et de la contestation, peut aussi bien s’écrouler en un instant, comme une structure totalement pourrie de l’intérieur.
Ils le sentent bien, et certains vont jusqu’à le dire. Par exemple, le président de l’UE Donald Tusk, en fin de mandat, visitant le musée de Nagasaki consacré à la bombe atomique de 1945 sur cette ville, où Tusk évoqua certaines de ses craintes abyssales, – dans le cadre du souvenir de la bombe atomique, mais aussi et surtout, devant tous les périls qui s’accumulent, dont à notre sens cette bataille de l’esprit autour et à l’intérieur de la prison de l’hyperlibéralisme n’est évidemment pas la moindre puisque c’est l’essentiel, – même si ce n’est pas nécessairement le sentiment de Tusk, puisqu’après tout son propos en appelle indirectement au renforcement du ... libéralisme en hyperlibéralisme. C’était à Nagasaki, à la fin juin de l'an 2019, à la veille de l’ouverture du G20, et la terreur de l’esprit était bien au rendez-vous :
« Exhortant les participants au G20 à “se réveiller avant qu'il ne soit trop tard”, M. Tusk a souligné que la scène internationale ne devrait pas “devenir une arène où les plus forts dicteront leurs conditions aux plus faibles sans aucune réserve” et “où les émotions nationalistes domineront sur le bon sens”. “Vous devez comprendre : vous prenez la responsabilité non seulement de vos propres intérêts, mais surtout de la paix et d'un ordre mondial sûr et équitable”, a souligné Tusk.
» Il a mis l'accent sur des situations instables dans "des dizaines d'endroits sur tous les continents", ce qui, selon Tusk, indique "à quel point le monde s'est rapproché du bord du précipice".
» “Nous continuons à prétendre que nous maîtrisons parfaitement la dynamique des événements et des changements, mais c'est une illusion. La prise de conscience de ces risques devrait guider les discussions à Osaka.”»
Des LGTB+ aux Boules Quies
Ce qui se passe a finalement moins à voir avec un discours-polémique autour de l’idéologie du libéralisme devenu hyperlibéralisme tant la situation est tendue et montée aux extrêmes qu’avec le sort de la civilisation dans son entièreté. Dans les premières pages de son livre L’empire du politiquement correct (Cerf, 2019), Mathieu Bock-Côté observe que nous sommes en présence d’« un processus historique devant conduire au plein accomplissement de la civilisation égalitaire... »
Par là, Bock-Coté introduit l’idée de plus en plus évidente que ce qui est en cause n’est pas tant le libéralisme en tant qu’idéologie économique imprégnant le reste, mais le passage de la priorité de cet état de choses à un projet de société, ou plutôt projet de civilisation s’exprimant dans l’immense mouvement progressiste-sociétal qui s’est développé ces dernières années à une vitesse proprement stupéfiante. (Avec en plus, on vous fait grâce des détails, la quincaillerie transhumaniste, Intelligence Artificielle, etc.) Où l’on voit que le propos de Poutine autant que l’ouragan déclenché ne sont sur le fond, bien que la forme soit tempétueuse du fait des réactions provoquées, qu’accessoire par rapport à cet essentiel que nous décrivons ; mais si cet accessoire craque et s’effondre, l’essentiel suivra...
(Notons déjà, avant d’y revenir, que cette vitesse est elle-même bien suspecte, si l’on relève toutes les contestations qu’elle fait lever, montrant bien qu’elle est artificielle, résultat de la communication et des gouvernements et groupes de pression terroristes, et nullement l’effet d’une volonté collective et éventuellement populaire, postmoderniste certes mais qui devrait être populaire pour espérer, non seulement durer mais simplement s’implanter comme quelque chose de structuré, voire comme amorce de civilisation... Mais de structuration point du tout justement, puisque cette absence est l’essence même du propos.)
Bock-Côté observe encore : « La démocratie contemporaine se veut désormais inséparable du déploiement de l’entreprise diversitaire, que je présente comme sa seule traduction possible. La diversité présentée comme une richesse est le “grand inquestionnable du moment”. En douter est un péché.[…] la démocratie se présente comme le déploiement d’un processus historique inarrêtable de reconnaissance des catégories sociales ou identitaires “discriminées” surgissant dans la vie publique et faisant valoir leur droit à l’égalité. »
Donc, il n’y a rien à attendre, la rupture est consommée ; le nœud gordien attaché le plus intimement au noyau existentiel de la modernité est noué avec une terrible force et pour en être quitte il faudra le trancher, – pas d’aménagements ni de compromis possibles, malgré toute la bonne volonté de Poutine. D’ailleurs, précise MB-C, il s’agit d’un « changement de civilisation qui ne pourrait s’arrêter sans se retourner contre lui-même » (On reconnaît l’équation surpuissance-autodestruction qui, décidément, se porte comme un charme.)
“Changement de civilisation”, en effet : « De la dissolution des nations à l’abolition des frontières, de la déconstruction des appartenances traditionnelles et de l’indifférenciation entre les sexes, de la désincarnation du père et de la mère à leur transformation en interchangeables partent-1 et parent-2, elle ébauche un programme qui est celui d’un changement de civilisation. Le peuple est devenu une population à traiter sur le mode thérapeutique… »
Tout est au complet dans cet inventaire, notamment avec la reconnaissance du rôle fondamental de la philosophie de la déconstruction (Deleuze,Foucault & Cie), où la déstructuration, la dissolution & l’entropie (dd&e) sous la forme générale de la déconstruction sont admises comme la règle primordiale, essentielle, exclusive pour parvenir à cette nouvelle civilisation :
« La philosophie de la déconstruction, de ce point de vue, est probablement celle qui est connectée le plus intimement au noyau existentiel de la modernité »
» Cette fragmentation infinie de la subjectivité est visible dans l’acronyme LGTBQI+, qui semble appelé à s’étendre en mobilisant toutes les ressources de l’alphabet en amalgamant des réalités qui ont pou à voir entre elles. »
Tout est dit, notamment la messe…
Car même les commentateurs habituellement cantonnés aux réflexions hexagonales et politiciennes prennent en compte le caractère sismique de l’évolution/de la révolution en cours. Certains jugent (comme le spécialiste de la communication Arnaud Benedetti) que tout cela entre dans les mœurs de la communication, comme s’il s’agissait d’une simple adaptation, d’un simple correctif alors qu’il s’agit d’une nouvelle civilisation. (Benedetti juge que Macron, pour justifier d’être “progressiste”, insiste sur le sociétal parce qu’il est impuissant au niveau social ; ce qui n’est que poursuivre ce qu’on alla jusqu’à nommer le “hollandisme” du temps de celui d’avant.) Certains chroniqueurs classiques qui sortent extrêmement rarement des sentiers battus de la basse politique française commencent, eux, à s’inquiéter des courants de collapsologie où la question progressiste-sociétale joue un formidable rôle de détonateur, qui commencent à frôler l’intelligence française de la situation tournant à plein régime, et donc à menacer le passage à la nouvelle civilisation dont parle MB-C, jusqu'à suggérer qu'il n'est qu'un simple faux-nez dans le style des civilisations qui s'effondrent pour camoufler l'événement réel de l'effondrement. Si l’on veut quelques noms, – cas de Julien Dray ex-apparatchik socialiste reconverti en commentateur indépendant, de Soazig Quémemer de Marianne, tout cela sur la chaîne pourtant hautement blanchie et sanitisée façon-Système qu’est LCI.
...Ainsi le progressisme-sociétal est-il non pas le complément, mais de plus en plus apparaissant comme prétendant être le substitut au monde de l’idéologie hyperlibérale en perdition, grâce à son caractère affirmé comme “progressiste”, sa dimension délicieusement “morale” rejoignant l’utopie invertie de l’égalité (« la civilisation égalitaire... »). Le problème est, à notre sens, que le monde de l’idéologie hyperlibérale, l’utopie et la foi hyperlibérale à la fois, avec son agression déconstructrice systématique de toutes les structures, sa liberté échevelée appelant et approchant le chaos, ce monde de l’utopie hyperlibérale est l’indispensable cimier économique et doctrinal du progressisme-sociétal : le second sans le premier s’effondre, et le premier sans le second est privé de sens. Comme l’a susurré Poutine avec un seul mot, avec les effets constatés, il est avéré que l’hyperlibéralisme est de plus en plus fragile par ses propres contradictions et l’extraordinaire et paradoxale fragilité de la psychologie de ses fidèles et de ses zélotes (comme le montre leur sensibilité au “mot de Poutine”) ; et d’autant plus vite fragilisé qu’il est de plus en plus violé par ceux (les dirigeants) qui sont censés défendre sa vertu. Que devient alors le triomphe progressiste-libéral avec la désintégration de son cimier économique et doctrinal, quelle est sa solidité, sa durabilité, sa résilience selon le mot en vogue aujourd’hui si, comme cela se voit, des mesures structurantes, le contraire de la révolution, sont dressées ici et là ?
Ce qui nous conduit au constat d’une situation bien différente de celle que nous décrit notre communication enfiévrée. Eh oui, certes, notre brio de communication est considérable... Il nous permet d’appeler un phénomène vertueux et libérateur de structures sociales déstructurées et “progressistes-sociétales” ce qui est désintégration putride et décadence accélérée, et de nommer “changement de civilisation” ce qui est l’effondrement d’une civilisation.
(Nous devrions relire Arnold Toynbee, dont nous rappelons régulièrement les thèses, sur le mécanisme de la succession des civilisations, qui rejette absolument la possibilité d’une civilisation se manœuvrant elle-même pour se transformer comme si elle était une force autonome ayant enfin disposé de l’Histoire, faisant elle-même l’Histoire comme l’affirment, – tiens, justement, – nos grands esprits américanistes semeurs de chaos.)
Au reste, nous rappelons une autre interprétation que nous donnons du mouvement LGTBQ (ou, comme l’écrit Bock-Côté : « Cette fragmentation infinie de la subjectivité est visible dans l’acronyme LGTBQI+, qui semble appelé à s’étendre en mobilisant toutes les ressources de l’alphabet en amalgamant des réalités qui oint peu à voir entre elles », – il paraît qu’il suffirait de s’arrêter à “LGTB+” pour ne pas surcharger le bulbe rachidien)... Cette interprétation est complètement biblico-stratégique et nous semble mieux seoir à l’air du temps, plutôt que céder au vertige du cloisonnement et résumer l’époque au triomphe du LGTB+ sans prêter attention aux séismes et catastrophes, humaines et naturelles, qui s’accumulent autour de nous et au-devant de nous... Que restera-t-il de LGTB+ lorsque nous en serons àMax Max ?
« Où l’on voit que le doctrine-PC devenue doctrine-LGTBQ apparaissait effectivement dans ses limbes foucaldiennes alors que la doctrine-MAD en était à son chant du cygne (décennies 1970 & 1980) devant la disparition prochaine, puis actée de l’URSS, qu’elle était ainsi complètement vidée de sa substance, découvrant le vide de son essence ; qu’elle était donc, cette doctrine-PC devenue-LGTBQ, destinée après sa naissance et ses premières envolées, son cheminement hésitant puis de plus en plus triomphant, finalement son formidable essor notamment à partir du début des années 2010 pour sa phase finale et paroxystique, à occuper l’essentialité du cimier de la “culture-Armageddon” et à organiser la bataille de la catastrophe finale, ou Bien et Mal selon la logique de l’interprétation humaine n’auraient en rien leur place, où le trinôme déstructuration-dissolution-entropisation s’occuperait d’activer l’effondrement qui justifierait l’étiquette d’Armageddon. »
Il est vrai que, dans notre sinistre et crépusculaire humeiur, nous devrions préférer cette perspective aux lendemains qui chantent en arc-en-ciel [Over the Rainbow] et déploient sans restriction un courant de folies collectives. Question d’humeur, sans doute, et puis se payer Armageddon en lieu et place de la Gay Pride correspond mieux à l’extension du type-tragédie-bouffe que nous propose notre époque : des Boule-Quies si efficaces qu’elles permettent de danser sur le volcan qui gronde dans rien perdre du rythme-rock’n’rollqui nous importe. (Ou, comme disait le Général Flynn, “changer les transats de place sur le pont du Titanic”.)
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